Une représentativité hommes-femmes égale en politique. Une place pour une candidate féminine à la vice-présidence sur le bulletin de vote de l’élection présidentielle. C’est ce que revendiquaient des militants lors de la convention du Parti démocrate aux États-Unis en… 1920.

« Une femme pour la vice-présidence ? », titrait La Presse le 24 juin 1920 dans un encadré en une, avec des images d’Annette Abbott Adams et d’Elizabeth Marbury.

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Une de La Presse, 24 juin 1920

Comme le notait la légende sous les images, « quelques-uns des chefs démocrates américains auraient l’intention de demander à la convention de leur parti de choisir une femme comme candidat à la vice-présidence des États-Unis et les deux noms ci-dessus sont mentionnés ».

Convention nationale

La convention nationale démocrate avait lieu quelques jours plus tard, le 28 juin, à San Francisco. Des images d’archives montrent une foule compacte, entassée dans un auditorium. Une Américaine agite de petits drapeaux de ses deux mains, un grand sourire aux lèvres. Elle porte une robe et un chapeau blancs, la couleur des suffragettes.

L’année 1920 marque un tournant dans la politique des États-Unis : le droit de vote pour les Américaines a été officiellement ratifié le 26 août, à temps pour l’élection présidentielle de l’automne. Il était revendiqué depuis le milieu du XIXsiècle.

« Les partis étaient préoccupés, ils ne savaient pas si les femmes allaient voter en bloc ou former leur propre parti, explique à La Presse Liette Gidlow, professeure adjointe à l’Université d’État Wayne. Il y avait une crainte de perdre du pouvoir de la part de la machine politique. »

Résultat : les grands partis ont tenté de rallier les femmes en leur faisant une place, souligne la spécialiste du 19e amendement, qui a accordé le droit de vote. « Les démocrates et les républicains se sont fait un point d’honneur d’accueillir les femmes en grande fanfare, note-t-elle. Il a été question de les mettre sur le ticket [pour la vice-présidence]. Ils voulaient gagner la loyauté des femmes pour leur propre parti. »

Elle souligne que les formations politiques ont ensuite compris que le vote des femmes ne menaçait pas la balance du pouvoir. « Elles ont ensuite arrêté de courtiser les femmes », dit-elle. Quand ? « Dès 1924 », répond-elle, soit à l’élection présidentielle suivante.

Colistière afro-américaine

Cent ans plus tard, les pressions sont fortes pour que Joe Biden s’en tienne à son annonce faite lors de la course à l’investiture de choisir une colistière. Le démocrate sera confirmé comme candidat officiel à la présidence, contre Donald Trump, cet été. En avril, plus de 200 leaders et militantes noires ont signé une lettre ouverte pour demander la nomination non seulement d’une femme, mais d’une Afro-Américaine. Le nom de la personne qui sera vice-présidente si Joe Biden est élu à la Maison-Blanche sera connu cet été.

Auteure d’un livre à paraître sur les liens entre le droit de vote de 1920 et les mouvements pour les droits civiques des Noirs, Liette Gidlow rappelle que si le droit de vote a été donné aux femmes cette année-là, certaines d’entre elles ont été exclues sous divers prétextes, dont une grande part d’Afro-Américaines.

Le droit de vote des Afro-Américaines, ça fait partie d’une longue lutte. Quand on regarde quelqu’un comme Stacey Abrams [pressentie comme possible colistière pour Joe Biden], elle a une histoire, qui crée une connexion directe avec l’histoire [politique américaine].

Liette Gidlow, professeure adjointe à l’Université d’État Wayne

Première candidate

Annette Abbott Adams, qui était la première femme nommée à un poste de procureur général adjoint, n’a pas été désignée comme colistière en 1920, pas plus qu’Elizabeth Marbury, très active dans le monde du théâtre, ni aucune autre des femmes présentes à la convention démocrate cette année-là.

La demande des militantes démocrates pour une candidate féminine à la vice-présidence a été exaucée 64 ans plus tard, lorsque Geraldine Ferraro a fait campagne aux côtés de Walter Mondale, en 1984.

Le Parti républicain a présenté en 2008 sa première femme colistière – l’ancienne gouverneure de l’Alaska Sarah Palin – aux côtés du candidat à la présidence John McCain.