Vladimir Poutine a finalement adressé mardi au président américain désigné, Joe Biden, un message de félicitations, emboîtant le pas à la plupart des dirigeants de la planète avec un mois de délai.

Le chef d’État russe avait fait valoir dans les semaines ayant suivi le scrutin du 3 novembre que sa réserve était attribuable à la contestation annoncée du résultat électoral et ne reflétait pas de préférence pour le président sortant Donald Trump.

Dans un message relayé par le Kremlin, M. Poutine a dit espérer que les deux pays réussiront à collaborer « malgré leurs différences » pour « répondre aux défis auxquels la planète est confrontée ».

Il a ajouté qu’il était « prêt à interagir et à échanger » avec Joe Biden sur une base « d’égalité et de respect mutuel » au lendemain de la confirmation de la victoire du politicien démocrate, lundi, par le Collège électoral.

Ekaterina Piskunova, spécialiste de la Russie rattachée à l’Université de Montréal, note que Vladimir Poutine a voulu par ce délai afficher sa « neutralité » face au processus électoral américain, quatre ans après avoir été accusé par les services de renseignements du pays d’avoir voulu intervenir pour faire élire Donald Trump.

Le procureur spécial Robert Mueller avait conclu en 2019, après des années d’enquête, que l’ingérence de la Russie en faveur du candidat républicain avait été « systémique » et « de grande envergure ».

Il avait cependant écarté les allégations de collusion entre Moscou et l’équipe de campagne de Donald Trump, qui a toujours associé l’enquête à une « chasse aux sorcières ».

La polémique a compliqué les relations entre les deux pays, qui se sont détériorées au point d’atteindre aujourd’hui un niveau « dangereusement froid », relève Mme Piskunova.

« Il n’y a aucune coopération, aucune compréhension », relève la chercheuse, qui ne s’attend pas à ce que l’arrivée de Joe Biden à la tête des États-Unis change sensiblement la donne.

Mme Piskunova cite notamment parmi les causes de cette détérioration l’annexion de la Crimée et l’intensification d’une « lutte d’influence régionale » qui a mené notamment Moscou à prendre le contrepied des États-Unis en Syrie en se portant militairement à la défense du régime de Bachar al-Assad.

Relation hostile

Joe Biden avait décrit la Russie avant l’élection de novembre comme une grave menace pour les États-Unis en relevant que le pays cherchait à compromettre des alliances stratégiques comme l’OTAN, qui a dû subir les attaques de Donald Trump lui-même.

Mme Piskunova note que Vladimir Poutine craint pour sa part que Washington cherche activement à fomenter en Russie un soulèvement comme celui qui secoue depuis des mois la Biélorussie, allant même jusqu’à évoquer cet automne un « pacte de non-intervention » qui a été reçu comme une mauvaise blague à Washington.

« Il n’y a pas beaucoup de marge diplomatique entre les deux pays », souligne Mme Piskunova, qui s’inquiète du fait que le traité New Start limitant le nombre d’ogives nucléaires pouvant être détenues par Washington et Moscou arrive à échéance en février.

Aucune négociation n’a lieu actuellement à ce sujet, déplore la chercheuse, qui insiste sur le fait que le processus est compliqué par la montée en force d’une autre puissance nucléaire rétive pour l’heure à tout contrôle, la Chine.

Dans une analyse parue en ligne il y a quelques jours, le directeur du Carnegie Moscow Center, Dmitri Trenin, a dit espérer que la Russie et les États-Unis profiteraient de l’arrivée au pouvoir de Joe Biden pour en arriver à un rapport « moins hostile », même si aucun d’entre eux n’a l’intention de « capituler sur ses intérêts géopolitiques vitaux ».

Aucun des pays n’est servi par des relations qui se détériorent et qui augmentent à un niveau dangereux le risque d’une collision militaire entre les deux plus grandes puissances nucléaires de la planète.

Dmitri Trenin, directeur du Carnegie Moscow Center

La question nucléaire continuera d’occuper par ailleurs une place centrale dans les relations entre les États-Unis et la Corée du Nord, qui n’a pas commenté la victoire de Joe Biden.

Le régime de Kim Jong-un l’a qualifié l’année dernière « de chien enragé » et semble peu susceptible à ce stade de faire des compromis sur son programme nucléaire même si le président désigné américain a déjà évoqué la possibilité d’une rencontre dans le cas contraire.

Donald Trump avait tenu deux sommets très médiatisés avec le leader nord-coréen durant son mandat sans obtenir de concession déterminante.