(Washington) Joe Biden aura 78 ans vendredi. S’il était réélu en 2024, il aurait 86 ans au moment de quitter le pouvoir en 2029.

À deux mois de son arrivée à la Maison-Blanche, la question est déjà dans tous les esprits à Washington : ce « lion de l’histoire américaine », selon les termes de Barack Obama, sera-t-il le président d’un seul mandat ?

Tout au long de la campagne, il est resté volontairement évasif sur ses intentions.

Interrogé sur le fait de savoir si l’idée de gouverner pendant huit ans faisait partie à ses yeux des scénarios possibles, il a répondu : « absolument ! ».

Au printemps, lors d’une réunion de levée de fonds, il a assuré qu’il se voyait comme un « candidat de transition », une formule qui a alimenté les spéculations.  

A-t-il voulu dire qu’il était le mieux placé, par son expérience et son profil, pour tourner la page du trumpisme avant, en 2024, de passer le relais à une nouvelle génération ? Une génération de dirigeants démocrates, qui, pour certains, n’étaient pas nés lors de se première élection au Sénat, en 1972 ?

Quelques jours après sa victoire face à Donald Trump, sa sœur Valérie Biden Owens, discrète en public mais personnage clé de sa carrière politique, a dit sa conviction qu’il briguerait un second mandat.

Il n’est donc pas un candidat de transition ? « Il l’est dans le sens où il entraîne avec lui tous ces jeunes et qu’il nous rassemble pour que le pays ne soit plus aussi divisé », a-t-elle avancé sur HBO.

Mais toutes ces réponses ont d’abord été interprétées comme la volonté garder le maximum de capital politique.

Se présenter explicitement comme le président d’un seul mandat affaiblirait sa position et ouvrirait, trop vite et en grand, la course à sa succession au sein du parti démocrate.

« Bon sang, vous êtes vieux ! »

Pour l’historien Julian Zelizer, enseignant à l’université de Princeton, Joe Biden n’a, quelles que soient ses intentions, « aucun intérêt » à les dévoiler trop tôt.

« Dans le climat d’extrême polarisation politique qui est le nôtre, vous devez utiliser tous les outils à votre disposition, y compris la perspective d’une réélection, pour faire avancer les dossiers au Congrès », explique-t-il à l’AFP.

De fait, dans l’histoire américaine, les présidents ayant renoncé à briguer « quatre ans de plus » à la Maison-Blanche sont rares.

James K. Polk, président de 1845 à 1849, avait fait campagne en promettant qu’il ne briguerait pas un second mandat, et il a tenu promesse. Mais le combat politique d’alors avait peu de points communs avec celui du XXIe siècle.

Seule exception dans l’histoire politique moderne : Lyndon Johnson.

Propulsé à la présidence après l’assassinat de John F. Kennedy en 1963, il a été largement élu en 1964 face au républicain Barry Goldwater mais avait annoncé, en mars 1968, qu’il ne se représenterait pas.

Pour nombre d’historiens, pris dans la tourmente de la guerre du Vietnam, et confronté à la fronde de l’aile progressiste de son parti, il était convaincu qu’il se dirigeait vers la défaite.  

Mais sa décision de se retirer, après six années au pouvoir, fut cependant une énorme surprise, « un Pearl Harbor en politique », selon les termes d’un élu démocrate de l’époque.

Au-delà de l’appétit du pouvoir et du prestige de la fonction, pourquoi cette obstination à vouloir se représenter ?

« Le second mandat donne à un président un sentiment de légitimité », répond Julian Zelizer. « Cela peut aussi être l’occasion de lancer des initiatives politiques difficiles sans pression électorale ».

Joe Biden, qui est parfois apparu frêle durant la campagne, le sait : il est dans une position singulière.

À l’automne 2018, alors qu’il n’avait pas encore annoncé sa candidature, il avait reconnu, depuis le Michigan, que l’âge était « une question absolument légitime ».

« Je pense qu’il est tout à fait normal que des gens me regardent et disent, si je devais être candidat : “Bon sang, vous êtes vieux quand même ! ” », avait-il lancé.

« Il est vrai qu’au nombre des années, je suis âgé », avait-il ajouté, sous-entendant qu’il n’avait rien perdu de son énergie et de ses capacités intellectuelles.

Une chose est certaine : à compter de sa prise de fonction, le 20 janvier, ses adversaires républicains comme ceux qui, dans son camp, rêvent déjà de se lancer, seront attentifs à ses propos sur ce thème.

Et guetteront le moindre signe annonciateur d’une possible retraite politique de celui qui deviendra, en 2022, le premier président octogénaire de l’histoire américaine.