(New York) Il fut, par sa dénonciation de l’apathie des gouvernants, l’un des combattants les plus efficaces contre le sida : Larry Kramer, auteur, militant homosexuel et cofondateur de l’organisation Act Up, est mort mercredi à New York à l’âge de 84 ans.

« Repose en puissance », a tweeté Act Up. « Ta rage a aidé à inspirer notre mouvement. Nous continuerons à honorer ton nom et ton esprit par l’action », a ajouté l’organisation.

Larry Kramer avait lui-même contracté le V.I.H. et souffert de multiples problèmes de santé toute sa vie. Mais il restait actif, et avait indiqué en mars au New York Times travailler à une nouvelle pièce de théâtre touchant à la pandémie de coronavirus.  

Citant son mari David Webster, le quotidien new-yorkais a indiqué qu’il avait succombé à une pneumonie.

Après avoir fondé en 1981 l’organisation new-yorkaise Gay Men’s Health Crisis, Larry Kramer fut en 1987 l’un des fondateurs d’Act Up : par ses actions coups-de-poing, l’organisation, qui devint rapidement internationale, contribua à mobiliser contre la maladie et les discriminations qui l’accompagnaient, alors que le gouvernement de Ronald Reagan et d’autres responsables de l’époque voulaient la croire cantonnée aux homosexuels.

« La poursuite de notre existence dépend de notre capacité à nous mettre en colère », écrivait-il en 1983 dans la revue gaie New York Native, disparue en 1997. « Si nous ne nous battons pas pour nos vies, nous mourrons ».

« Féroce »

De Julia Roberts à Rob Reiner, en passant par Mia Farrow, Chelsea Clinton, de multiples personnalités ont rendu mercredi hommage à son combat.

« Il était féroce et infatigable dans ses convictions, un vrai héros auquel beaucoup de gens aujourd’hui doivent la vie », a déclaré au magazine Variety Julia Roberts, qui avait joué dans l’adaptation à la télévision de sa pièce The Normal Heart, qui dénonçait l’inaction des dirigeants face au sida.

Écrite en 1985, elle fut primée en 2011 de trois Tony Awards – les récompenses de Broadway –, avant d’être adaptée à l’écran par Ryan Murphy.  

L’actrice Mia Farrow a salué elle aussi sur Twitter une « force magnifique, dont l’intellect, le cœur et l’indignation ont éveillé la nation aux horreurs et pertes causées par le sida ». « Lire The Normal Heart a changé ma vie », a tweeté de son côté la fille des époux Clinton.  

Larry Kramer « était sans peur », a souligné le maire de New York Bill de Blasio. « Il remuait les choses, dénonçait les puissants et, pour le plus grand malheur de certains, avait presque toujours raison ».

De fait, Larry Kramer était réputé difficile et polarisant, n’hésitant pas à qualifier les responsables politiques et médicaux de « meurtriers ».

Au début de l’épidémie du sida, il avait notamment qualifié d’« idiot incompétent » le docteur Anthony Fauci, expert en maladies infectieuses et actuellement conseiller de la Maison-Blanche face à la pandémie de coronavirus.  

Mais les deux hommes ont ensuite appris à s’apprécier. « Une fois dépassé son côté polémique, ce qu’il disait avait beaucoup de sens et il avait un cœur d’or », a déclaré M. Fauci au New York Times.

« Terribles »

Né le 25 juin 1935 dans le Connecticut, Larry Kramer avait grandi à une époque où l’homosexualité se vivait cachée. Peu après son entrée à la prestigieuse université de Yale en 1953, il fera une tentative de suicide, avant de trouver une façon de s’épanouir dans des productions théâtrales.  

Il débute dans le monde du spectacle, chez Columbia Pictures, travaillant notamment comme assistant sur des films célèbres comme Lawrence d’Arabie, de David Lean, ou Docteur Folamour, de Stanley Kubrick. Il passe ensuite au scénario et adaptera notamment pour le cinéma le roman de D. H. Lawrence Femmes amoureuses, adaptation qui lui vaudra d’être nommé aux Oscars.  

Il s’installe en 1972 à New York, où il écrit pièces et romans sur la vie de la communauté homosexuelle. Pendant les années sida, ses critiques n’épargnent pas les responsables démocrates, notamment Ed Koch, maire de New York de 1978 à 1989.  

En mars dernier, déjà très affaibli, il comparait la gestion gouvernementale de la pandémie de coronavirus à celle du sida.  

« Ils ont été terribles avec le sida, et ils sont terribles avec ce truc. On se demande ce qu’on va devenir », disait-il au New York Times.