Le neuvième débat de la course à l’investiture démocrate, présenté ce mercredi soir à Las Vegas, comptera un invité très attendu autour de la table : pour la première fois, le candidat Michael Bloomberg viendra frotter ses idées à celles des autres aspirants. Quels seront les éléments qui risquent d’être évoqués durant cette confrontation ?

Le financement de sa campagne

Si les démocrates de deux États (Iowa et New Hampshire) se sont déjà prononcés sur le choix du candidat à l’investiture, aucun n’a encore pu voter pour Michael Bloomberg, puisque son nom n’apparaîtra sur les bulletins qu’à partir du 3 mars. N’empêche : l’ancien maire de New York a dépensé plus de 400 millions de dollars en publicité jusqu’ici pour faire mousser sa candidature, si bien qu’il apparaît désormais en deuxième place des favoris de la course. 

Ses adversaires ne manqueront pas de l’attaquer sur deux éléments : d’abord en lui reprochant de vouloir « acheter la présidence », comme l’a tweeté Bernie Sanders lundi, ensuite en soulignant que l’argent de la campagne Bloomberg est puisé à même la fortune de ce multimilliardaire (61,5 milliards, selon le classement de Forbes). Bernie Sanders, qui peut compter sur l’appui financier de milliers de petits donateurs, a aussi déclaré ces derniers jours que les Américains « en avaient marre des millionnaires qui s’achètent des élections ». Christophe Cloutier-Roy, chercheur à l’Observatoire des États-Unis, s’attend à ce que la question du financement de la campagne occupe beaucoup de place au débat. 

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Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate

« J’ai l’impression que Bernie Sanders pourrait être le plus virulent des adversaires lors du débat, puisque Bloomberg représente ce à quoi il s’oppose depuis toujours, soit le fameux 1 % qui détient la richesse et contrôle les États-Unis, dit-il. Je m’attends à entendre des phrases qui diront que la solution pour battre un milliardaire à la Maison-Blanche n’est pas de mettre un autre milliardaire. »

Son rapport aux femmes

Depuis une semaine, observe également Valérie Beaudoin, chercheuse à l’Observatoire des États-Unis, Bloomberg est la cible de tirs groupés de ses adversaires. « Ce sera la première fois qu’on l’entend dans un débat depuis les dernières années », dit-elle. Il se fera notamment interpeller sur des informations révélées par une enquête publiée samedi par le Washington Post, détaillant des commentaires vulgaires ou misogynes qu’il a eus au fil des ans envers des employées et d’autres femmes de son entourage. L’ancien maire rappellera peut-être son engagement, pris à l’automne 2018 lors des élections de mi-mandat, de financer la campagne démocrate pour prendre le contrôle de la Chambre des représentants, précisément pour y faire élire davantage de femmes – de fait, parmi les 21 candidats élus qui ont bénéficié de son soutien, 15 étaient des femmes.

Son attitude envers le racisme

D’autres déclarations ou politiques du temps où M. Bloomberg était maire de New York seront assurément ramenées sur le tapis mercredi soir. Dimanche, Joe Biden lui a reproché d’avoir longtemps défendu la politique des interpellations et fouilles arbitraires (« stop-and-frisk »).

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Michael Bloomberg a déjà présenté ses excuses pour avoir défendu la pratique du « stop-and-frisk » alors qu’il état maire de New York.

Michael Bloomberg a déjà présenté ses excuses pour cette pratique, dont il a reconnu qu’elle avait mené à l’arrestation de « trop d’innocents », dont « une immense majorité » de Noirs ou de Latinos.

Ses allégeances politiques

Démocrate de longue date, Bloomberg est devenu républicain en 2001 lorsqu’il s’est présenté à la mairie de New York. En 2004, Michael Bloomberg avait appuyé le républicain George W. Bush à la présidence. Puis, il a quitté le GOP en 2007 pour devenir indépendant. Il est officiellement redevenu démocrate en octobre 2018, lors des élections de mi-mandat. « Déjà, on va probablement le traiter de vire-capot lors du débat », dit Christophe Cloutier-Roy. Même s’il a défendu plusieurs causes associées aux démocrates, comme le contrôle des armes à feu ou les questions environnementales, « il reste un conservateur du point de vue économique », dit Valérie Beaudoin.

L’électorat du Nevada

Ce n’est pas l’État le plus important de cette course à l’investiture, mais le Nevada est la première occasion d’avoir un aperçu de la tendance du vote chez les Latino-Américains. « On sait que le vote des minorités culturelles est important pour les démocrates », affirme Valérie Beaudoin. « On va probablement vouloir s’adresser à la communauté latino. Plusieurs travaillent dans les casinos, alors on voudra aussi s’adresser à leurs syndicats. » Pour ces derniers, les questions de la couverture de l’assurance maladie et des droits des travailleurs sont cruciales. 

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Elizabeth Warren, candidate à l’investiture démocrate, à Las Vegas

Elizabeth Warren, notamment, « a placé beaucoup d’espoirs dans le Nevada », note M. Cloutier-Roy. « Elle fait partie de ceux qui ont les meilleures équipes sur le terrain. Présentement, elle est en troisième place au Nevada. »

Son attitude face aux autres candidats

« J’ai hâte de voir comment se passera la dynamique entre Joe Biden et Michael Bloomberg », dit Valérie Beaudoin, puisqu’au départ, le second ne voulait pas se lancer pour ne pas nuire au premier. « C’est donc un désaveu de se présenter contre lui. Et Bloomberg sera-t-il un bon débatteur ? Je l’ai personnellement trouvé assez beige lors des discours pour lancer sa campagne en novembre. » Christophe Cloutier-Roy rappelle que « Biden est capable de passer à l’offensive dans les débats – du moins, il l’a fait dans le passé ». « Je pense aussi qu’Amy Klobuchar sera sur l’offensive – sa bonne performance au New Hampshire a notamment été favorisée par le fait qu’elle a été solide dans le débat juste avant. » Le vote des caucus du Nevada se tiendra samedi.

Intentions de vote chez les démocrates

1. Bernie Sanders 31 %
2. Michael Bloomberg 19 % 
3. Joe Biden 15 % 
4. Elizabeth Warren 12 % 
5. Amy Klobuchar 9 % 
6. Pete Buttigieg 8 %