(Washington) Un nouveau mythe américain tombe : Johns Hopkins, célébré comme un philanthrope partisan de l’abolition de l’esclavage dont la richesse a permis de fonder l’université prestigieuse qui porte son nom, possédait lui-même des esclaves.

Cette révélation difficile pour l’institution de Baltimore, qui affiche des valeurs de tolérance, intervient alors que les États-Unis se penchent depuis le printemps sur leur passé de racisme et de ségrégation, au milieu d’une vague de protestation historique contre les discriminations.

Les appels à démonter les statues de figures du Sud esclavagiste se sont multipliés et la controverse n’épargne pas les « pères fondateurs » de l’Amérique, George Washington et Thomas Jefferson, eux aussi propriétaires d’esclaves.

« Depuis près de 100 ans, nous racontons une histoire sur nos origines qui n’est pas exacte », a expliqué vendredi Ron Daniels, le président de l’université, lors d’une discussion sur Zoom. « Nous sommes atterrés par la révélation de cette partie de la vie de M. Hopkins ».

Issu d’une riche famille du Maryland, l’homme d’affaires a fait fortune dans le commerce et la banque. Élevé dans la foi Quaker, un courant protestant opposé à l’esclavage, il a soutenu Abraham Lincoln pendant la guerre de Sécession.

Décédé en 1873, il a légué une partie de sa fortune pour la création d’un orphelinat pour enfants noirs, d’une université et d’un hôpital où tous les malades seraient acceptés sans distinction de sexe ou d’origine.

Mais selon des registres du recensement découverts cet été et datant de 1840 et 1850, Johns Hopkins possédait des esclaves. Un en 1840 puis quatre, 10 ans plus tard.

C’est un choc pour la prestigieuse université privée fondée en 1876 et qui a fait de la diversité son cheval de bataille à Baltimore, à la population majoritairement noire et minée par la pauvreté et la délinquance.

En 2018, le milliardaire Michael Bloomberg, diplômé en 1964, avait fait don de deux milliards de dollars pour financer l’attribution de bourses aux étudiants issus de familles modestes.

Il ne subsiste que peu de documents sur Johns Hopkins et sa famille. Son historiographie repose surtout sur d’élogieux articles de presse publiés à sa mort et sur les mémoires de sa petite-nièce, Helen Hopkins Thom, qui datent de 1929.

Le travail de vérité ne fait que commencer, a assuré Martha Jones, responsable de la commission mise en place par l’université qui veut tenter de retrouver les descendants de ces esclaves inconnus.

« Nous commençons à peine à démanteler ce qui s’avère être des mythes fondateurs sur les origines, non seulement de M. Hopkins, mais de la trajectoire de sa vie et du cadeau qu’il a fait pour créer cette institution », a-t-elle déclaré.