Des vidéos montrant des miliciens à l’entraînement et des messages sur WhatsApp portant sur la surveillance de la maison de campagne de Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan, ont été révélés lundi dans la foulée des arrestations plus tôt ce mois-ci de cinq hommes accusés d’avoir planifié son enlèvement.

Une des vidéos montre deux miliciens armés sortant d’une voiture et tirant à répétition en direction d’un secteur boisé. Des photos révélées par les autorités fédérales montrent aussi un petit pont qu’ils voulaient faire exploser pour détourner l’attention pendant qu’ils kidnapperaient la gouverneure.

PHOTO REBECCA COOK, ARCHIVES REUTERS

Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan

Dans un message, un milicien suggère aux autres : « On envoie une personne à sa maison. On cogne à la porte, elle répond. On lui met un sac sur la tête. »

Alex Friedfeld, chercheur au centre sur l’extrémisme de la Ligue antidiffamation (ADL) aux États-Unis, note que la vidéo et les messages ne veulent pas dire que les accusés étaient très professionnels.

Le fait qu’ils répètent les gestes ne fait pas d’eux des gens compétents. Honnêtement, ils ont l’air d’amateurs qui veulent jouer aux durs.

Alex Friedfeld, chercheur au centre sur l’extrémisme de la Ligue antidiffamation

M. Friedfeld note que le groupe avait été infiltré par des informateurs du FBI, qui rapportaient tout ce qu’ils voyaient et entendaient. « À un moment, ils vont repérer la demeure de la gouverneure, et il y a trois ou quatre informateurs avec eux. Ils étaient assez ineptes en matière de sécurité opérationnelle. »

Cinq individus ont été arrêtés au Michigan par le FBI plus tôt ce mois-ci. Adam Fox, Ty Garbin, Kaleb Franks, Daniel Harris et Brandon Caserta sont accusés de complot visant à commettre un acte terroriste, entre autres.

IMAGE JERRY LEMENU, ARCHIVES ASSOCIATES PRESS

Brandon Caserta et son avocat, Michael Darragh Hills, Adam Fox etTy Garbin

Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, remarque que les autorités américaines ont fortement médiatisé l’arrestation et les détails du complot.

Je ne crois pas que ce soit un hasard. Je crois qu’il s’agit d’un effort stratégique pour envoyer un signal très clair, à quelques semaines des élections. Les autorités disent qu’elles prennent les menaces terroristes au sérieux, et que ce n’est pas vrai que le FBI s’intéresse seulement aux islamistes.

Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s

En campagne électorale au Michigan, samedi, Donald Trump a parlé de la gouverneure Whitmer, et la foule a scandé « enfermez-la » (lock her up). Le président avait paru apprécier, scandant lui-même « enfermez-les tous ».

En route vers l’élection

Lors de son débat avec Joe Biden, le mois dernier, le président Trump a dit aux groupes d’extrême droite de se tenir en retrait, et de se tenir prêts.

« Il va y avoir de la fraude comme vous n’en avez jamais vu, a-t-il déclaré. Nous ne le saurons peut-être pas pendant des mois, car ces bulletins de vote seront partout. […] J’encourage mes partisans à aller dans les bureaux de vote et à bien observer. »

Des études indépendantes ont pourtant montré que la fraude électorale, y compris pour le vote par la poste, était extrêmement rare aux États-Unis.

Selon Alex Friedfeld, les intentions de la plupart des groupes d’extrême droite par rapport à leurs actions le jour du vote ne sont pas encore connues, mais certains leaders ont déjà pris position.

Stewart Rhodes, chef d’une des plus importantes milices, les Oath Keepers, a annoncé que son groupe sera présent aux bureaux de scrutin. Est-ce que ça veut dire qu’ils y seront avec leurs armes ? Probablement, mais on ne le sait pas encore.

Alex Friedfeld, chercheur au centre sur l’extrémisme de la Ligue antidiffamation

Il y a énormément de discussions en ligne au sujet des « élections frauduleuses », du « vote frauduleux », dit-il. « Ajoutez cela à la croyance voulant que les gauchistes vont détruire l’Amérique et confisquer vos libertés, et vous avez un sentiment d’urgence chez les groupes d’extrême droite. Si vous croyez en ces choses, c’est presque votre devoir de vous présenter le jour du vote et d’empêcher la tyrannie. »

La question sera aussi de voir comment se dérouleront les choses du 4 novembre jusqu’au jour de la prestation de serment, le 20 janvier 2021.

« La trame narrative, encore une fois, c’est que si Biden gagne, c’est parce qu’il aura truqué l’élection. Qu’est-ce que les gens font dans une telle situation ? Il pourrait y avoir des confrontations tendues entre la droite et la gauche. L’année 2020 nous a montré que les gens se sentent désormais à l’aise d’apporter des armes en public, d’une façon qui n’existait pas auparavant, et ça nous inquiète. »