(Washington) La Cour suprême des États-Unis a semblé sceptique mardi face à la demande du gouvernement de Donald Trump d’invalider entièrement la loi-phare de Barack Obama sur l’assurance santé, que le président sortant a échoué à abroger au Congrès.  

Le président élu Joe Biden a jugé « cruelle » cette ultime tentative du milliardaire républicain de faire tomber la loi de 2010 surnommée « Obamacare », alors que la pandémie de COVID-19 fait des ravages dans le pays.

Quelle que soit la décision de la Cour, attendue au printemps, le démocrate a promis d’entamer dès sa prise de fonction en janvier des négociations avec le Congrès pour améliorer cet Affordable Care Act (ACA).

« Plus de dix millions de personnes ont perdu l’assurance fournie par leur employeur » à cause de la pandémie, « elles ont besoin d’une bouée de sauvetage, et elles en ont besoin maintenant », a-t-il plaidé lors d’une intervention depuis son fief de Wilmington, au nord de Washington.  

« Leur tranquillité d’esprit ne devrait pas dépendre la décision de la Cour suprême », a-t-il martelé.

Le temple du droit américain, qui avait validé la réforme à une très courte majorité en 2012 et 2015, a rouvert le dossier pour la troisième fois mardi après avoir été profondément remanié par Donald Trump.

Trois de ses neuf sages ont été nommés par le républicain. La dernière arrivée, la juge conservatrice Amy Coney Barrett, confirmée à marche forcée fin octobre, a par le passé critiqué les arrêts de la Cour sur l’Obamacare, ce qui alimente les inquiétudes à gauche.

« Pas notre boulot »

Si cette loi disparaissait, plus de 20 millions d’Américains seraient privés de couverture maladie et 130 millions, affectés par des maladies chroniques, auraient plus de mal à obtenir des assurances à prix abordable.

Mardi matin, des manifestants s’étaient donc rassemblés devant la Cour à Washington pour lui demander de préserver cette loi. Brandissant des panneaux « La médecine pour tous », ils ont scandé : « La santé est un droit humain ».

L’audience, qui s’est déroulée par téléphone en raison de la COVID-19, pourrait les rassurer.

Outre les trois juges progressistes, deux magistrats conservateurs ont paru peu désireux d’invalider toute la loi. « C’est dur pour vous d’argumenter que le Congrès voulait faire tomber tout le texte », alors qu’il a amendé une partie « sans toucher au reste », a déclaré le chef de la Cour John Roberts.

« Ce n’est pas notre boulot » de le faire à sa place, a-t-il encore dit.

Si la disposition au cœur du litige est effectivement inconstitutionnelle, « il me paraît clair que la solution appropriée serait de (la) retirer et de laisser le reste de la loi en place », a renchéri Brett Kavanaugh, l’un des trois magistrats nommés par Donald Trump.

Cuisant revers

Pour comprendre le retour du dossier devant la Cour suprême, il faut remonter à 2010.

Dans sa forme originelle, l’Obamacare obligeait tous les Américains, même ceux en bonne santé, à souscrire une assurance sous peine de pénalités financières et contraignait les compagnies à assurer tous les clients potentiels, quel que soit leur état de santé.

Cette réforme a amélioré la couverture de millions d’Américains, mais les républicains ont toujours considéré l’obligation d’assurance comme un abus de pouvoir du gouvernement.  

Leur premier recours visait donc ce « mandat individuel ». La Cour suprême l’avait validé en 2012, en estimant que les pénalités financières pouvaient être considérées comme des impôts et justifiaient l’intervention de l’État.

À son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump avait tenté d’abroger la loi au Congrès mais avait essuyé un cuisant revers. Les élus républicains étaient toutefois parvenus à l’amender en 2017, et avaient réduit à zéro les amendes pour défaut d’assurance.  

Plusieurs États républicains avaient alors introduit de nouveaux recours en justice, plaidant que la loi ne tenait plus.  

En décembre 2018, un juge fédéral du Texas leur a donné raison : « la clé de voûte » de l’édifice étant tombée, toute la loi est inconstitutionnelle, a-t-il décidé.  

La Cour suprême doit désormais se prononcer sur sa décision.

Mais même le juge conservateur Samuel Alito a paru peu convaincu par le raisonnement du juge texan. En 2012, on pensait que l’obligation de s’assurer « était comme une pièce essentielle pour qu’un avion vole », a-t-il dit. « Mais elle a été retirée sans que l’appareil ne s’écrase ».