(Washington) Donald Trump, qui a échoué jusqu’ici à faire tomber la loi-phare de Barack Obama sur l’assurance maladie, obtiendra-t-il gain de cause après son mandat, grâce à son remaniement en profondeur de la Cour suprême ?

La plus haute juridiction américaine, dont trois des neuf sages ont été désignés par le président sortant, examine mardi cette loi de 2010 surnommée « Obamacare », que les républicains n’ont jamais cessé de contester dans l’arène politique et en justice.

Sa décision, attendue en 2021, est susceptible de faire totalement s’écrouler ce dispositif et de priver plus de 20 millions d’Américains de couverture maladie à un moment où la pandémie de COVID-19 fait des ravages dans le pays.

Si la Cour accepte, comme le lui demande le gouvernement de Donald Trump, d’invalider totalement l’Affordable Care Act (ACA), cela retirerait également les protections accordées à plus de 100 millions de personnes souffrant d’affections chroniques.

Ces énormes enjeux ont donné lieu à de vifs échanges lors du processus de confirmation de la juge Amy Coney Barrett, que les sénateurs républicains ont mené au pas de course pour la faire entrer à la Cour suprême une semaine tout juste avant l’élection du 3 novembre.

« Pas hostile »

Le choix de cette magistrate conservatrice pour remplacer l’icône progressiste Ruth Bader Ginsburg décédée en septembre, a déclenché l’alarme à gauche : la juge Barrett a en effet critiqué dans le passé une décision de la Cour suprême qui, déjà saisie du dossier, avait validé avec une courte majorité la loi en 2012.

Elle veut « s’en débarrasser », a assuré pendant la campagne le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden, dont la victoire a été annoncée samedi.  

Désormais président désigné, M. Biden a prévu de s’exprimer sur le sujet en début d’après-midi mardi, depuis son fief de Wilmington dans le Delaware.

« Je ne suis pas hostile » à cette réforme, ni « en mission pour la détruire », s’était défendue la magistrate lors de son audition au Sénat.

Pas convaincus les élus démocrates de la commission judiciaire du Sénat avaient boycotté un premier vote sur sa candidature. Sur leurs sièges vides, ils avaient posé d’immenses photographies de bénéficiaires de la loi.

Devant la Cour suprême, le ton sera plus posé, d’autant que, pandémie oblige, l’audience aura lieu par téléphone.

Cuisant revers

Dans sa forme originelle, la loi obligeait tous les Américains, même ceux en bonne santé, à souscrire une assurance sous peine de pénalités financières et contraignait les compagnies à assurer tous les clients potentiels, quel que soit leur état de santé.

Cette réforme a amélioré la couverture de millions d’Américains dans un pays où le coût des prestations médicales est extrêmement élevé. Mais les républicains ont vu dès le début l’obligation d’assurance comme un abus de pouvoir du gouvernement.  

Dès son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a tenté d’abroger la loi mais il a essuyé un revers cuisant en 2017 au Congrès.

Les élus républicains sont toutefois parvenus à l’amender, supprimant en 2017 les pénalités financières découlant de l’absence d’assurance.

Or, la Cour suprême avait validé la loi en 2012 en estimant que ces amendes pouvaient être considérées comme des impôts et justifiaient l’intervention de l’État.

Plusieurs États républicains ont alors introduit de nouveaux recours en justice, plaidant que la loi ne tenait plus.  

« Scalpel »

En décembre 2018, un juge fédéral conservateur du Texas leur a donné raison. Le magistrat, Reed O’Connor, a estimé que « la clé de voûte » de l’édifice étant tombée, toute la loi était inconstitutionnelle.

Sa décision, suspendue le temps des recours, a été partiellement validée en décembre 2019 : une cour d’appel fédérale a jugé que l’obligation de s’assurer était illégale, mais a laissé à un autre tribunal le soin de juger si la loi était intégralement nulle.

Les démocrates ont alors demandé à la Cour suprême d’intervenir pour empêcher que la loi s’écroule.

La haute juridiction doit donc essentiellement répondre à cette question : la loi peut-elle tenir sans ce volet ?

Le gouvernement Trump plaide que non. Mais la Cour a invalidé en juin une autre — petite - portion du texte sans le faire tomber. Il vaut mieux « utiliser un scalpel qu’un bulldozer pour soigner le défaut constitutionnel identifié », avait justifié le chef de la Cour John Roberts.