Moins de deux mois. C’est le temps qu’il reste avant le scrutin du 3 novembre. Les candidats à la présidence ont été officiellement désignés, les conventions démocrate et républicaine sont terminées, la campagne électorale amorce une phase cruciale. Entre un virus qui circule en catimini et les explosions de violence sur fond de haine raciale, qu’est-ce qui comptera le plus dans la tête des Américains en novembre ?

À huit semaines d’une élection présidentielle charnière, quels enjeux préoccupent les Américains ? Voici les sujets auxquels réfléchissent les quelque 156 millions d’électeurs qui pourraient voter le 3 novembre prochain.

1. L’économie

Un sondage national réalisé par la firme Pew Research en août montre que l’économie arrive au sommet des préoccupations des électeurs américains. Ce n’est sans doute pas étonnant : le taux de chômage est de plus de 10 % aux États-Unis, l’un des plus hauts taux en 25 ans. « Les gens ont peur, car des millions de personnes ont perdu leur emploi ou ont vu leurs heures réduites, alors que des commerces et restaurants sont toujours fermés, explique en entrevue Jaime A. Regalado, analyste politique et professeur émérite de sciences politiques à l’Université d’État de Californie. Pour une partie de la population, les occasions d’emploi ont disparu, et c’est difficile de voir quand elles vont revenir. »

PHOTO BRYAN WOOLSTON, ARCHIVES REUTERS

Des centaines de personnes font la queue à l’extérieur du Centre de recherche d’emploi du Kentucky, à Frankfort, pour y recevoir de l’aide afin de s’inscrire au chômage, le 18 juin.

Michael LaBossiere, auteur et spécialiste des théories du savoir à la Florida A&M University, note en entrevue avoir lui aussi pu constater que l’économie fait partie des préoccupations. « Tant dans mes discussions en personne que sur les réseaux sociaux, le sujet revient constamment, dit-il. Des républicains ont même lancé l’argument qu’il valait mieux laisser les gens mourir de la COVID-19 que de laisser l’économie s’effondrer, alors ce n’est pas surprenant que l’économie soit aussi haute dans les préoccupations cette année. »

2. Soins de santé

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Patients, dans la salle d’attente du St. John’s Well Child and Family Center, à Los Angeles. Le centre offre notamment des soins de santé aux personnes à faible revenu.

Les États-Unis sont le seul pays riche qui n’assure pas des soins de santé à ses citoyens — plus de 500 000 familles américaines font faillite chaque année en raison des coûts des soins médicaux. Et ça, c’était avant la COVID-19, dont le traitement peut facilement entraîner des frais de 70 000 $ US ou plus pour un séjour de cinq ou six jours à l’hôpital. Cela inquiète les électeurs démocrates, dont 84 % disent que le sujet des soins de santé est très important pour leur vote en novembre, tandis que les républicains sont 48 % à dire que le sujet est une priorité.

M. LaBossiere note que cela ne veut pas dire que les républicains ne s’intéressent pas à cet enjeu. « Aux États-Unis, la plupart des gens obtiennent leur assurance maladie par le travail, donc c’est logique que les gens donnent la priorité à l’économie : si l’économie se porte bien, une personne est plus susceptible d’occuper un emploi qui lui fournirait une assurance maladie », dit-il.

3. Nominations à la Cour suprême

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À l’âge vénérable de 87 ans, il est probable que Ruth Bader Ginsburg doive bientôt renoncer à ses fonctions de juge à la Cour suprême.

La question des nominations à la Cour suprême est l’une des rares qui préoccupent à la fois les électeurs démocrates et les électeurs républicains. Durant son premier mandat, Donald Trump a nommé deux juges conservateurs à la Cour suprême : Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. Cinq des neuf juges siégeant à la plus haute cour du pays sont désormais des conservateurs. Au cours des prochaines années, il est probable que les juges progressistes Ruth Bader Ginsburg, 87 ans, et Stephen Breyer, 82 ans, doivent quitter leurs fonctions. Une nouvelle administration Trump pourrait donc potentiellement faire passer la composition de la Cour à sept contre deux en faveur des conservateurs — assurant à ceux-ci une majorité confortable pour des années. Une administration Biden aurait l’occasion de nommer de nouveaux juges progressistes, préservant la composition actuelle de cinq contre quatre. Des enjeux comme le financement électoral, les soins de santé offerts aux plus pauvres, les droits des minorités, la protection de l’environnement de même que le droit à l’avortement sont en jeu.

4. Pandémie de COVID-19

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Une travailleuse de la santé indique à cette étudiante où débute la file d’attente pour se faire tester pour la COVID-19, dans un centre de dépistage, à New York, le 18 août.

Donald Trump a choisi de rejeter la plupart des avis des scientifiques au sujet du nouveau coronavirus depuis le début de la pandémie, politisant au passage la maladie qui a fait plus de 188 000 morts aux États-Unis. Actuellement, 82 % des démocrates se disent préoccupés par la pandémie, contre à peine 39 % des républicains. Le sujet est devenu une épine au pied de Trump, croit Rafael Jacob, chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal et auteur du livre Révolution Trump. « Donald Trump n’a pas le choix de parler de la COVID-19, car c’est un enjeu énorme, mais c’est un enjeu sur lequel il obtient une très mauvaise note, dit-il. Lui et son parti doivent donc essayer de faire une espèce de danse avec ça. Disons qu’ils ne veulent pas que la campagne se joue là-dessus, car ce n’est pas à leur avantage. Surtout que les démocrates en parlent sans arrêt. »

5. Crimes violents

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Des policiers pénètrent dans le périmètre de sécurité érigé autour de la scène d’un meurtre où un garçon de 9 ans a été tué par balle, à Chicago, le 31 juillet.

La question des crimes violents arrive au cinquième rang des préoccupations des Américains, mais elle préoccupe de façon inégale : 74 % des républicains jugent que le sujet est important, contre 46 % des démocrates. Les récentes émeutes liées aux problèmes du racisme systémique et de la brutalité policière semblent laisser croire que les crimes violents sont en hausse aux États-Unis, et Joe Biden a accusé plusieurs fois Donald Trump d’« attiser la haine » et de « perpétuer le cycle de la violence » en refusant de la dénoncer et en ne s’attaquant pas aux causes du problème.

Les images-chocs des derniers mois masquent toutefois une tendance lourde à la baisse de la violence aux États-Unis. On y rapporte actuellement un taux annuel de 368 crimes violents par tranche de 100 000 personnes, une diminution de plus de 50 % depuis le sommet atteint au début des années 90, alors que ce taux était de 757 par tranche de 100 000 habitants.

Malgré tout, ce qui saute aux yeux, à moins de deux mois du vote, c’est à quel point la course à la présidence est stable, et que les électeurs semblent avoir fait leur idée, du moins dans les sondages d’opinion, dit Rafael Jacob. « Ça ne fluctue presque pas. Ça fait des mois que Joe Biden a une avance située entre 6 et 9 points de pourcentage. On est loin de ce qu’on avait en 2016, où ça fluctuait beaucoup plus. Ça va prendre quelque chose de majeur au cours des deux prochains mois pour que les intentions de vote bougent. »

Pour 75 % des Américains, les Russes vont essayer d’influencer l’élection

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Le président de la Russie, Vladimir Poutine

L’une des données les plus frappantes du sondage Pew : pas moins de trois adultes américains sur quatre s’attendent à ce que la Russie ou une autre puissance étrangère essaie d’influencer les élections présidentielles. Chez les démocrates, 78 % estiment qu’il s’agit là d’un problème majeur, alors qu’à peine 37 % des républicains sont du même avis. Pour Jaime A. Regalado, ce résultat marque une certaine prise de conscience chez le public américain. « Plusieurs personnes ont changé d’idée là-dessus, et réalisent maintenant que l’ingérence étrangère existe — même si Trump a affirmé le contraire pendant des années. C’est important, car on risque d’avoir de l’ingérence étrangère aussi cet automne. C’est inquiétant dans la mesure où ça fragilise la crédibilité des résultats du vote et alimente le cynisme. C’est la première fois que je vois une telle chose dans ma carrière, et ce n’est pas rassurant. »

En chiffres

156 millions : c’est le nombre d’électeurs qui pourraient voter le 3 novembre, selon la firme Catalist, ce qui représenterait un taux de participation de 66 % — un record. Quelque 139 millions d’électeurs avaient voté en 2016.

20 millions : c’est le nombre de nouveaux électeurs qui pourront voter en 2020 par rapport à 2016. Ce nombre est composé principalement de personnes qui ont atteint l’âge de 18 ans et d’immigrants qui ont obtenu la citoyenneté. Dans les deux groupes, les personnes non blanches sont surreprésentées par rapport à leur poids démographique. Le passage du temps donne donc théoriquement un avantage au Parti démocrate.

83 % : c’est la proportion des répondants qui affirment que le résultat du scrutin du 3 novembre « est très important » pour l’avenir du pays, le plus haut taux en plus de 20 ans. En 2016, 74 % des répondants étaient de cet avis, et ils étaient 63 % à le penser en 2012.

États violets, États pivots

PHOTO TOM BRENNER, ARCHIVES REUTERS

Un militant, portant un masque sur lequel est inscrit Black Lives Mater, observe un moment de silence à la mémoire des victimes de la COVID-19, près du Washington Monument, dans la capitale américaine, le 27 août.

Ni très rouges ni très bleus, les États violets scellent souvent la victoire d’un président. Quels sont les États pivots — ou en voie de le devenir — sur l’écran radar des observateurs ?

Floride

2016 : Trump + 1,2 % | 2012 : Obama + 0,9 %

PHOTO CHANDAN KHANNA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Remporté de justesse par Trump en 2016 et Obama en 2012, la Floride et ses 29 grands électeurs ne sont pas acquis, ni pour les démocrates ni pour les républicains. « Tout dépendra du taux de participation », croit Sharon Wright Austin, professeure de science politique à l’Université de Floride.

La Floride ? « Les Florides », plutôt, évoque Sharon Wright Austin, professeure de science politique à l’Université de Floride. Entre les Portoricains libéraux, les Cubains conservateurs du sud de l’État, les jeunes Afro-Américains démocrates et les immigrants haïtiens plus républicains, les étudiants, les retraités… « C’est un bon mélange, mais à la différence d’autres États, ce n’est pas noir ou blanc. Les Noirs ont des inclinations politiques diversifiées, les Blancs et les Hispaniques aussi. » Ainsi, le président Donald Trump devrait obtenir en Floride une proportion plus élevée de l’électorat noir et hispanique que dans tout autre État, justement en raison de cette fragmentation des opinions. Barack Obama, note Mme Austin, avait réussi à mobiliser les jeunes, les Noirs, les Hispaniques. « C’est ce que Biden doit faire », croit-elle, sans s’avancer à faire des prédictions. « Tout dépendra du taux de participation. » Avec 29 votes au collège électoral, le gros lot de la Floride vaut la peine qu’on y consacre ses énergies.

Caroline du Nord

2016 : Trump + 3,7 % | 2012 : Romney + 2,0 %

PHOTO JONATHAN DRAKE, ARCHIVES REUTERS

La Caroline du Nord reviendra-t-elle dans le giron démocrate ? Ce n’est pas impossible, selon Ginette Chenard, coprésidente de l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.

La course se resserre dans cet État que Trump avait remporté en 2016, même si les sondages se contredisent actuellement. « Parmi les États du Sud, la Caroline du Nord était le plus progressiste avant d’être balayé par le mouvement Tea Party à partir de 2010 », favorisant ainsi l’élection de républicains, note Ginette Chenard, coprésidente de l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. Mais les temps changent, et il n’est pas exclu que la Caroline du Nord vote non seulement pour Joe Biden, mais choisisse également un sénateur démocrate pour la représenter — le candidat Cal Cunningham est actuellement en avance sur le sénateur républicain sortant.

Michigan

2016 : Trump + 0,3 % | 2012 : Obama + 9,5 %

PHOTO PAUL SANCYA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des militants s’agenouillent alors qu’ils participent à une grève nationale aux États-Unis pour dénoncer le racisme systémique et la violence policière, baptisée « Strike for Black Lives » (Grève pour la vie des Noirs), en écho au mouvement Black Lives Matter, à Detroit, le 20 juillet.

Tout le nord du Midwest interpelle Christophe Cloutier-Roy, chercheur à l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « Peut-être que Joe Biden est en mesure de prendre ces États. Mais ce sont aussi des États qui pourraient être rebutés par des mouvements comme Black Lives Matters. Ça pourrait jouer en faveur de Trump. » Donald Trump avait remporté de peu le Michigan en 2016. « Il tire de l’arrière actuellement », observe Mark Brewer, professeur de science politique à l’Université du Maine.

Ohio

2016 : Trump + 8,1 % | 2012 : Obama + 3 %

PHOTO TY WRIGHT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Facilement remporté par les républicains en 2016, l’Ohio pourrait bien basculer dans le camp démocrate cette année, alors que Trump et Biden sont au coude-à-coude dans les sondages.

La victoire des républicains y avait été convaincante en 2016. Mais cette fois-ci, rien ne semble acquis — les sondages donnent tour à tour Biden et Trump gagnant. « L’État penche en faveur des républicains, mais je crois que les deux partis ont une chance de l’emporter », dit Mark Brewer. « Ce n’est pas du tout impossible qu’un démocrate modéré, comme Biden, remporte l’État. »

Pennsylvanie

2016 : Trump + 0,7 % | 2012 : Obama + 5,4 %

PHOTO ALEXANDRA WIMLEY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des partisans démocrates manifestent leur soutien au duo Biden-Harris, alors que le candidat à la présidence et sa colistière prennent la parole à Pittsburgh, le 31 août.

« En Ohio et en Pennsylvanie, il faut regarder du côté des syndicats », dit Mark Brewer, de l’Université du Maine. « Le syndicalisme n’est plus ce qu’il était aux États-Unis, mais les syndiqués dans ces États sont plus nombreux qu’ailleurs. » Pour l’instant, les sondages favorisent légèrement les démocrates.

Wisconsin

2016 : Trump + 0,7 % | 2012 : Obama + 6,9 %

PHOTO KEREM YUCEL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Une militante antiraciste se tient devant des partisans du président Trump, lors d’une manifestation devant le palais de justice de Kenosha, le 1er septembre. La banlieue de Milwaukee est devenue le plus récent symbole de la fracture sociale américaine à la suite de l’affaire Jacob Blake.

Les démocrates n’ont pas pu y tenir leur convention comme prévu, mais l’effet Biden semble se faire sentir dans cet État du Midwest. Il faudra voir si les manifestations du mouvement Black Lives Matter après l’affaire Jacob Blake — ce père de famille afro-américain de 29 ans paralysé à partir de la taille après avoir été atteint de plusieurs balles tirées à bout portant par un policier blanc —, les émeutes et fusillades à Kenosha et la visite attendue du président Trump influenceront l’électorat. Mark Brewer, de l’Université du Maine, ajoute à sa liste d’États pivots celui de l’Iowa, voisin du Wisconsin, qui penche vers les républicains, mais que Joe Biden ne devrait pas négliger, selon lui.

Minnesota

2016 : Clinton + 1,5 % | 2012 : Obama + 7,7 %

PHOTO TOM BRENNER, ARCHIVES REUTERS

Des partisans de Trump accueillent le président, lors d’un rassemblement électoral à l’aéroport régional de Makato, petite ville du Minnesota, le 17 août.

Avec le New Hampshire et le Nevada, le Minnesota est l’un des États qui ont filé de peu entre les doigts des républicains et qu’ils pourraient souhaiter prendre cette année. « Le Minnesota est aussi l’État qui a la plus longue séquence de votes en faveur des démocrates pour les présidentielles. On y vote pour les candidats démocrates depuis 1976 », note Christophe Cloutier-Roy. Mais avec le temps, l’appui envers les démocrates s’est concentré dans les zones urbaines (surtout à St. Paul/Minneapolis), « tandis que le nord de l’État, plus rural, est devenu une zone plus favorable aux républicains », dit M. Cloutier-Roy.

Arizona

2016 : Trump + 3,5 % | 2012 : Romney + 9,1 %

PHOTO TOM BRENNER, ARCHIVES REUTERS

Réunis à l’aéroport international de Yuma, en Arizona, des partisans de Trump attendent l’arrivée du président, le 18 août.

Originaire du Tennessee, la politologue floridienne Sharon Wright Austin ne s’attend pas à voir son berceau voter pour autre chose que le Parti républicain. « Mais je remarque que d’autres États, comme l’Arizona, qui étaient des bastions républicains, sont maintenant plus nuancés », dit-elle. De jeunes Blancs progressistes ont déménagé en Arizona, et les Hispaniques s’y affirment de plus en plus. Ginette Chenard observe aussi de près la « transformation démocratique » des États du Sud, comme en Géorgie, « où le facteur démographique va jouer énormément ».

Texas

2016 : Trump + 9 % | 2012 : Romney + 15,8 %

PHOTO TAMIR KALIFA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Bien que les électeurs de ses grandes villes aient voté démocrate au cours des dernières années, le Texas est toujours un bastion républicain.

Personne ne pense sérieusement que le Texas pourrait virer au bleu, ou même au violet, cette année. N’empêche, le Lone Star State n’est plus aussi rouge pompier qu’il l’a déjà été. Ses électeurs urbains d’Austin, de Dallas ou de Houston ont voté démocrate ces dernières années. En ce moment, les sondages donnent une avance d’environ 4 % au président Trump, soit beaucoup moins que la majorité de 9 % avec laquelle il avait gagné en 2016. C’est pourquoi les observateurs gardent le Texas sur l’écran radar. « Dans deux ou trois cycles électoraux, ça pourrait être différent », dit Mark Brewer.

Maine

2016 : Clinton + 2,9 % | 2012 : Obama + 15,3 %

PHOTO ROBERT F. BUKATY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Si les électeurs de Portland et d’Augusta sont acquis au camp démocrate, ceux du Maine rural sont plus conservateurs et votent républicain.

Habituellement, l’intérêt de la course électorale au Maine est quasi nul : avec seulement quatre votes au collège électoral, l’État ne vaut pas la peine qu’on y consacre temps et argent. Mais à cause du système de répartition des voix dans cet État, les électeurs ruraux et conservateurs (hors des centres urbains très démocrates de Portland et d’Augusta) ont donné aux républicains l’un des quatre votes du Maine au collège électoral. Dans cette partie rurale de l’État, « Donald Trump l’a remporté par plus de 10 points », rappelle Mark Brewer. « Je ne serais pas du tout surpris que Trump l’emporte encore une fois. » Le Maine volera ainsi la vedette en Nouvelle-Angleterre au New Hampshire. Même si les républicains ont perdu le Granite State par seulement 2700 voix en 2016, ils semblent avoir renoncé à y mettre les efforts qu’il faut pour le récupérer : les derniers sondages accordent d’ailleurs aux démocrates la victoire par une dizaine de points.

Sur la ligne de front

Outre les candidats à la présidence, d’autres figures de proue démocrates et républicaines feront parler d’elles cet automne. En voici quelques-unes.

Chez les républicains

Famille Trump

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Chez les Trump, la politique est devenue une affaire de famille.

Que ce soit ses enfants, Donald fils et Ivanka, ou sa femme Melania, les membres du clan Trump ne manqueront pas une occasion de mousser la candidature du président. Dans les rassemblements où apparaît Don Jr., des partisans scandent même le chiffre « 46 », le numéro du successeur de son père, 45e président des États-Unis… « Mais Donald Trump considère qu’il est lui-même son meilleur porte-parole », dit Mark Brewer, professeur au département de science politique à l’Université du Maine. « Je ne pense pas qu’il délègue la parole de la même façon que pourrait le faire Joe Biden. »

Lindsey Graham

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Ancien adversaire de Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine en 2016, le sénateur Lindsey Graham est aujourd’hui un précieux allié du président.

Quand il était adversaire de Donald Trump lors des primaires de 2016, Lindsey Graham l’a notamment traité de « religieux intolérant xénophobe ». Mais depuis la victoire de Trump à la présidence, Graham a complètement changé de discours, devenant un de ses plus fidèles alliés. « Graham s’est beaucoup fait reprocher d’avoir été très proche de Trump ces dernières années », rappelle Christophe Cloutier-Roy, de l’Observatoire des États-Unis. Le candidat démocrate Jaime Harrison convoite justement son siège au Sénat en misant sur le dégoût qu’a pu susciter le virage de Graham. Pour l’instant, Lindsey Graham n’est pas près de perdre ses élections. « Mais s’il devait y avoir une percée des démocrates, même sans remporter la victoire, ça pourrait montrer un nouveau visage du sud des États-Unis. »

Tim Scott

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Tim Scott, sénateur de la Caroline du Sud

Seul Noir de la délégation républicaine au Sénat, le sénateur de la Caroline du Sud n’est pas en campagne pour sa réélection à l’automne, puisque son mandat ne se termine qu’en 2022. À la convention républicaine, il a livré un discours remarqué où il a invité les électeurs à « ne pas simplement regarder ce que disent les candidats, mais aussi ce qu’ils ont fait ». Il a critiqué dans le passé des tweets « offensants » de Trump, mais il a aussi rappelé l’appui de Joe Biden en 1994 à une législation qui a accentué les disparités dans le système judiciaire. « Scott reste loyal à Trump tout en prenant la parole pour défendre les Afro-Américains », observe Christophe Cloutier-Roy. Un numéro d’équilibriste à suivre tout l’automne…

Susan Collins

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Susan Collins, sénatrice du Maine

La sénatrice républicaine du Maine cherche à obtenir un cinquième mandat, mais sa réélection est loin d’être assurée. Républicaine modérée dans un État plutôt démocrate (même si cet appui est concentré dans les zones urbaines), Susan Collins mène sa campagne en évitant de parler de Donald Trump, préférant se présenter comme une « voix indépendante » au Sénat. Mais son appui à la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême, notamment, lui a justement fait perdre beaucoup d’appuis chez les électeurs indépendants.

Chez les démocrates

Kamala Harris

PHOTO CAROLYN KASTER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kamala Harris, candidate à la vice-présidence

La colistière de Joe Biden sera évidemment à l’avant-plan de la campagne, mais pas seulement parce qu’elle est la première Afro-Américaine à avoir son nom sur le ticket présidentiel. « On a rarement vu une candidate à la vice-présidence qui sera autant scrutée », dit Christophe Cloutier-Roy. « Vu l’âge de Joe Biden, s’il l’emporte en 2020, il ne briguera peut-être pas un deuxième mandat en 2024. On verra en elle une potentielle future présidente. Il faudra voir comment les Américains vont accueillir sa candidature. »

L’aile gauche

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Alexandria Ocasio-Cortez, représentante démocrate du 14e district de New York, est l’une des figures les plus emblématiques de l’aile gauche du Parti démocrate.

En 2016, le sénateur Bernie Sanders, qui avait perdu aux primaires face à Hillary Clinton, n’avait pas manifesté un grand enthousiasme pendant la campagne présidentielle. Résultat : nombre de ses partisans ont préféré rester à la maison plutôt que d’aller voter. Cette fois-ci, Bernie Sanders a promis qu’il ferait tout pour faire élire Joe Biden, tout comme l’ont promis d’autres porte-étendard de l’aile gauche du parti, dont Alexandria Ocasio-Cortez. Plutôt que de bouder le candidat à la présidence, elle consacre actuellement ses énergies à préparer la relève, dit Ginette Chenard, de l’Observatoire des États-Unis. « Elle et d’autres organisateurs de terrain préparent un mouvement de fond qui va prendre de l’allure pour forcer le parti à prendre des positions plus progressistes. »

Mark Kelly

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L’ancien astronaute Mark Kelly tentera de se faire élire sénateur de l’Arizona, poste laissé vacant par la mort de John McCain.

Du côté des courses sénatoriales, le siège de l’Arizona laissé vacant par la mort de John McCain, ancien candidat républicain à la présidence et féroce critique de Donald Trump, est convoité par l’ancien astronaute Mark Kelly. Conjoint de l’ancienne représentante démocrate Gabrielle Giffords, blessée gravement lors de la fusillade de Tucson en 2011, Kelly milite pour un meilleur contrôle des armes à feu. « L’Arizona est historiquement très républicain, mais elle tend vers les démocrates », rappelle M. Cloutier-Roy. « Kelly est un démocrate assez modéré, pas trop à gauche, et est bien connu dans l’État. » Les derniers coups de sonde dans l’État montrent d’ailleurs que l’ancien astronaute est en avance dans la course.

Barack Obama et les « ex »

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Barack Obama, alors président, avec son bras droit de l’époque Joe Biden, en janvier 2017

Incontournable figure démocrate qui a longtemps attendu avant de revenir au-devant de la scène, Barack Obama devrait faire entendre davantage sa voix à l’automne. Il faudra, croit Mark Brewer, de l’Université du Maine, « voir ce qu’Obama apportera à son ancien vice-président ». À la participation de Barack Obama, il faudrait ajouter celle des démocrates qui ont côtoyé l’administration Obama-Biden — comme l’ancienne conseillère à la sécurité nationale Susan Rice, qui convoite un poste dans le nouveau gouvernement — et les républicains qui ont tourné le dos à Donald Trump — dont le collectif Lincoln Project, très actif sur les réseaux sociaux.