(Washington) Les États-Unis ont sanctionné jeudi un Ukrainien considéré comme un « agent de la Russie » pour avoir tenté de « discréditer » Joe Biden, et dont les montages censés incriminer le candidat démocrate à la présidentielle du 3 novembre avaient été relayés par Donald Trump lui-même.

« Andreï Derkach, membre du parlement ukrainien, est un agent russe actif depuis plus de dix ans, toujours en contact étroit avec les services de renseignement russes », a déclaré dans un communiqué le Trésor américain.

Le gouvernement américain l’accuse d’être impliqué « dans des ingérences étrangères pour tenter de saper l’élection présidentielle ».

Cette opération « clandestine », « dirigée par la Russie » pour « influencer les opinions des électeurs américains », devait « culminer avant le jour du vote », a estimé le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, dans un autre communiqué.

Selon le Trésor, il s’agit d’un « avertissement clair à Moscou et à ses mandataires : ces activités ne seront pas tolérées ».

Andreï Derkach avait rencontré fin 2019 Rudy Giuliani, l’avocat personnel du président Trump, en première ligne d’un effort pour prouver de prétendus faits de corruption perpétrés par Joe Biden et son fils Hunter en lien avec l’Ukraine.

L’élu ukrainien avait ensuite rendu public en mai un montage d’enregistrements de conversations téléphoniques de 2016 entre Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, et le président ukrainien de l’époque, Petro Porochenko. Ces sonores étaient censées étayer cette corruption.

Le Trésor souligne toutefois qu’ils visaient en fait à soutenir des thèses « non étayées » pour « discréditer » des responsables américains.

Lanceur d’alerte

Cet été, le président sortant républicain, candidat à un second mandat face à Joe Biden, avait retweeté un message contenant ces enregistrements, pourtant déjà dénoncés par le renseignement américain comme un effort russe pour « dénigrer » le démocrate.

Sur sa page Facebook, Andreï Derkach a dénoncé une « revanche » de la part « des représentants de la corruption démocrate », même si les sanctions proviennent de l’administration républicaine. Il a promis de dévoiler la semaine prochaine « de nouveaux faits scandaleux ».

Trois Russes, Artem Lifshits, Anton Andreïev et Darïa Aslanova, sont également sanctionnés en tant qu’employés de l’Internet Research Agency (IRA), une organisation russe proche du Kremlin. Ils sont chargés de gérer les cryptomonnaies utilisées pour les opérations d’ingérence, selon le Trésor.

Artem Lifshits a été parallèlement inculpé par la justice américaine pour avoir tenté d’usurper l’identité d’Américains afin d’ouvrir des « comptes frauduleux » pour des échanges de cryptomonnaie.

L’IRA, considérée comme une des principales officines ayant aidé à manipuler les réseaux sociaux aux États-Unis, avait déjà été inscrite sur la liste noire américaine pour tentative d’ingérence dans les élections de mi-mandat de 2018.

Les sanctions de jeudi viennent matérialiser les risques d’une nouvelle ingérence russe, déjà mis en avant par le renseignement américain.

Elles interviennent alors qu’une plainte d’un lanceur d’alerte accusant la Maison-Blanche d’avoir voulu minimiser l’ingérence russe dans la prochaine présidentielle a été dévoilée mercredi.

Le lanceur d’alerte, un responsable des renseignements américains nommé Brian Murphy, affirme que le ministre de la Sécurité intérieure Chad Wolf lui avait personnellement demandé mi-mai « d’arrêter de faire remonter des rapports du renseignement sur la menace d’une interférence russe aux États-Unis, et à la place d’informer sur les interférences de la Chine et de l’Iran ».

Ces instructions venaient « directement » de la Maison-Blanche, selon la plainte.

Selon les agences de renseignement américaines, la Russie a interféré dans l’élection américaine de 2016, au profit de Donald Trump, dont l’équipe de campagne a été accusée de collusion avec Moscou.

Donald Trump, qui a par le passé semblé mettre en doute la véracité d’une telle ingérence, a été accusé à plusieurs reprises au cours des quatre dernières années de manquer de fermeté face à la Russie de Vladimir Poutine, jusque dans son propre camp républicain.