(Washington) Un comité d’experts indépendants a voté jeudi pour recommander à l’Agence américaine des médicaments (FDA) d’autoriser aux États-Unis un premier vaccin contre la COVID-19, développé par le duo Pfizer/BioNTech. Le feu vert devrait suivre dans les prochains jours et la vaccination commencer la semaine prochaine.

Lors d’un exercice de transparence inédit dans le monde, retransmis pendant plusieurs heures sur l’internet, une vingtaine de chercheurs membres de ce comité consultatif ont débattu des données de sécurité et d’efficacité du vaccin et interrogé les responsables des fabricants et des autorités sanitaires sur le fonctionnement du vaccin, son efficacité réelle contre les formes graves de la maladie, ses effets indésirables, la surveillance sanitaire à long terme ou encore le sort des participants aux essais cliniques qui ont reçu un placebo.

Puis le comité a donné son avis favorable lors d’un vote qui ne contraint pas la FDA : 17 voix pour, quatre contre et une abstention.

Mais le feu vert est quasi assuré, car l’efficacité et l’innocuité du vaccin ont désormais été validées par trois sources indépendantes : ce comité ; les propres scientifiques de la FDA dans une synthèse publiée mardi ; et un comité de lecture de la revue médicale américaine la plus cotée, le New England Journal of Medicine, qui a évalué et publié jeudi les résultats de l’essai vaccinal.

Le président Donald Trump aurait certes aimé aller plus vite. Les fabricants ont annoncé le 18 novembre que leur vaccin était efficace à 95 %, et ils ont déposé leur dossier à la FDA deux jours plus tard. Depuis, le Royaume-Uni, le Canada, Bahreïn et l’Arabie saoudite ont autorisé la mise sur le marché.

Mais l’agence américaine, accusée d’avoir autorisé en urgence des traitements douteux, dont l’hydroxychloroquine, sous pression de Donald Trump au printemps et à l’été, a tenu à ne pas donner l’image d’une procédure bâclée ni soumise à autre chose que la plus grande rigueur scientifique, consciente que potentiellement des centaines de millions de personnes recevraient dans le bras un produit inventé il y a moins de neuf mois.

La FDA et Pfizer ont publié 145 pages de données issues d’un essai clinique sur 44 000 volontaires, offrant des détails d’une finesse incomparable avec ce que l’on sait des vaccins russe et chinois, déjà administrés à grande échelle dans leurs pays.

« La transparence a été excellente », a dit à l’AFP Eric Rubin, membre du comité et professeur de microbiologie à Harvard.

Questions sur les allergies

Que disent les données de l’essai portant sur 38 000 des 44 000 volontaires ? D’abord que le vaccin marche mieux qu’espéré. Les deux doses, à trois semaines d’intervalle, ont réduit le risque de 95 % de développer la COVID-19 par rapport aux membres du groupe placebo.

Il semble bien prévenir les formes graves de la maladie, même si ces données sont moins définitives.

Le vaccin provoque des effets indésirables, souvent pénibles, mais sans danger : 80 % des vaccinés ont eu mal autour du point d’injection, beaucoup ont ressenti fatigue, maux de tête ou courbatures.  

Mais sur deux mois de suivi en moyenne, le seul effet indésirable potentiellement inquiétant fut quatre cas de paralysie faciale a frigore (de Bell). C’est souvent temporaire et statistiquement la causalité n’est pas établie, mais la FDA a recommandé une surveillance accrue.

Les experts ont débattu longuement du risque d’allergie, après deux cas de réactions sévères au Royaume-Uni. Aux États-Unis, un avertissement accompagnera le vaccin, a annoncé Marion Gruber de la FDA : il sera déconseillé aux personnes ayant une allergie sévère connue à l’un de ses ingrédients.  

Mais Paul Offit, membre du comité, a souligné le besoin de rassurer les dizaines de millions de gens allergiques aux œufs ou aux cacahuètes.

Qu’ignore-t-on encore ? La durée de protection, d’abord. On ne sait pas non plus si le vaccin empêche l’infection asymptomatique par le coronavirus. Ou encore s’il est sûr pour les femmes enceintes.

Restera à assurer la distribution, tâche coordonnée par le gouvernement fédéral et confiée au secteur privé. Le ministre de la Santé, Alex Azar, table sur le début de la semaine prochaine.

Les doses seront livrées directement aux hôpitaux et pharmacies qui vaccineront les deux groupes prioritaires : les résidents de maisons de retraite et les professionnels du secteur de la santé, comme au Royaume-Uni.