(New York) Qu’est-ce que l’« Obamagate » ? La semaine dernière, Donald Trump a répété à satiété cette expression sur Twitter en lettres capitales suivies d’un point d’exclamation. Hélas, il n’a pas encore défini ce qu’il considère comme « le plus grand crime politique de l’histoire des États-Unis ».

Les médias les plus sérieux hésitent eux-mêmes à répondre à la question, se contentant souvent de reléguer rapidement le scandale présumé au rang des théories du complot dont le président est friand. N’a-t-il pas déjà tenté de délégitimer son prédécesseur en laissant entendre qu’il avait menti sur son véritable lieu de naissance ?

Mais l’« Obamagate » ne peut être ignoré. Et pas seulement parce que le sujet risque de revenir tout au long de la campagne présidentielle. Le fait est que Donald Trump peut aujourd’hui compter sur des alliés au sein même du gouvernement, y compris à la tête du département de la Justice et de la communauté du renseignement, qui peuvent l’aider à en faire la promotion.

Alors, qu’est-ce que l’« Obamagate » ? Tim Miller, ancien porte-parole du Comité national du Parti républicain, en a peut-être fourni la meilleure définition sur le site conservateur anti-Trump Bulwark, après avoir examiné les écrits et les paroles de ses adeptes les plus connus, de Rudolph Giuliani à Sebastian Gorka en passant par Sean Hannity.

« Il y a quatre ans, un complot mondial a vu le jour, impliquant le président Obama, le vice-président Biden, le directeur du Renseignement national James Clapper, le directeur du FBI James Comey, le Comité national du Parti démocrate, une entreprise appelée CrowdStrike, plusieurs services de renseignement étrangers et des oligarques ukrainiens, afin de démolir Donald Trump en inventant une théorie du complot bidon selon laquelle il aurait collaboré avec la Russie pour gagner l’élection de 2016. Ces agents de l’État profond ont piégé plusieurs proches de Trump, fabriqué des preuves et espionné la campagne, perpétrant la plus grande fraude de l’histoire américaine », écrit Tim Miller.

L’aide de William Barr

Plusieurs éléments de « l’Obamagate » ont déjà eu des répercussions concrètes et majeures. Lors du fameux entretien téléphonique qui a mené à sa mise en accusation, Donald Trump a demandé à son homologue ukrainien de mener deux enquêtes, dont l’une devait porter sur CrowdStrike, entreprise américaine spécialisée dans les enquêtes sur les cyberattaques, et un serveur informatique. Selon le président et certains de ses alliés, CrowdStrike a caché en Ukraine un serveur prouvant que les Russes ne sont pas responsables du piratage des courriels du Parti démocrate au printemps 2016.

Le président des États-Unis s’est accroché à cette théorie dans un but évident, qui l’anime depuis le début de sa présidence : réécrire l’histoire de la campagne présidentielle de 2016 en discréditant l’enquête russe et tous ceux qui l’ont menée. Et il compte sur un allié de taille dans cette entreprise : William Barr.

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William Barr, procureur général des États-Unis

Le procureur général des États-Unis ne croit peut-être pas aux éléments les plus invraisemblables de l’« Obamagate », mais il considère l’enquête sur de possibles liens entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie comme « l’une des plus grandes mascarades de l’histoire américaine ». Il a ainsi contesté l’opinion contraire exprimée par l’inspecteur général du département de la Justice. En décembre dernier, celui-ci a conclu que la décision d’ouvrir l’enquête russe, fin juillet 2016, avait été prise sur la base d’une information donnée par un partenaire étranger « digne de confiance » et remplissait un « objectif autorisé ».

William Barr a déjà été accusé de dénaturer les faits pour défendre Donald Trump et sa conception d’une présidence toute-puissante. Et pas seulement par les démocrates. En mars dernier, un juge fédéral nommé par George W. Bush a accusé le procureur général d’avoir présenté dans sa lettre de quatre pages datée du 24 mars 2019 une version « pervertie » et « trompeuse » du rapport de Robert Mueller, procureur spécial chargé de l’enquête russe, qu’il avait reçu deux jours plus tôt.

L’affaire Michael Flynn

Le 7 mai dernier, les critiques de William Barr sont revenus à la charge lorsque le département de la Justice a abandonné les accusations contre Michael Flynn. L’ancien conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale avait plaidé coupable à deux reprises d’avoir fait de fausses déclarations à des enquêteurs du FBI. Le procureur général a justifié la décision de son département en faisant siens les arguments des adeptes de l’« Obamagate », à savoir que le FBI avait piégé le général retraité dans le cadre d’une enquête viciée.

Cinq jours plus tard, le nouveau directeur intérimaire du Renseignement national, Richard Grenell, farouche partisan de Donald Trump, a pris le relais. Il a déclassifié une liste de responsables de l’administration Obama qui avaient demandé, de façon légale, de connaître l’identité d’un citoyen américain avec lequel l’ambassadeur de Russie à Washington avait parlé au téléphone à la fin du mois de décembre 2016.

Michael Flynn était ce citoyen américain dont le nom était caviardé dans les rapports du renseignement. Il avait notamment demandé au diplomate russe de s’assurer que le Kremlin ne réplique pas aux sanctions imposées par Barack Obama contre Moscou en représailles à son ingérence dans l’élection de 2016.

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Michael Flynn, ex-conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale

Michael Flynn a menti sur la nature de ses entretiens avec l’ambassadeur de Russie à deux responsables de l’administration Trump, dont Mike Pence, et aux enquêteurs du FBI. C’est la raison pour laquelle il a perdu son poste en février 2017. Mais le président et les adeptes de l’« Obamagate » affirment aujourd’hui que la liste déclassifiée par Richard Grenell prouve que Barack Obama et Joe Biden sont corrompus jusqu’à la moelle.

L’« Obamagate » est évidemment une bonne façon de détourner l’attention publique de la pandémie de COVID-19. C’est aussi un moyen de ternir l’image de Barack Obama, la figure politique la plus populaire aux États-Unis, qui a qualifié la gestion de la crise sanitaire par son successeur de « désastre chaotique absolu ».

La réplique de Donald Trump ne s’est pas fait attendre : « OBAMAGATE ! »