(Washington) Donald Trump reçu par des centaines de partisans sur le tarmac d’un aéroport. Joe Biden parlant devant une dizaine d’invités, tenus à distance sur un stationnement : les deux candidats à la Maison-Blanche mènent des campagnes aux antipodes en pleine pandémie de COVID-19.

Mais la distanciation physique ne nuit pas au démocrate, qui devance le président américain dans les sondages pour l’élection du 3 novembre. Pour l’instant.  

« Puisque je pratique la distanciation physique, je peux enlever mon masque, me dit-on, pendant que je parle. Mais je promets que je le remettrai » : mercredi dans le Michigan, l’ancien vice-président démocrate, 77 ans, a de nouveau revendiqué son respect des gestes-barrières.

Et tant pis si son rival républicain ironise sur les précautions de celui qu’il surnomme « Joe le planqué ».

« Combien de familles n’ont pas leurs êtres chers ce soir autour de la table à cause de son échec » dans la gestion de la pandémie, a-t-il lancé à propos de Donald Trump, en déplorant le lourd bilan de plus de 190 000 morts de la COVID-19 aux États-Unis.  

« C’est plus que honteux. C’est un manquement à ses devoirs », a-t-il poursuivi devant une poignée d’invités et quelques journalistes, à Warren près de Detroit, berceau américain de l’automobile.

Le Michigan sera l’un de ces États-clés qui pourront faire basculer l’élection. Créant la surprise, Donald Trump l’avait remporté d’une infime avance en 2016.  Et il sera de retour jeudi soir, à Freeland.  

S’il n’y a plus les milliers de personnes qui se pressaient dans ses réunions avant le confinement, des centaines de partisans se rassemblent à chaque fois, à l’air libre, souvent dans des immenses hangars d’aéroport.  

Évitant de porter le masque en public, Donald Trump, 74 ans, se rendra ensuite vendredi à Shanksville en Pennsylvanie, comme Joe Biden, pour commémorer le 11-Septembre, puis se rendra ce week-end dans le Nevada.  

« Placard à balais »

L’organisation d’une réunion dans cet État de l’Ouest, gouverné par un démocrate, a justement fait l’objet d’une controverse mercredi, lorsque les responsables d’un hangar ont annulé, car il dépassait le nombre limite de personnes autorisées à se rassembler pendant la pandémie.  

« Les démocrates essayent d’empêcher le président Trump de parler aux électeurs, car ils savent que Joe Biden ne peut pas concurrencer l’enthousiasme derrière sa campagne de réélection », a lancé son directeur de communication, Tim Murtaugh.

Le candidat démocrate pourrait à peine « organiser un acte de campagne dans un placard à balais », a-t-il taclé.

La stratégie de Donald Trump, « c’est d’être aussi visible que possible et il s’y tient », analyse Tobe Berkovitz, professeur spécialiste en communication politique à l’université de Boston.  

Quant à l’équipe de campagne du démocrate, « plus elle peut protéger Biden, mieux elle se porte », juge-t-il. « Cela l’empêche de faire des erreurs, de se voir poser des questions difficiles ».  

D’autant que les rares conférences de presse du septuagénaire, connu pour ses gaffes, sont limitées à un petit groupe de reporters, souvent installés dans des cercles marqués au sol, distanciation physique oblige.   

L’ancien bras droit de Barack Obama mène Donald Trump d’une confortable avance dans les sondages nationaux.  

Surtout, il le devance aussi dans les principaux les États-clés, qui détermineront le vainqueur en basculant vers un candidat ou l’autre, mais d’une marge souvent plus serrée.  

D’où l’importance de convaincre les indécis.  

Au détriment « de la démocratie » ?

Après des mois de confinement suivis par des déplacements très restreints, le démocrate, mais aussi sa colistière Kamala Harris et son épouse, Jill Biden, se sont lancés la semaine dernière dans un rythme de voyage bien plus intense.

Même s’ils ne parlent pas à des centaines de partisans comme Donald Trump, ces actes de campagne « reçoivent le même temps de couverture médiatique », note John Hudak, du centre de recherche américain Brookings.

Ceux qui se moquent des précautions de Joe Biden « ne vont pas voter pour lui de toute façon », analyse-t-il, tandis que ceux qu’il doit convaincre, les électeurs indépendants notamment, soutiennent selon les enquêtes d’opinion les gestes barrières.  

Au final, compte tenu des sondages, « les électeurs ne tiennent clairement pas rigueur à M. Biden de la façon dont il mène sa campagne », selon M. Hudak.  Et c’est avant tout le « président qui doit rattraper Biden ».  

La stratégie du démocrate « est efficace », concède Tobe Berkovitz.  

« Mais je ne pense pas que cela serve la démocratie », ajoute-t-il. « La démocratie devrait être un débat ouvert, un échange d’idées, des candidats questionnés par de vrais électeurs, et ce n’est pas ce qu’il se passe. »