Il y a 60 ans aujourd’hui avait lieu le premier débat télévisé entre candidats à la présidence des États-Unis. Le républicain Richard Nixon affrontait le démocrate John F. Kennedy. Nixon était nerveux, crispé. Kennedy était confiant, lumineux, charismatique. Kennedy a gagné le débat et l’élection. Le visage de la démocratie venait de changer pour toujours. On entrait dans une nouvelle ère. Pour devenir président des États-Unis, il fallait dorénavant savoir se servir de la télé.

C’est ainsi que la première puissance mondiale s’est retrouvée avec à sa tête un ancien acteur d’Hollywood (Reagan), un séducteur joueur de saxophone (Clinton), un orateur de génie (Obama) et une vedette de téléréalité (Trump).

Mardi soir aura lieu l’un des moments politiques les plus importants des dernières années et, surtout, l’un des moments politiques les plus importants pour les prochaines années : le premier débat opposant Joe Biden à Donald Trump.

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Joe Biden, candidat démocrate à la présidence

Trump a beau avoir tous les défauts du monde, il a une grande qualité : il perce l’écran. Au propre comme au figuré. Souvent, il nous donne envie de briser notre télé. Mais quand il apparaît, on le regarde. Quand il parle, on l’écoute. C’est un show ambulant.

Comment Joe Biden parviendra-t-il à se démarquer devant cette bête obscène ? Biden est sympathique. C’est l’oncle agréable. Mais pour affronter Trump sur son terrain, ça prendrait une Oprah, ça prendrait un Batman. Comment transformer un « average Joe », en « super Joe » ?

On le sait, Trump va monter sur le ring agressif. Il va faire la Biden chaude à son adversaire. Lui lancer une série de jabs. Il va l’attaquer, l’insulter. S’en prendre à son vieil âge. Joe Biden aura 78 ans en novembre. Trump est de quatre ans son cadet. Quatre ans, ce n’est pas tant que ça, mais en âge de président, c’est toute une vie, c’est tout un mandat. Surtout que Joe fait son âge. Il aura 82 ans en 2024. Comment convaincre les électeurs qu’il est l’avenir de l’Amérique ?

Premièrement, éviter d’essayer d’avoir l’air jeune à tout prix. Joe Biden ne doit pas arriver habillé en Jay Du Temple. Il ne doit pas non plus enregistrer une danse TikTok en plein milieu du débat. La jeunesse, c’est dans la tête que ça se passe. Qu’il mette de l’avant des idées progressistes et rassembleuses. Il ne doit pas seulement démontrer que Trump est une catastrophe. Il faut qu’il donne le goût aux Américains de voter pour lui, pas seulement contre l’autre.

Il ne faut pas que l’élection se résume à un affrontement entre les pro-Trump et les anti-Trump. Il faut que quelque part, il y ait des pro-Biden. Des gens qui croient en l’ancien vice-président. Sinon, Biden restera un numéro deux. Le numéro deux d’Obama. Le numéro deux du scrutin présidentiel de 2020.

C’est pour ça que Biden ne doit pas seulement s’en prendre à Trump. S’il passe tout son temps à dénoncer le mandat de Trump, il aura passé la soirée à parler de Trump. Sans parler de Biden. CNN vient de passer quatre ans à dénoncer le mandat de Trump et le Donald a toujours des chances de demeurer à la Maison-Blanche. Parlez de moi en bien ou en mal, si vous ne parlez que de moi, les gens n’auront que moi en tête.

Pour rassurer tout le monde sur son état de santé, Joe Biden pourrait débattre sur un tapis roulant en marche. Pas certain qu’il réussirait à se rendre jusqu’à la fin. Surtout que le débat va durer 90 minutes. C’est long, 90 minutes sous les projecteurs, même sans courir. Il ne doit surtout pas cogner des clous. Pas de petit dodo entre deux interventions. Il doit rester alerte, ouvert, charmant. Il faut qu’à côté de lui, Trump ait l’air dépassé.

Grosse commande. C’est fou, le sort de la planète repose sur les épaules d’un average Joe. Pas si moyen que ça, bien sûr. On ne devient pas candidat à la présidence en étant ordinaire. Mais Biden est average, ordinaire, en ce sens qu’il n’a rien de particulier, rien de spécial. L’Amérique avait quatre ans pour trouver quelqu’un qui soit capable d’incarner l’espoir. Capable de générer le renouveau. Tout ce qu’elle a trouvé, c’est Joe Biden. Il y avait sûrement mieux, mais on ne les a pas vus. Les absents ont toujours tort. Et c’est vrai autant pour ceux qui ne se présentent pas que pour ceux qui ne votent pas.

Alors si on veut espérer, on va commencer par espérer que Biden fasse bonne figure, mardi soir. Il ne doit pas faire de gaffe. Ce qui est injuste, c’est que Trump peut faire toutes les gaffes imaginables. Plus il en fait, plus sa base l’applaudit.

On va regarder ce premier débat comme on regarde un épisode de District 31 : en prenant pour le bon, mais en sachant très bien que si on est si nombreux à s’y intéresser, c’est à cause du méchant.