(Washington) Les débats au procès en destitution de Donald Trump se sont ouverts mardi devant le Sénat américain par une âpre bataille sur les règles de ce rendez-vous historique, les démocrates accusant les républicains d’organiser l’acquittement au pas de charge du président des États-Unis.

Cinq jours après avoir juré de rendre la justice de « manière impartiale », les 100 sénateurs se sont retrouvés au Capitole, siège du Congrès à Washington. Dans une mise en scène austère, ils se sont plongés dans un silence grave lorsque le chef de la Cour suprême John Roberts, chargé de présider les audiences, a signifié de son marteau le début des échanges.

Mais avant de se pencher sur l’acte d’accusation pour abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès, adopté en décembre par la Chambre des représentants à majorité démocrate, ils ont engagé un rude bras de fer sur les règles du jeu.

Le chef de la majorité républicaine Mitch McConnell a introduit une résolution pour encadrer ce procès qui, à dix mois de la présidentielle, parasite la campagne de réélection du locataire de la Maison-Blanche.

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Le leader parlementaire républicain au sénat Mitch McConnell et le Sénateur républicain John Cornyn, lors de leur arrivée au Sénat la semaine dernière.

Au programme : trois journées de huit heures en moyenne pour l’accusation et autant pour la défense afin qu’elles exposent leurs arguments, puis 16 heures de questions des sénateurs.

« C’est une feuille de route équitable pour notre procès », a estimé l’influent M. McConnell, qui ne cache pas sa volonté d’offrir au milliardaire républicain l’acquittement rapide qu’il espère, idéalement dans un délai de deux semaines.

Accusé de vouloir organiser un procès nocturne quand les Américains dorment, il a toutefois dû rallonger la durée des argumentaires par rapport à une première proposition.

« Honte nationale »

L’élu Adam Schiff, chargé de porter l’accusation, a reproché au camp présidentiel d’organiser un « procès truqué » au Sénat – quand les républicains estiment que les démocrates ont conduit une enquête « truquée » à la Chambre des représentants.

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Le sénateur démocrate Adam Schiff, désigné pour porter l’accusation, lors de son arrivée au Sénat ce matin.

En cause, la question cruciale des témoins-clés que les démocrates veulent convoquer et des documents qu’ils exigent de la Maison-Blanche, du département d’État et du ministère de la Défense. Les républicains veulent repousser toute décision sur le sujet à après la séance de questions.

« On marche à l’envers, un procès avant les pièces à conviction », a lancé Adam Schiff. « La majorité des Américains ne croient pas que ce sera un procès équitable ».

Evoquant une « honte nationale », le chef des démocrates au Sénat Chuck Schumer a introduit plusieurs amendements pour obtenir immédiatement ces témoignages et documents, qui prolongeaient les débats tard dans la soirée.  

Les cinq premiers ont été rejetés selon les lignes partisanes : les 53 sénateurs républicains ont voté contre, les 47 démocrates pour. Mais M. Schumer semblait prêt à rester encore plusieurs heures dans l’hémicycle pour faire plier les républicains.  

« Nous avons besoin de quatre républicains qui soient prêts à choisir le camp de la justice », a-t-il lancé Chuck Schumer, courtisant les plus modérés.

Les républicains peuvent gagner tous les votes de procédure, comme ils sont quasi assurés d’être en mesure d’acquitter, in fine, Donald Trump.

Le 45e président des États-Unis, troisième seulement à subir l’affront d’un procès en destitution après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1999, n’est pas présent aux audiences.

« Rien fait de mal »

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Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, le président a profité de sa présence au Forum mondial de Davos pour qualifier encore une fois son procès de « farce » et de « chasse aux sorcières ». On le voit ci-haut durant une intervention du président de la Fédération internationale de soccer, Gianni Infantino.

En déplacement au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, il a de nouveau qualifié son procès de « farce » et de « chasse aux sorcières ».

Au cœur du scandale : un coup de téléphone en juillet dernier au cours duquel Donald Trump demandait à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky d’enquêter sur Joe Biden, son adversaire démocrate potentiel à la présidentielle de novembre.

Pour cette première vraie journée de procès, retransmise en direct des heures durant par les télévisions, les démocrates ont profité des échanges pour présenter leur dossier d’accusation. Selon eux, l’ex-magnat de l’immobilier a exercé un chantage sur Kiev : vous lancez l’enquête ou nous bloquons une aide militaire cruciale.

L’avocat de la Maison-Blanche Pat Cipollone a répondu que l’acte d’accusation était « non seulement ridicule mais aussi dangereux pour notre République ». « Il est temps de démarrer » le procès « pour pouvoir mettre fin à cette mascarade ridicule », a-t-il plaidé.

Depuis que l’affaire a éclaté en septembre, le président âgé de 73 ans n’a cessé de clamer que l’échange téléphonique avec son homologue était « parfait ».

« C’est parfait ! Il est donc parfaitement normal de tordre le bras d’un allié en gelant une aide militaire pour obtenir un coup de pouce afin de tricher lors de la prochaine élection », a ironisé Adam Schiff.

« Le président se soustrait à toute responsabilité et se place au-dessus des lois : il ne peut pas être inculpé, il ne peut être destitué. Cela en fait un monarque, exactement le danger contre lequel est censée nous protéger la Constitution », a-t-il tonné.