(Washington) L’ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, accuse le président américain d’avoir cherché l’aide de la Chine pour gagner sa réélection en novembre, selon des extraits explosifs d’un livre à paraître qui provoquent l’indignation des démocrates.  

Alarmés par sa façon de gérer les relations internationales et parfois moqueuses, plusieurs poids lourds du gouvernement Trump, dont son chef de la diplomatie Mike Pompeo ou John Bolton lui-même, ont envisagé de démissionner, d’après le Washington Post.

Dans un tweet incendiaire, Donald Trump a qualifié Bolton de « dingue », affirmant que le livre n’était qu’un tissu de « mensonges et de fausses histoires ».

John Bolton décrit des échanges entre Donald Trump et des dirigeants étrangers d’autant plus embarrassants qu’ils font écho à l’affaire ukrainienne, laquelle avait valu au président américain une procédure infamante de destitution.

Les démocrates l’avaient alors accusé d’avoir demandé une faveur à Kiev pour son intérêt personnel : enquêter sur celui qui est désormais son rival pour la présidentielle du 3 novembre, Joe Biden.  

Le livre de John Bolton révèle que « le président Trump (a) vendu les Américains pour protéger son avenir politique », a réagi ce dernier.

« Si ces propos sont avérés, cela est non seulement répugnant moralement, mais c’est aussi une violation du devoir sacré de Donald Trump envers les Américains », a accusé, dans un communiqué, l’ancien vice-président américain.  

En tête des ventes

Les fuites dans la presse surviennent au lendemain de l’annonce d’une action en justice de l’administration Trump pour tenter de bloquer la parution de cet ouvrage intitulé « The Room Where It Happened, A White House Memoir » (La pièce où cela s’est passé, mémoires de la Maison-Blanche), catapulté au sommet des ventes sur le site Amazon.

Elle a engagé mercredi une nouvelle action en urgence avant la parution, prévue le 23 juin.

« Il a enfreint la loi », en diffusant des informations « très confidentielles », a estimé le président américain auprès de la chaîne Fox News, en moquant le passé de son ancien conseiller volontiers va-t-en-guerre, et son soutien à la guerre américaine en Irak.

Dans l’un des passages les plus explosifs, M. Bolton raconte qu’en marge d’un sommet du G20 à Osaka, Donald Trump avait « détourné » la conversation avec le président chinois Xi Jinping « vers la prochaine élection présidentielle » en plaidant auprès de Xi « pour qu’il fasse en sorte qu’il l’emporte », selon les extraits publiés simultanément par le Wall Street Journal, le New York Times et le Washington Post.  

Lors de cette rencontre en juin 2019, le président américain « a souligné l’importance des agriculteurs et de l’augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l’élection », écrit dans ses mémoires ce faucon républicain.

Interrogé au sujet de ces révélations, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a affirmé jeudi que Pékin avait « toujours respecté le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures » d’autres pays.

« Nous n’avons pas l’intention de nous ingérer dans la politique américaine interne et les élections, et ne le ferons pas », a ajouté le porte-parole.

« Ses propres intérêts »

« Les conversations de Trump avec Xi reflètent non seulement les incohérences de sa politique commerciale, mais aussi l’interconnexion dans l’esprit de Trump entre ses propres intérêts politiques et l’intérêt national américain », souligne John Bolton, 71 ans, conseiller à la sécurité nationale d’avril 2018 à septembre 2019.  

Cette conversation de Donald Trump et « d’innombrables autres » ont « confirmé un comportement fondamentalement inacceptable qui érode la légitimité même de la présidence », accuse-t-il.  

« Pourquoi a-t-il à plusieurs reprises loué le gouvernement chinois et le président Xi alors même que le coronavirus se propageait ? Parce qu’il voulait pouvoir parler d’un accord commercial avec la Chine pendant sa campagne de réélection », s’est indigné Joe Biden.

John Bolton évoque aussi la procédure de destitution lancée au Congrès américain par les démocrates contre Donald Trump fin 2019 : S’ils « n’avaient pas été à ce point obsédés » par l’affaire ukrainienne et avaient pris en compte plus largement sa politique étrangère, l’issue « aurait pu être bien différente ».  

Il avait pourtant refusé de témoigner à la Chambre des représentants, à majorité démocrate. Mais de premiers extraits de ses mémoires avaient fait irruption avec fracas dans le procès en destitution en janvier.    

Le président américain avait été acquitté par le Sénat, à majorité républicaine.

Camps pour Ouïghours

Alors que d’influents sénateurs républicains dénoncent sans relâche la Chine, John Bolton écrit que, toujours à Osaka en 2019 : « uniquement en présence des interprètes, Xi avait expliqué à Trump pourquoi, en gros, il construisait des camps de concentration dans le Xinjiang. Selon notre interprète, Trump a dit que Xi devait continuer à construire ces camps, dont Trump pensait que c’était exactement la bonne chose à faire ».  

Selon le Washington Post, John Bolton s’était inquiété, auprès du ministre de la Justice Bill Barr, « de la volonté de Trump de rendre des services à des autocrates, dont le » président turc Recep Tayyip Erdogan.  

Les responsables de l’administration Trump oscillaient, d’après l’ex-conseiller, entre profonde inquiétude et moqueries.  

Dans un mot glissé à John Bolton lors du sommet historique entre Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en 2018, Mike Pompeo aurait ainsi écrit : « Il ne raconte que des conneries. »

PHOTO ANDREW HARNIK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

John Bolton, Mike Pompeo et Donald Trump