Des manifestations se poursuivent aux quatre coins du pays

(New York) « Ce n’est ni de la violence ni de la destruction. Montre ça ! »

Telford Watson, électricien de 38 ans, s’adresse au caméraman d’une chaîne de télévision locale. Il se trouve sur l’esplanade du Barclays Center, grand amphithéâtre de Brooklyn, où des centaines de personnes forment un cercle autour de lui.

Le New-Yorkais s’est improvisé animateur d’une manifestation impromptue, invitant les membres de la foule multiethnique à s’exprimer à tour de rôle sur la mort de George Floyd, la brutalité policière et le racisme aux États-Unis.

Phoenix Robles, une photographe de 35 ans, prend la parole.

« Arrêtez de filmer quand un frère est en train de mourir aux mains de la police. Faites quelque chose ! » lance-t-elle à la foule en évoquant la vidéo de l’arrestation brutale de l’Afro-Américain de Minneapolis. « Si c’était vous qui étiez par terre, vous ne voudriez pas que des gens se contentent de filmer votre mort pour que le reste du monde et votre famille puissent la voir en boucle. »

  • Des manifestations ont eu lieu dans toutes les grandes villes du pays, dimanche, notamment à San Francisco 
(notre photo).

    PHOTO NOAH BERGER, ASSOCIATED PRESS

    Des manifestations ont eu lieu dans toutes les grandes villes du pays, dimanche, notamment à San Francisco 
(notre photo).

  • À Brooklyn, un homme brandit un drapeau des États-Unis pendant une manifestation pacifique.

    PHOTO WONG MAYE-E, ASSOCIATED PRESS

    À Brooklyn, un homme brandit un drapeau des États-Unis pendant une manifestation pacifique.

  • Des milliers de personnes ont manifesté devant la Maison-Blanche toute la journée de dimanche.

    PHOTO BEBETO MATTHEWS, ASSOCIATED PRESS

    Des milliers de personnes ont manifesté devant la Maison-Blanche toute la journée de dimanche.

  • Pendant la majorité de la journée, les manifestations ont été pacifiques, à Washington (notre photo) comme ailleurs au pays.

    PHOTO EVAN VUCCI, ASSOCIATED PRESS

    Pendant la majorité de la journée, les manifestations ont été pacifiques, à Washington (notre photo) comme ailleurs au pays.

  • Près de la Maison-Blanche, deux policiers afro-américains ont mis un genou au sol en signe de solidarité avec les manifestants qui dénoncent la mort de George Floyd.

    PHOTO ROBERTO SCHMIDT, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Près de la Maison-Blanche, deux policiers afro-américains ont mis un genou au sol en signe de solidarité avec les manifestants qui dénoncent la mort de George Floyd.

  • « Suis-je la prochaine ? », se demande cette fillette à Lafayette, en Louisiane.

    PHOTO SCOTT CLAUSE, ASSOCIATED PRESS

    « Suis-je la prochaine ? », se demande cette fillette à Lafayette, en Louisiane.

  • Ces manifestants d’Oshkosh, au Wisconsin, se sont placés ventre contre terre, rendant hommage à George Floyd, mort étouffé après avoir été immobilisé au sol par des agents de la paix.

    PHOTO WILLIAM GLASHEEN, ASSOCIATED PRESS

    Ces manifestants d’Oshkosh, au Wisconsin, se sont placés ventre contre terre, rendant hommage à George Floyd, mort étouffé après avoir été immobilisé au sol par des agents de la paix.

  • Une manifestante de Minneapolis, ville du Minnesota où George Floyd a perdu la vie, en appelle à l’amour et à la paix.

    PHOTO JULIO CORTEZ, ASSOCIATED PRESS

    Une manifestante de Minneapolis, ville du Minnesota où George Floyd a perdu la vie, en appelle à l’amour et à la paix.

  • Des affrontements entre manifestants et policiers ont tout de même eu lieu, surtout en fin de journée, notamment à Atlanta (notre photo).

    PHOTO BEN GRAY, ASSOCIATED PRESS

    Des affrontements entre manifestants et policiers ont tout de même eu lieu, surtout en fin de journée, notamment à Atlanta (notre photo).

  • À Minneapolis, ce jeune homme s’est aspergé le visage de lait pour calmer la brûlure provoquée par les gaz lacrymogènes.

    PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

    À Minneapolis, ce jeune homme s’est aspergé le visage de lait pour calmer la brûlure provoquée par les gaz lacrymogènes.

  • À Washington, un manifestant s’en est pris à une autopatrouille.

    PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS

    À Washington, un manifestant s’en est pris à une autopatrouille.

  • À Minneapolis, un policier tient les manifestants en joue.

    PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

    À Minneapolis, un policier tient les manifestants en joue.

  • Dimanche soir, comme au cours des jours précédents, des incendies ont été allumés, notamment à Washington
(notre photo).

    PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS

    Dimanche soir, comme au cours des jours précédents, des incendies ont été allumés, notamment à Washington
(notre photo).

  • Devant cette boutique Nike de Long Beach, en Californie, des manifestants pacifiques implorent leurs camarades de ne pas faire de casse ni de pillage.

    PHOTO PATRICK T. FALLON, REUTERS

    Devant cette boutique Nike de Long Beach, en Californie, des manifestants pacifiques implorent leurs camarades de ne pas faire de casse ni de pillage.

  • « Passez une bonne journée », peut-on lire sur cette autobus utilisé par la police de Minneapolis pour y placer des manifestants après leur arrestation.

    PHOTO JULIO CORTEZ, ASSOCIATED PRESS

    « Passez une bonne journée », peut-on lire sur cette autobus utilisé par la police de Minneapolis pour y placer des manifestants après leur arrestation.

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Quand vous avez la chance de changer les choses, faites-le ! Ne vous contentez pas de sortir votre téléphone !

Phoenix Robles, photographe

Au moment où Phoenix Robles reprend sa place parmi la foule, sous les applaudissements, Telford Watson apostrophe de nouveau le caméraman.

« As-tu filmé ça ? Ne filme pas seulement des voitures de police en flammes ! »

La scène s’est déroulée dimanche après-midi, au lendemain d’une autre nuit sous haute tension à New York et dans plusieurs autres villes américaines, où les manifestations organisées en réaction à la mort de George Floyd ont dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre et en scènes de pillage.

De nombreux manifestants regrettent ces violences qui se sont reproduites en soirée dans certaines villes. Ils sont conscients que les émeutes peuvent nuire à leur cause. Mais ils comprennent la colère qui y a contribué.

Antifa, « organisation terroriste » ?

« Ce pays est blessé, et l’est depuis longtemps », a confié Phoenix Robles à La Presse après son intervention devant le Barclays Center. « Nous vivons dans un état de douleur perpétuelle qui s’est transformée en colère et en rage. Et nous nous en prenons les uns aux autres de la mauvaise façon. Nous sommes divisés, et c’est l’état de notre pays. »

Cette division s’est reflétée dimanche dans le débat politique suscité par les événements des derniers jours. Interviewée sur ABC, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a accusé Donald Trump d’« attiser les flammes », propos repris par la mairesse d’Atlanta, Keisha Lance Bottoms, sur CBS.

Le président aggrave les choses. Nous avons dépassé le point critique. Sa rhétorique ne fait qu’enflammer les choses et il devrait juste se taire.

Keisha Lance Bottoms, mairesse d’Atlanta

Le chef de la Maison-Blanche ne semble avoir aucune intention de se plier à une telle injonction. Il a entamé la journée de dimanche en s’attaquant à une de ses cibles préférées sur Twitter – les médias – avant d’annoncer sa volonté d’inscrire la nébuleuse d’extrême gauche Antifa sur la liste américaine des organisations terroristes.

« La violence organisée et menée par Antifa et d’autres groupes similaires […] est du terrorisme intérieur et sera traitée comme tel », a indiqué dans un communiqué le procureur général des États-Unis William Barr, peu après.

La démarche de l’administration Trump envers Antifa semble s’adresser avant tout à une frange de la droite, qui considère comme sa bête noire cette mouvance vouée à la lutte antifasciste. Une chose est certaine : seules les organisations internationales peuvent être inscrites sur la liste évoquée par le président. Qui plus est, Antifa n’est pas une organisation comme telle dont on peut devenir membre. Il s’agit tout au plus d’un mouvement dont les adhérents ont en commun des tactiques, dont l’action directe, et des ennemis, y compris les néonazis et les suprémacistes blancs.

Couvre-feux dans plusieurs villes

Après cinq nuits d’affilée de manifestations aux États-Unis, près de 40 villes dans plus de 20 États américains avaient annoncé l’imposition de couvre-feux. La capitale fédérale Washington s’est ajoutée dimanche à la liste des villes qui avaient déjà adopté une telle mesure. Figurent parmi celles-ci Minneapolis, Los Angeles, Chicago, Atlanta, Philadelphie, Cleveland et Seattle.

Depuis son repaire du Delaware, Joe Biden, candidat virtuel du Parti démocrate à la présidence, a condamné les violences des derniers jours, tout en défendant le droit des citoyens de descendre dans la rue pour dénoncer le traitement infligé à George Floyd.

Manifester contre une telle brutalité est un droit et une nécessité. C’est une réaction éminemment américaine. Mais mettre le feu à des villes et la destruction gratuite ne le sont pas. La violence qui met en danger des vies ne l’est pas.

Joe Biden, dans un communiqué

Selon un bilan préliminaire du Washington Post, la police avait arrêté plus de 2500 personnes au cours du week-end dans plus de 20 villes américaines. À New York, le bilan s’élevait à 340 pour la journée de samedi. Journée à l’issue de laquelle le maire et le service de police de la ville ont été vivement critiqués pour leur gestion des manifestations. Des vidéos montrant deux voitures de police fonçant sur la foule à Brooklyn ont notamment créé une vive controverse.

Le maire Bill de Blasio a défendu les policiers en offrant une version de l’incident qui semblait contredire les images diffusées sur les réseaux sociaux.

> Voyez une vidéo de l’incident

« Je ne vais pas blâmer les officiers qui essayaient de faire face à une situation absolument impossible. Pour commencer, ce sont ces gens qui convergeaient vers cette voiture de police, qui ont fait le mauvais choix et qui ont créé une situation absolument intenable », a-t-il dit samedi soir.

Dimanche après-midi, devant le Barclays Center, des manifestants ont réclamé rien de moins que la démission du maire.

« J’ai perdu tout respect pour lui », a déclaré Joey Bowman, étudiant de 21 ans. « Il s’est fait élire en promettant de réformer le NYPD. Aujourd’hui, il défend ses excès. Il doit partir. »