(Washington) Les juges de la Cour suprême des États-Unis ont affiché lundi frustration et confusion face à une requête aux contours flous formulée par Donald Trump, qui espère peser avant son départ de la Maison-Blanche sur le nombre d’élus au Congrès attribués à chaque État pour la prochaine décennie.

La cause porte sur le recensement de la population américaine, qui, selon la Constitution, doit se tenir tous les 10 ans, et conditionne l’allocation de subventions fédérales et le nombre de sièges à la Chambre des représentants dévolus à chaque État.

En juillet, alors que le recensement était en cours, Donald Trump a donné l’ordre à son administration de retrancher les sans-papiers au moment de l’allocation du nombre d’élus.

Le républicain, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un des marqueurs de sa présidence, avait expliqué ne pas vouloir « donner une représentation parlementaire à des étrangers » en situation irrégulière.

Plusieurs États qui abritent de nombreux migrants, comme la Californie, pourraient perdre au moins un siège. Ils avaient rapidement saisi la justice et obtenu des victoires en première instance.

L’administration Trump a alors demandé à la Cour suprême d’intervenir en urgence, puisque Donald Trump est censé transmettre début janvier au Congrès les résultats du recensement de 2020 et le nombre de sièges attribués à chaque État.

« Liens forts »

Les neuf sages ont entendu lundi par téléphone, à cause de la pandémie, les arguments des deux parties.

« Le président dispose du pouvoir discrétionnaire pour déterminer que certains immigrants irréguliers, a minima, n’ont pas de liens stables avec les États », a plaidé Jeffrey Wall pour l’administration républicaine.

« Cette politique ignore les millions de migrants en situation irrégulière qui vivent ici depuis des décennies et ont des liens forts avec leurs communautés », a rétorqué Barbara Underwood pour l’État de New York.

Les trois juges progressistes de la Cour (sur neuf) ont semblé sensibles à cet argument, tout comme la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett, tout juste nommée par Donald Trump.

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La juge Amy Coney Barrett

« Les preuves historiques et une pratique bien établie contredisent votre position », a-t-elle dit au représentant de l’administration. « Les sans-papiers n’ont jamais été exclus du recensement. »

« Attendre ? »

Plus globalement, les neuf sages ont tenté de percer les nombreuses incertitudes pesant sur le dossier, à commencer par le nombre de sans-papiers concernés.

L’avocat du gouvernement s’est dit incapable de savoir si la mesure porterait uniquement sur les quelque 60 000 migrants en centre de rétention, sur les 200 000 menacés d’expulsion ou sur les quelque 10 millions présents sur le sol américain.

Il a également reconnu que le ministère du Commerce, responsable du recensement, ne serait sans doute pas en mesure de transmettre les données le 31 décembre, comme prévu, à cause d’obstacles posés par la COVID-19.

« C’est frustrant, c’est peut-être un dossier très important, ou beaucoup de bruit pour rien », a déclaré le conservateur Samuel Alito.

« On ne sait pas ce que le secrétaire du Commerce va faire, ce que le président va faire, combien d’étrangers vont être exclus et l’effet de leur exclusion » sur le Congrès, a renchéri le chef de la Cour John Roberts.

« Nous serions peut-être avisés d’attendre que l’allocation des sièges ait eu lieu avant de nous prononcer », a-t-il conclu.

Si la haute cour s’en tenait à cette posture attentiste, cela pourrait servir Donald Trump, qui est libre d’agir en l’absence d’un nouvel arrêt et jusqu’à la prise de fonction de son successeur, le démocrate Joe Biden, le 20 janvier.