Une scientifique qui avait accusé le printemps dernier le gouvernement de la Floride de vouloir maquiller les données sur la pandémie de COVID-19 crie à l’intimidation après avoir été la cible d’une perquisition policière, lundi.

Rebekah Jones assure qu’elle n’a rien à voir avec l’acte de piratage évoqué à l’appui de l’intervention des forces de l’ordre et attribue plutôt leur action à l’hostilité du gouverneur de l’État, Ron DeSantis, avec qui elle est à couteaux tirés.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE REBEKAH JONES

Rebekah Jones, spécialiste en données qui s’est illustrée le printemps dernier au sein du département de la Santé de la Floride en jouant un rôle central dans la mise sur pied d’un site colligeant les informations sur la pandémie à l’attention de la population de l’État.

« Voilà ce qui arrive aux scientifiques qui tentent de faire leur travail honnêtement. Voilà ce qui arrive aux gens qui tiennent tête au pouvoir », a indiqué sur Twitter Mme Jones, en accusant au passage le politicien d’avoir « envoyé la Gestapo » chez elle.

Dans une vidéo qu’elle a mise en ligne, on voit la scientifique répondre à la porte à un agent armé qui lui demande de sortir. Il s’avance ensuite vers l’escalier et crie au mari de Mme Jones de descendre avec leurs deux jeunes enfants, alors qu’un second agent pointe un revolver vers le haut.

L’intervention a duré trois heures et mené notamment à la saisie de l’ordinateur et du téléphone de Mme Jones, qui seront fouillés par les autorités.

Le service de police a expliqué dans un communiqué que ses agents enquêtaient sur un acte de piratage récent visant le service de messagerie d’urgence du département de la Santé, où Mme Jones travaillait avant d’être congédiée, en mai.

Un individu non identifié a envoyé un message invitant le personnel à dénoncer la manière dont l’État gère les données sur la COVID-19. « Vous n’avez pas besoin de tolérer ce qui se passe. Soyez un héros. Parlez avant qu’il ne soit trop tard », suggérait-il aux destinataires.

La police a indiqué qu’elle avait déterminé que le message provenait de la résidence de Mme Jones, qui nie avoir les compétences informatiques requises pour procéder à une telle manœuvre en ligne.

Un rôle crucial dans la transmission des données

La spécialiste en données s’est illustrée le printemps dernier au sein du département de la Santé en jouant un rôle central dans la mise sur pied d’un site colligeant les informations sur la pandémie à l’attention de la population de l’État.

La firme responsable du logiciel utilisé par l’État avait salué ses compétences et son sens de l’initiative, mais ses relations avec son employeur se sont tout de même rapidement détériorées.

Mme Jones affirme avoir été congédiée en mai parce qu’elle refusait de revoir les méthodes de comptabilisation des cas, des morts et du taux de positivité pour embellir la situation et justifier la volonté du gouverneur d’assouplir les restrictions mises en place pour lutter contre la pandémie.

M. DeSantis, élu républicain très critique des mesures de confinement qui refuse l’imposition du port du masque, a affirmé de son côté que la scientifique avait modifié à plusieurs reprises le site floridien de données sur la COVID-19 contre l’avis de ses supérieurs et sans tenir compte de l’avis des épidémiologistes.

Mme Jones a créé, après son congédiement, son propre site de présentation des données sur la pandémie, qui n’a pu être mis à jour lundi soir, faute d’ordinateur.

La scientifique a lancé un appel à l’aide sur le site Gofundme pour renouveler son matériel informatique et « trouver un fichu bon avocat » afin de contrer les accusations de piratage. En fin de journée mardi, elle avait reçu plus de 150 000 $ US en dons.

DeSantis devrait moins s’occuper de ce que j’écris et se concentrer sur les gens dans cet État qui sont malades et en train de mourir.

Rebekah Jones, sur les ondes de CNN

M. DeSantis a assuré mardi n’avoir joué aucun rôle dans l’enquête contre Mme Jones et la perquisition survenue lundi.

« Des proportions exagérées »

Le DThomas Unnasch, spécialiste de santé publique à la South Florida University, note que la polémique survient alors que le nombre de cas et d’hospitalisations liés à la COVID-19 repart dangereusement à la hausse en Floride.

« Toute cette affaire a pris des proportions complètement exagérées », relève le chercheur en parlant du différend entre Mme Jones et le gouverneur.

« La situation reflète l’hyperpolitisation associée à la prise en charge de la pandémie aux États-Unis », ajoute le DUnnasch, qui aimerait voir les Américains de toutes allégeances unir leurs forces à ce sujet plutôt que de se déchirer.

« Ce virus n’est pas un animal politique. Il se fera un plaisir de vous tuer, que vous soyez démocrate ou républicain », dit-il.