(Washington) L’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la présidentielle de 2016 est une tache tenace sur le mandat de Donald Trump, que le président tente d’effacer avant de quitter ses fonctions en graciant ses protagonistes condamnés par la justice.

Le président américain a gracié mercredi soir une trentaine de personnes, dont Paul Manafort, son ex-directeur de campagne en 2016, et son ancien conseiller Roger Stone, tous deux mis en cause dans cette enquête sur une possible collusion entre la Russie et son équipe de campagne en 2016.

La veille, M. Trump avait accordé sa grâce à deux autres personnalités impliquées dans cette enquête : un ancien conseiller diplomatique, George Papadopoulos, et un avocat néerlandais, Alex van der Zwaan.

Et fin novembre, il avait déjà amnistié Michael Flynn, son ancien conseiller à la sécurité nationale, condamné notamment pour avoir menti aux enquêteurs du FBI dans cette affaire.

Tous ces hommes ont un point commun : ils n’ont jamais coopéré avec les enquêteurs pour protéger le milliardaire républicain, a rappelé l’élu démocrate Adam Schiff, président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants.  

« Pendant l’enquête Mueller, l’avocat de Trump a évoqué l’idée d’une grâce avec Manafort. Manafort a arrêté de coopérer avec les procureurs, il a menti, il a été condamné et Trump l’a félicité pour ne pas avoir “mouchardé” », a-t-il rappelé dans un tweet. « La grâce de Trump est l’aboutissement de ce complot ».

« Chef mafieux »

Deux autres de ses proches, son ancien homme à tout faire Michael Cohen et son ex-directeur adjoint de campagne, Rick Gates, qui ont tous deux collaboré avec la justice, n’ont pas été graciés par le président qui doit quitter la Maison-Blanche le 20 janvier.

Robert Mueller, qui n’a pas trouvé de preuve de coopération criminelle entre la Russie et l’équipe de campagne du milliardaire, s’est abstenu de tout commentaire sur ces mesures de grâce.

Mais son principal enquêteur, Andrew Weissmann, a exprimé son indignation jeudi sur NBC.  

« Les grâces accordées par ce président, c’est ce à quoi on pourrait s’attendre si on accordait le pouvoir d’accorder des grâces à un chef mafieux », a-t-il dit.

Le président américain a toujours qualifié de « fausses informations » les conclusions de ses propres services de renseignement, qui affirment que Moscou a mené une campagne d’intrusions informatiques et de manipulation des réseaux sociaux pour favoriser l’élection de Donald Trump en 2016 et discréditer Hillary Clinton.

Alors qu’il termine son mandat avec un bilan mitigé et un horizon judiciaire incertain – il est notamment visé par deux enquêtes pour fraudes fiscales dans l’État de New York –, Donald Trump pourrait se croire protégé dans l’enquête russe dont les protagonistes sont désormais graciés.

Mais, a prévenu M. Weissmann, ils ne sont graciés que de crimes passés et ils pourraient de nouveau être entendus, par d’autres juges.  

« On ne peut pas être gracié de futurs crimes et tous ces gens, Roger Stone, Paul Manafort, Michael Flynn, ils ont des preuves dans leur tête », a-t-il noté, soulignant qu’ils pourraient de nouveau être appelés à témoigner.

En outre, a noté Timothy Snyder, professeur de droit de l’université de Yale, la grâce présidentielle est une arme à double tranchant, car elle implique que les personnes qui en bénéficient étaient bien coupables.

La Cour suprême des États-Unis a en effet conclu dans un jugement de 1915 qu’une grâce présidentielle comportait une « imputation de culpabilité » et qu’une acceptation de grâce constituait une « confession ».