(Washington) George W. Bush a appelé Joe Biden et Kamala Harris pour les féliciter de leur victoire à la présidentielle, dimanche. Le processus électoral a été « fondamentalement juste », son « résultat est clair » et « tous les Américains » devraient « souhaiter bonne chance » au duo démocrate, a-t-il offert dans un compte rendu. Donald Trump, quant à lui, a joué au golf dimanche et a continué à s’obstiner à nier sa défaite.

En dépit des pressions qui seraient exercées sur lui par sa garde rapprochée et certains membres de sa famille pour qu’il se rende à l’évidence, alors que l’ensemble des grands réseaux ont donné Joe Biden gagnant samedi, le président Trump s’accroche. Il persiste et signe : le scrutin a été frauduleux, et on veut lui voler sa place de façon illégitime. Le décompte de l’Associated Press accorde 290 grands électeurs et 50,7 % du vote populaire (75,2 millions de voix contre 70,8 millions) au démocrate.

Et dans le camp Trump, on multiplie les tactiques pour semer le doute et remettre en question les résultats de l’élection.

« Depuis quand les médias de masse complaisants [lamestream media] annoncent-ils qui sera notre prochain président ? », a rugi le président sur Twitter. Au même moment ou presque, son directeur de campagne, Tim Murtaugh, a diffusé une photo où l’on voit des fenêtres du quartier général de l’équipe Trump placardées de ce qui semble la une du Washington Times de novembre 2000 coiffée du titre « President Gore ».

« Un petit rappel que les médias ne décident pas du président », a écrit le stratège. Il a rapidement été corrigé par le quotidien à tendance conservatrice. « Ces photos sont truquées. Le Washington Times n’a jamais publié une manchette ‟President Gore” », a-t-on signalé, toujours sur Twitter. Rappelons qu’en 2000, à l’issue d’une lutte serrée et d’un nouveau dépouillement en Floride, George W. Bush a été déclaré vainqueur devant Al Gore.

Concession de la victoire : deux visions s’affrontent

On ne constate ainsi pas de signe d’apaisement ou de changement de rhétorique à la Maison-Blanche.

D’un côté, son actuel locataire, qui garde sa casquette de président jusqu’au 20 janvier prochain, compte dans son camp ses fils Donald et Eric, ou encore l’influent sénateur Lindsey Graham.

Mais d’un autre côté, il y aurait son gendre Jared Kushner ainsi que sa femme Melania qui tenteraient de le convaincre de jeter l’éponge, comme l’a rapporté le réseau CNN.

Un gazouillis publié sur le compte de la première dame des États-Unis reprend toutefois le message républicain. « Le peuple américain mérite des élections justes. Chaque vote légal – pas illégal – devrait être compté. Nous devons protéger notre démocratie dans la transparence la plus complète », est-il écrit dans ce message transmis dimanche après-midi.

Donald Trump n’a pas fait d’apparition publique dimanche, préférant retourner sur son parcours de golf de Sterling, en Virginie, pour la deuxième journée de suite. Il ne s’est pas adressé à la population depuis jeudi soir. Il avait alors livré un discours de la Maison-Blanche que de grands réseaux américains comme NBC, ABC ou CBS avaient cessé de diffuser en raison de son contenu trompeur.

Biden se recueille

Joe Biden, qui deviendra le 46e président des États-Unis, a de son côté passé la journée de dimanche avec ses proches à Wilmington, au Delaware. Il est allé à l’église, puis a fait un détour par le cimetière pour se recueillir sur la tombe de son fils Beau, qui a succombé en 2015 à un cancer du cerveau. Sa mort avait été un facteur déterminant dans la décision de Joe Biden de ne pas briguer la présidence en 2016.

Et voilà qu’il l’emporte en 2020. Il a promis samedi soir, dans son discours de victoire, de faire de l’unité de son pays une priorité. Le moment est venu pour son pays de « panser ses plaies », a argué le président désigné sous un tonnerre de klaxons et de cris de joie. Sa colistière, Kamala Harris, l’a d’ailleurs qualifié de « guérisseur » dans l’allocution qui précédait celle de son partenaire démocrate.

C’est au lendemain de ce discours fort suivi – et de l’annonce d’un résultat qui a été accueilli avec une explosion de joie aux quatre coins des États-Unis et dans plusieurs villes du monde – que l’ancien président républicain George W. Bush (2001-2009) a passé un coup de fil aux gagnants.

PHOTO ANDREW HARNIK, ASSOCIATED PRESS

Joe Biden

« Je viens de parler au président désigné des États-Unis, Joe Biden. Je lui ai transmis mes sincères félicitations et je l’ai remercié pour le message patriotique qu’il a livré [samedi] soir. J’ai également appelé Kamala Harris pour la féliciter pour son élection historique à la vice-présidence », a-t-il relaté dans un communiqué.

Le 43e président des États-Unis affirme avoir offert la même chose à Joe Biden qu’aux présidents Trump et Obama : « mes prières pour son succès, et ma promesse de l’aider de quelque manière que je puisse le faire ». Il a aussi signalé, dans la même déclaration, que le taux de participation historique au vote témoignait de la vitalité de la démocratie américaine « et un rappel, pour le monde, de sa robustesse ».

« Sors de là ! »

Sur les ondes de CNN, dimanche, on se posait la question suivante : Donald Trump fera-t-il un accroc à la tradition voulant que celui qui quitte le 1600, avenue Pennsylvanie reçoive à la demeure son successeur et lui laisse une lettre sur le Resolute Desk avec ses vœux de succès, et peut-être quelques conseils ?

L’avenir nous le dira ; dans l’immédiat, le magnat de l’immobilier reste dans la résidence barricadée de Washington. Sur la place Black Lives Matter, où l’ambiance était encore à la fête, dimanche soir, Terrance Woodbury, la trentaine, a monté sur un muret de béton. « Sors de là, c’est fini ! », hurlait-il en direction de la Maison-Blanche, qu’on voit au loin.

Selon le jeune homme, il est impératif que le président sortant concède la victoire, car « tant qu’il niera qu’il a perdu l’élection, 50 % de la population va le croire », craint-il. À preuve, il raconte que certains de ses amis lui ont demandé après l’annonce du résultat s’il pensait que Joe Biden serait président. « C’est épeurant ! Il a été élu ! », lance-t-il.

Les autres personnes sondées au hasard sur la place piétonnière où se trouve l’église près de laquelle des manifestants avaient été dispersés à coups de gaz lacrymogènes pour une séance photo où Donald Trump tenait une Bible entre les mains ne se disaient pas étonnées du refus du président de reconnaître qu’il a été battu.

« Il s’est comporté comme un enfant pendant tout son mandat. Je ne m’attendais à rien de moins, ou rien de plus, de lui. Je souhaite seulement que la démocratie primera, et que le processus se déroulera comme il le devrait », a commenté Caity Reynolds, 27 ans, résidante de Washington.

Le président Trump demeure aux commandes jusqu’au 20 janvier, le jour prévu pour la prestation de serment du nouveau président.