Le refus de Donald Trump de s’engager à quitter la Maison-Blanche en cas de défaite à l’élection du 3 novembre a continué de provoquer de fortes réactions aux États-Unis, jeudi.

Le sénateur Mitch McConnell, du Kentucky, chef de la majorité républicaine au Sénat, a contredit Trump et insisté sur le fait qu’il y aurait un transfert pacifique du pouvoir en janvier.

« Le vainqueur de l’élection du 3 novembre sera investi le 20 janvier, a écrit M. McConnell sur Twitter. Il y aura une transition ordonnée comme il y en a eu tous les quatre ans depuis 1792. »

M. McConnell s’est toutefois abstenu de critiquer directement le président.

Monika L. McDermott, professeure au département de science politique et spécialiste des élections à l’Université Fordham, à New York, explique en entrevue téléphonique ne pas être surprise des déclarations du président.

C’est décourageant, c’est décevant. C’est une menace directe à la démocratie, mais c’était malheureusement prévisible avec ce président.

Monika L. McDermott, professeure au département de science politique et spécialiste des élections à l’Université Fordham, à New York

Les résultats électoraux seront communiqués au public de façon plus lente cette année en raison de la pandémie, un fait que Donald Trump « va probablement » essayer d’exploiter, dit Mme McDermott.

Beaucoup d’États devront compter un grand nombre de bulletins de vote par la poste, et ils n’en ont pas l’habitude, donc les résultats ne seront pas connus aussi vite. Trump pourrait en profiter pour dire que l’élection a été volée par les démocrates, et faire tout ce qu’il peut pour contester les résultats, y compris des moyens judiciaires. Il va tout essayer.

« Vous devriez le croire »

Questionné mercredi par un journaliste lors d’un point de presse à la Maison-Blanche, le président Trump avait refusé de s’engager à assurer un transfert pacifique du pouvoir en cas de défaite.

« Il va falloir que nous voyions ce qui se passe », avait-il déclaré.

Trump met en doute depuis des mois la validité du vote du 3 novembre, affirmant notamment que le vote par la poste invite à la fraude. Des études réalisées sur la question donnent tort au président et montrent que le vote par la poste – souvent utilisé par Trump et sa famille pour voter au fil des ans – est sécuritaire.

Jeudi, le sénateur Chris Coons, démocrate du Delaware et proche allié de Joe Biden, s’est dit alarmé par la déclaration de Trump.

« Lorsqu’un dirigeant aux tendances autoritaires vous dit qu’il a l’intention de faire quelque chose de scandaleux comme ne pas accepter une transition pacifique après une élection, vous devriez le croire », a-t-il déclaré.

La démocrate Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a tenté de calmer le jeu.

Vous n’êtes pas en Corée du Nord, vous n’êtes pas en Turquie, vous êtes aux États-Unis d’Amérique, a-t-elle dit. Nous sommes une démocratie, alors pourquoi n’essayez-vous pas un instant d’honorer votre serment à la Constitution des États-Unis ?

Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants

Signe des moments tendus que vit Washington, le président Tump a provoqué des huées et des cris de protestation, jeudi, en allant se recueillir devant le cercueil de la juge progressiste de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg.

« Sortons-le par les urnes ! » (Vote him out !), ont scandé des personnes présentes.

« Trump peut convoquer l’armée »

Plus tôt ce mois-ci, une analyse du groupe Transition Integrity Project, composé de plusieurs constitutionnalistes et experts en droit électoral américain, a conclu que le président avait de nombreux outils à sa disposition s’il décidait d’ignorer ou de contester les résultats du vote du 3 novembre.

En revanche, Joe Biden et ses partisans n’ont que très peu d’options, ont-ils constaté.

« Il y a un gouffre énorme entre les pouvoirs coercitifs à la disposition du président des États-Unis, et ceux de son opposant, qui n’a essentiellement aucun pouvoir dans notre système, a déclaré Rosa Brooks, professeure de droit à l’Université Georgetown et cofondatrice du groupe au site Fivethirtyeight. Joe Biden peut convoquer une conférence de presse ; Donald Trump peut convoquer l’armée. »