Les adeptes des théories du complot ont déjà un filon : Maurene Comey est à la tête du trio de procureurs fédéraux de New York chargés de l’accusation de Ghislaine Maxwell, qui aurait été la rabatteuse du défunt prédateur sexuel Jeffrey Epstein.

Qui est Maurene Comey ? C’est la fille de l’ancien directeur du FBI James Comey, viré en mai 2017 par Donald Trump, qui ne cesse depuis d’appeler à son emprisonnement pour son rôle dans ce qu’il appelle le « canular » russe.

« Tout indique qu’il n’y aura pas de justice. Juste un autre simulacre », a tweeté vendredi DeAnna Lorraine, ancienne candidate républicaine à la Chambre des représentants, après avoir exhorté en lettres majuscules les autorités à tenir Bill et Hillary Clinton « LOIN DE GHISLAINE MAXWELL ! ».

DeAnna Lorraine n’est pas seule dans le camp républicain à croire que le 42e président des États-Unis a des raisons de s’inquiéter après l’arrestation au New Hampshire de Maxwell. Âgée de 58 ans, la fille de l’ex-magnat britannique des médias Robert Maxwell fait face à six chefs d’accusation, notamment d’incitation à des actes sexuels illégaux et pour avoir « aidé, facilité et contribué aux agressions sur mineures de Jeffrey Epstein », de 1994 à 1997.

« Qui s’assemble… », a insinué Eric Trump, fils du 45e président, dans un gazouillis illustré par une photo du mariage de Chelsea Clinton où l’on aperçoit Ghislaine Maxwell parmi les personnes qui observent Bill Clinton menant sa fille à l’autel.

Eric Trump a supprimé ce tweet après que son fil Twitter a été pris d’assaut par des coquins qui ont publié de nombreuses photos de son père aux côtés de Ghislaine Maxwell. On en a compté neuf différentes, en plus d’une vidéo montrant Maxwell à Mar-a-Lago lors d’une fête où se trouvait également Epstein.

« Quel âge lui donnes-tu ? »

Après le suicide de Jeffrey Epstein, en août 2019, Maurene Comey a promis aux nombreuses victimes de l’ex-financier de poursuivre l’enquête et de traquer ses éventuels complices. Son équipe a tenté en vain d’obtenir la collaboration du prince Andrew, qui a toujours nié les accusations de Virginia Giuffre, née Roberts, selon lesquelles elle a eu à trois occasions des relations sexuelles avec lui, auxquelles Epstein l’aurait contrainte, lorsqu’elle avait 17 ans.

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Ghislaine Maxwell et Jeffrey Epstein 

Ghislaine Maxwell est évidemment restée dans la ligne de mire de Maurene Comey et de son équipe. Mais l’intérêt de son procès ne se limite pas au sentiment de justice qu’il pourrait procurer aux victimes de Jeffrey Epstein, qui avait été arrêté et inculpé il y a un an ce lundi pour « trafic sexuel en bande organisée de mineures », parfois âgées de 14 ans, entre 2000 et 2005.

L’intérêt du procès de Ghislaine Maxwell réside aussi dans les secrets qu’elle pourrait révéler et les noms qu’elle pourrait mentionner. Dans une tribune surréelle publiée vendredi sur le site du magazine The Spectator, le célèbre avocat et professeur de Harvard Alan Dershowitz évoque en une seule phrase le monde huppé au sein duquel Maxwell et Epstein évoluaient.

« Ma femme et moi avons été présentés à Ghislaine Maxwell par sir Evelyn et lady Lynne de Rothschild, et nous l’avons par la suite rencontrée à plusieurs reprises, généralement en présence de personnalités reconnues comme Bill et Hillary Clinton, de récipiendaires de prix Nobel, d’universitaires de renom et de gens d’affaires », a-t-il écrit en jurant n’avoir jamais vu Ghislaine Maxwell commettre en sa présence un acte répréhensible.

« Nous la connaissions seulement comme l’amie de cœur de Jeffrey Epstein, dans la trentaine », a ajouté Dershowitz avant de dénoncer le documentaire présenté sur Netflix en mai dernier et intitulé Jeffrey Epstein : Filthy Rich, où Virginia Giuffre l’accuse de l’avoir agressée à de nombreuses reprises.

Dans le documentaire, Giuffre affirme qu’un des jeux préférés de Maxwell était de placer une jeune fille devant un homme puissant beaucoup plus âgé qu’elle et de demander à celui-ci : « Quel âge lui donnes-tu ? »

Vers une collaboration ?

Le Miami Herald aimerait que Ghislaine Maxwell révèle ses secrets autant que Maurene Comey et ses victimes présumées. En avril 2018, le journal a publié une série d’articles percutants sur l’accord conclu en 2008 par Jeffrey Epstein avec le procureur fédéral de Miami.

Cet accord avait épargné à l’ex-financier un procès fédéral pour exploitation sexuelle de dizaines de mineures. Et il avait assuré l’immunité à tout coconspirateur potentiel, condition susceptible d’avoir protégé de nombreux hommes auxquels Epstein a donné des filles en pâture.

« Maxwell connaît les noms, les dates et les endroits », a écrit la page éditoriale du Herald après son arrestation. « Si les procureurs fédéraux la pressent pour qu’elle parle en échange d’une certaine clémence, elle pourrait décrire la façon dont Epstein prêtait des filles à des amis célèbres […]. Ils sont tous aussi coupables et devraient recevoir des châtiments sévères, eux aussi, s’ils sont reconnus coupables. »

Certaines accusations pourraient valoir à Ghislaine Maxwell la prison à perpétuité si elle était reconnue coupable. Mais l’acte d’accusation présenté jeudi dernier à New York pourrait l’inciter à vouloir se battre. Pour le moment, la preuve contre elle semble reposer uniquement sur le témoignage de trois victimes présumées, identifiées par des numéros, toutes mineures à l’époque des faits. Elles auraient été amenées par Maxwell dans les résidences d’Epstein à Manhattan, en Floride et au Nouveau-Mexique, ainsi que dans la résidence de Maxwell à Londres, avant d’être agressées sexuellement.

Seule la victime mineure-1 décrit des actes sexuels commis en présence et avec la participation de Maxwell. La maquerelle présumée pourrait notamment se défendre en disant qu’elle ne savait pas que les filles étaient mineures.

Il serait étonnant que Ghislaine Maxwell recouvre sa liberté en attendant son procès. Au cours des trois dernières années, elle a effectué 15 vols internationaux, contrôlé plus de 20 comptes bancaires contenant 20 millions de dollars et emménagé dans une maison de 1 million de dollars payée comptant, selon les procureurs fédéraux de New York.

Au moment d’écrire ces lignes, la mondaine était détenue dans la prison du comté de Merrimack, au New Hampshire. Elle devait être transférée dans un des centres de détention fédéraux de New York. Pas impossible qu’elle aboutisse dans celui où Epstein s’est suicidé. On peut espérer que ses gardiens s’assureront qu’elle restera en vie.