(Washington) Joe Biden a encore salué sa mémoire lors du premier débat présidentiel : son fils Beau, emporté par un cancer en 2015, occupe une place hors norme dans la campagne du candidat démocrate à la Maison-Blanche.

« Même s’il n’est plus parmi nous, il inspire encore tous les jours le futur président des États-Unis » : dans les discours et même une vidéo dédiée de plus de deux minutes, c’est lors de la convention démocrate en août que l’influence de cet homme charismatique s’était faite la plus frappante.  

Depuis que Beau Biden a été emporté à 46 ans par un cancer du cerveau, le septuagénaire l’évoque, ému, à presque chaque occasion. Et ses hommages ont récemment trouvé un nouveau souffle, avec un article accusant Donald Trump d’avoir qualifié de « losers » des soldats américains morts au combat.

Procureur général du Delaware (2007 à 2015), réserviste de l’armée envoyé en Irak, Beau Biden avait un temps flirté avec l’idée de prendre la relève de son père au Sénat, et semblait promis à un destin national.

« Mon fils […] n’était pas un perdant », a lancé Joe Biden, en haussant la voix, sur le plateau du débat mardi.

Mais à la mention de ce fils disparu à l’image idéalisée, le président républicain a immédiatement opposé celle, plus trouble, de son frère : « Vous parlez de Hunter ? »

À 50 ans, cet avocat et conseiller est au cœur de l’affaire ukrainienne qui avait valu à Donald Trump une procédure historique de destitution.  

Les démocrates accusaient en effet le président américain d’avoir abusé de ses fonctions en faisant pression sur l’Ukraine pour qu’elle enquête sur les affaires commerciales de Hunter Biden.  

« Où est Hunter ? ». Depuis son acquittement, Donald Trump n’en démord pas : Joe et son fils sont « corrompus » pour avoir laissé ce dernier jouer de son nom afin d’obtenir de juteux contrats. Et il a, mardi soir, brandi la dépendance aux drogues que Hunter a lui-même reconnue.  

Indigné, le candidat démocrate a renvoyé le milliardaire aux millions d’Américains qui souffrent, dans leurs familles, d’un problème de dépendance. « Il l’a surmonté », a-t-il affirmé. « Et je suis fier de lui ».

Mais comme pour poursuivre son hommage interrompu, c’est avec une casquette au nom de la fondation Beau Biden, luttant contre la maltraitance des enfants, qu’il est apparu mercredi matin face aux journalistes.  

« Fier de moi ? »

Il ne s’en cache pas : l’influence de Beau Biden sur le démocrate reste immense.  

Sa disparition, à 46 ans, avait longuement fait hésiter Joe Biden, sous le poids du deuil, à se présenter à la primaire démocrate en 2015/2016. Il avait finalement renoncé.  

Candidat cette fois, l’ex-bras droit de Barack Obama avait lâché en janvier, en retenant ses larmes : « Beau devrait être celui qui se présente à la présidentielle, pas moi. Tous les matins je me lève et […] me demande : “Est-il fier de moi ?” ».  

Sa mémoire avait même pu jouer dans le choix de sa colistière, la sénatrice Kamala Harris. Beau Biden « avait un immense respect pour elle et son travail », avait-il confié peu après l’avoir désignée.

Tous deux furent procureurs généraux lors de la grande crise financière de 2007-2009.  

« Beau, à toi de jouer »

Son décès ne fut pas la première tragédie familiale de Joe Biden.  

En 1972, alors qu’il venait d’être élu sénateur, sa femme et sa fille avaient été emportées par un accident de voiture. Ses deux fils avaient été blessés et c’est à leur chevet d’hôpital que le démocrate avait décidé de prendre ses fonctions au Congrès.

Puis il avait fait régulièrement les aller-retour en train entre Washington et son fief de Wilmington, dans le Delaware, quatre heures à chaque fois, pour les élever.  

Ces années ont profondément soudé la famille.  

« L’un de mes premiers souvenirs, c’est d’être à l’hôpital, papa toujours à nos côtés », avait confié Beau lors de la convention démocrate de 2008, en faisant pleurer Joe et son épouse Jill Biden. « Cinq ans plus tard, nous – mon frère, papa et moi – nous sommes mariés avec ma maman, Jill ».

C’est encore lui qui avait, en 2012, présenté sur la scène de la convention démocrate le vice-président de Barack Obama. Avec ces mots : « Mon père, mon héros : Joe Biden ».  

En août dernier, malgré sa mort, il avait de nouveau occupé la place d’honneur à la convention, pour marquer cette fois la candidature de son père à la Maison-Blanche.  

« Nous voulions donner à Beau le dernier mot », avait déclaré son frère Hunter. Et leur demi-sœur Ashley de lancer, avant un extrait de son discours de 2012 : « Beau, à toi de jouer ».