(Vancouver) Proches de la victime, familles avec enfants ou militants parfois armés, quelques centaines de personnes se sont rassemblées samedi dans un parc près de Portland pour saluer la mémoire d’Aaron Danielson, membre d’un groupuscule nationaliste tué une semaine plus tôt par un homme se réclamant de la mouvance antifasciste.

Pour certains participants, membres du groupuscule extrémiste local Patriot Prayer auquel appartenait la victime, le drame confirme que l’Amérique est plongée dans la « guerre civile ». Et, comme le président Donald Trump le répète à l’envi, que ses valeurs traditionnelles sont attaquées par l’ultra-gauche et les mouvements antiracistes.

Aaron Danielson, 39 ans, membre d’un groupe local d’extrême droite, Patriot Prayer, a été abattu samedi dans cette grande ville du nord-ouest des États-Unis, où des partisans de Donald Trump étaient venus défier les militants du mouvement Black Lives Matter.

Suspect de ce crime, Michael Reinoehl, 48 ans et habitué des manifestations antiracistes organisées depuis 100 jours à Portland, est mort cinq jours plus tard lors de son interpellation par des forces fédérales. Il se cachait à environ 200 km au nord de Portland et a sorti une arme à feu en voyant les policiers.

Les circonstances de la mort de M. Danielson, surnommé « Jay » par ses amis, sont encore floues et font l’objet d’une enquête.

Mais Michael Reinoehl avait reconnu à demi-mot quelques heures plus tôt dans une interview à Vice News avoir tué Aaron Danielson.  

« Nous sommes au cœur d’une guerre civile entre le bien et le mal. Le bien ce sont tous les gens que vous voyez ici, le mal ce sont les libéraux qui laissent détruire nos villes par les “antifas”, “Black Lives Matter” ou quel que soit le nom que vous leur donnez », déclare à l’AFP Dann, quinquagénaire rondouillard qui a côtoyé la victime au sein de Patriot Prayer.

Il désigne de la main les familles alignées près d’un imposant barbecue où grillent des saucisses, au milieu des chaises de camping et des nombreux drapeaux américains déployés pour l’occasion.

« Sacrifice humain »

Sans l’hommage à la victime et les fusils d’assaut ou pistolets portés par quelques groupes d’hommes, avec casquette et barbe, l’ambiance serait presque à la fête dans ce grand jardin public de Vancouver, à un quart d’heure seulement au nord de Portland.

Mais l’humeur de Dann est sombre. « Les deux mois qui s’annoncent jusqu’à l’élection présidentielle vont être horribles. Il va y avoir encore plus de violence, d’insultes », prédit-il.

« On voit que les antifas, et même Black Lives Matter, essayent de détruire la famille américaine et ont des valeurs marxistes, c’est dans leur manuel d’entraînement. Et nous sommes contre ça », renchérit Daparu De Crusha, 51 ans, un long skateboard à la main et un petit pistolet à la ceinture.

Il est convaincu que son camarade « Jay » n’a pas été abattu par hasard. « Je crois que c’était orchestré, c’était une chasse. Il devait y avoir un sacrifice humain ce soir-là et Jay Danielson a été leur victime », lance cet ancien publicitaire.

Citant souvent la Bible et des théories conspirationnistes visant la Chine ou Bill Gates, il se définit comme évangélique et « libertaire ». Et pour lui, la victoire ou la défaite de Trump le 3 novembre ne changera rien aux problèmes de son pays.

« Ça ne va pas s’arrêter avec l’élection », estime lui aussi Dann, qui porte toutefois la casquette rouge « Make America Great Again » des partisans de Donald Trump et s’est fait tatouer sur le bras un des slogans préférés des conservateurs américains, « nous le peuple ».

« La seule chose qui va faire cesser ça, c’est si nous défendons nos droits. Nous devons arrêter de nous laisser intimider », dit-il.

Dann reconnaît être inquiet, mais il possède une arme et, si nécessaire, est prêt à s’en servir.

« Je crois que 90 % d’entre nous ici ressentent la même chose. On ne veut pas utiliser une arme à feu, mais s’il le faut, nous savons nous en servir et nous le ferons », souligne-t-il.

Dans son hommage à Jay Danielson, Joey Gibson, fondateur de Patriot Prayer qui se défend d’être d’extrême droite ou de prôner la suprématie de la race blanche, a bien insisté samedi sur le rejet de la haine et de la violence.

« Nous devons lutter de toutes nos forces, mais je ne veux voir personne encourager un quelconque acte de violence au nom de Jay, pas une seule personne », a-t-il lancé.