(Washington) Les tensions entre les États-Unis et l’Irak sont montées d’un cran vendredi au sujet du retrait des troupes américaines, réclamé par Bagdad mais dont Washington refuse même de discuter.

La volonté d’apaisement affichée ces derniers jours par le président américain Donald Trump n’a pas suffi à faire retomber l’accès de fièvre provoqué par la mort, le 3 janvier dans une frappe américaine dans la capitale irakienne, du puissant général iranien Qassem Soleimani et de son lieutenant irakien Abou Mehdi al-Mouhandis.

Des milliers de manifestants anti-pouvoir sont ainsi redescendus dans la rue vendredi en Irak pour conspuer à la fois l’Iran et les États-Unis, relançant une révolte inédite éclipsée par la flambée de tensions entre les deux parrains rivaux de Bagdad.

Sur la place Tahrir de la capitale irakienne, comme dans plusieurs villes du sud du pays, les manifestants ont scandé « Non à l’Iran ! Non à l’Amérique ! » dans des cortèges d’une ampleur inégalée depuis des semaines, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Il faut que des Irakiens dirigent l’Irak, ce n’est pas le rôle des étrangers d’y prendre les décisions car elles doivent venir du peuple », a aussi lancé, dans son sermon hebdomadaire, le grand ayatollah Ali Sistani, figure tutélaire de la politique irakienne, qui renvoie dos à dos Téhéran et Washington.

Porté par ce sentiment anti-américain décuplé, le Parlement irakien a voté dimanche en faveur de l’expulsion des 5200 soldats américains déployés en Irak – et potentiellement des militaires de toute la coalition internationale contre le groupe djihadiste État islamique (EI).

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Parlement irakien a voté dimanche en faveur de l’expulsion des 5200 soldats américains déployés au pays.

Jusqu’ici, l’administration Trump avait fait la sourde oreille, assurant n’avoir reçu aucune notification d’un tel ordre de la part du gouvernement irakien.

Mais vendredi, le premier ministre démissionnaire irakien Adel Abdel Mahdi a fait savoir qu’il avait réclamé au secrétaire d’État américain Mike Pompeo l’envoi d’une délégation pour « mettre en place les mécanismes nécessaires à l’application de la décision du Parlement en vue d’un retrait sécurisé des troupes d’Irak ».

« À ce stade, toute délégation qui se rendrait en Irak serait chargée de discuter de la meilleure manière de reconfirmer notre partenariat stratégique, pas de discuter d’un retrait des troupes », a immédiatement répondu la porte-parole de la diplomatie américaine Morgan Ortagus.

« Moins de ressources »

« Notre présence militaire en Irak vise à poursuivre le combat contre l’EI », a-t-elle insisté.

Signe qu’il s’agit d’un dossier explosif, la question du retrait, ou non, des troupes américaines a déjà fait l’objet d’un imbroglio en début de semaine quand les États-Unis ont transmis aux autorités irakiennes une lettre, écrite au nom du général William H. Seely, commandant des forces américaines en Irak, évoquant les préparatifs en vue d’un départ. Le Pentagone a dû démentir en assurant qu’il s’agissait d’un document envoyé par « erreur », sans dissiper une certaine confusion.

D’autant que la volonté de Donald Trump de « mettre fin aux guerres sans fin » et de désengager les forces américaines des coûteuses opérations au Moyen-Orient n’est un mystère pour personne.

Un retrait des troupes américaines « serait la pire chose qui puisse arriver à l’Irak », a dit mercredi le milliardaire républicain, évoquant le danger que représente à ses yeux pour ce pays l’imposant voisin iranien. « À un moment donné, nous partirons », « mais ce moment n’est pas venu », a-t-il martelé, pour tenter de clarifier la position américaine.

Interrogé vendredi sur la demande du premier ministre irakien, Mike Pompeo a lui temporisé.

« Nous sommes prêts à poursuivre la discussion avec les Irakiens sur la meilleure structure » pour la présence américaine, a-t-il dit. « Notre mission est très claire, nous sommes là pour former » les forces irakiennes « et poursuivre la campagne contre l’EI » : « nous allons continuer cette mission ».

« Lorsque nous serons en mesure » d’avoir « moins de ressources dédiées à cette mission, nous le ferons », a-t-il toutefois promis.

Alors que Donald Trump a demandé mercredi à l’OTAN de renforcer son implication au Moyen-Orient, vraisemblablement pour pallier une moindre présence future des États-Unis, Washington a par ailleurs accueilli vendredi une délégation de l’Alliance atlantique pour discuter de son « rôle accru en Irak ».