(Washington) Le suspense a officiellement pris fin après quatre jours d’attente aux États-Unis. Le démocrate Joe Biden deviendra le 46e président américain, l’emportant contre le républicain Donald Trump, qui se voit refuser un second mandat, en dépit de ses nombreux cris à la fraude.

C’est la Pennsylvanie qui a finalement donné la présidence au Parti démocrate, alors qu’il avait déjà obtenu la majorité à la Chambre des représentants. La course au Sénat, elle demeure toujours très serrée, chaque camp en étant toujours à 48 sièges. Un peu après midi, le démocrate a également remporté l’État du Nevada et ses six grands électeurs, portant son total provisoire à 290. Donald Trump, lui, recueillait toujours 214 grands électeurs, au moment de publier. Au suffrage universel, plus de 4 millions de votes séparent jusqu’ici les deux hommes.

Alors que des milliers de personnes se rassemblaient dans plusieurs villes des États-Unis pour célébrer son élection, M. Biden a promis samedi d’être « le président de tous les Américains ». « Je suis honoré et empli d’humilité par la confiance que les Américains m’ont fait ainsi qu’à la vice-présidente élue » Kamala Harris, a déclaré le président désigné dans un communiqué.

Avec la campagne terminée, il est temps de laisser derrière nous la colère et la rhétorique enflammée et nous rassembler en tant que nation.

Joe Biden, président désigné des États-Unis

Kamala Harris entrera de son côté dans l’histoire, en devenant la première femme élue vice-présidente aux États-Unis et la première personne noire qui occupera ce poste.

Presqu’immédiatement, la campagne de Donald Trump a accusé Joe Biden de se « précipiter pour se présenter faussement » en vainqueur de la présidentielle américaine malgré l’annonce de sa victoire par les grands médias américains, assurant que l’élection était « loin d’être terminée ».

« Nous savons tous pourquoi Joe Biden se précipite pour se présenter faussement en vainqueur et pourquoi ses alliés dans les médias tentent avec autant d’efforts de l’aider : ils ne veulent pas que la vérité éclate », a écrit le président américain sortant dans un communiqué. « Le constat simple est que cette élection est loin d’être terminée », a-t-il martelé, en ajoutant qu’il ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que « le peuple américain ait le comptage honnête qu’il mérite ».

M. Trump, qui se trouvait sur un terrain de golf en Virginie au moment de l’annonce des résultats, a également promis que dès lundi, son équipe poursuivra son travail devant les tribunaux pour s’assurer que le « gagnant légitime » soit connu. Plusieurs messages ont ensuite été publiés dans l’après-midi par la campagne du républicain, en invitant les électeurs à signaler les fraudes dont ils ont été témoins.

Les démocrates « se sont conduits d’une manière qui suggère des fraudes », a ajouté, tout aussi imprécis, son avocat Rudy Giuliani lors d’une conférence de presse à Philadelphie, parlant de bulletins au nom de personnes décédées, et de « manipulations ».

Ailleurs, ses alliés ont mentionné des « pancartes obstruant la vue » des observateurs du dépouillement, des bulletins post-datés ou le vote d’électeurs non résidant dans leur circonscription, sans fournir d’éléments pour étayer leurs accusations.

De grands défis à venir, dit Obama

Sur les réseaux sociaux, le 44e président des États-Unis Barack Obama s’est dit « fier » de « féliciter notre prochain président » et « notre prochaine première dame, Jill Biden ». Il en a aussi profité pour saluer l’élection de Kamala Harris en tant que vice-présidente des États-Unis.

« Nous avons de la chance que Joe ait ce qu’il faut pour être président. Lorsqu’il entrera à la Maison-Blanche en janvier, il sera confronté à une série de défis extraordinaires qu’aucun nouveau président n’a jamais connus : une pandémie qui fait rage, une économie et un système judiciaire inégalitaires, une démocratie en danger et un climat en péril », a ajouté Barack Obama, en reconnaissant que « les résultats des élections à tous les niveaux montrent que le pays reste profondément et amèrement divisé ».

Ce ne sera pas seulement à Joe et Kamala, mais à chacun de nous, de faire notre part — d’aller au-delà de notre zone de confort, d’écouter les autres.

Barack Obama, 44e président des États-Unis

Dans une déclaration, celle qui avait perdu en 2016 contre Donald Trump, Hillary Clinton, n’a pas mâché ses mots. « C’est une équipe historique, une répudiation de Trump, et une nouvelle page pour l’Amérique. Merci à tous ceux qui ont aidé à le réaliser. En avant, ensemble », a-t-elle écrit.

L’ex-président Jimmy Carter a salué une « campagne bien menée » par les démocrates, en disant attendre « avec impatience de voir les changements positifs qu’ils apporteront à notre nation ». « Après 230 ans, vous avez brisé deux plafonds. Un succès vraiment historique », a quant à lui commenté le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, en s’adressant à Kamala Harris.

Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a aussi félicité le nouveau président, en milieu d’après-midi. « Je connais M. Biden comme un fervent partisan de l’OTAN et des relations transatlantiques », a-t-il dit, en ajoutant que « le leadership américain est plus important que jamais dans un monde imprévisible ». Parmi les nombreux défis à venir, M. Stoltenberg a cité le terrorisme international ainsi qu’un « changement de l’équilibre mondial des pouvoirs avec la montée de la Chine ».

Le « blue shift » se concrétise

Après un bon départ mardi soir, Donald Trump a vu l’aiguille pencher de plus en plus en faveur de son opposant démocrate dans les derniers jours.

Les yeux étaient rivés depuis mercredi, à l’aube, sur la Pennsylvanie (20 votes), la Géorgie (16 votes), l’Arizona (11 votes) et le Nevada (6 votes). Au fur et à mesure que le dépouillement s’y poursuivait, le vent avait tourné en faveur de Joe Biden, surtout en raison du vote postal. Celui-ci a été beaucoup plus privilégié par les démocrates, en pleine pandémie de COVID-19.

Le candidat défait, ses fils, ainsi que ses fidèles du camp républicain (Lindsey Graham, Ted Cruz, Kevin McCarthy, Newt Gingrich) ont pour leur part continué à discréditer le processus électoral au cours de la journée de vendredi, dans une avalanche commune de tweets.

« Où sont les bulletins de vote militaires manquants en Géorgie ? Que leur est-il arrivé ? », avait tonné plus tôt Donald Trump. « Avec ces attaques par les démocrates de gauche radicale sur le Sénat républicain, la présidence devient encore plus importante ! », a-t-il aussi lancé.

PHOTO MANDEL NGAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump

Au lendemain d’un discours ponctué d’allégations non fondées à la Maison-Blanche, M. Trump continuait de perdre des alliés au sein de son parti. Le sénateur Mitt Romney, candidat à la présidence en 2012, est venu gonfler ces rangs. « Le président est dans son droit de réclamer des recomptages et des enquêtes sur des allégations d’irrégularités dans le vote là où il y a des preuves en ce sens […] », a-t-il noté dans un communiqué publié sur son compte Twitter.

PHOTO RICK BOWMER, ASSOCIATED PRESS

Mitt Romney

Il a tort de dire que l’élection était truquée, corrompue et volée — faire cela porte atteinte à la liberté ici et à travers le monde, affaiblit les institutions à la base de la République, et attise imprudemment des passions destructrices et dangereuses.

Mitt Romney, sénateur républicain

En milieu d’après-midi samedi, Mitt Romney a d’ailleurs été le premier républicain à féliciter Joe Biden sur Twitter. « Ann et moi félicitons le président désigné Joe Biden and la vice-présidente désignée Kamala Harris, des gens de bonne volonté au caractère admirable. »

Les services secrets, qui sont chargés de la protection des personnalités importantes, ont renforcé dès vendredi les effectifs d’agents autour de Joe Biden dans son fief du Delaware, avait également rapporté plus tôt le Washington Post.

La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est aussi réjouie de la victoire de Biden et a félicité Kamala Harris qui « marque l’histoire. » « C’est un moment de guérison et le temps de grandir ensemble », écrit-elle via Twitter, en ajoutant que les 75 millions de personnes qui ont voté pour Joe Biden donnent aux démocrates « un mandat pour agir ». Vendredi, Mme Pelosi avait jugé évident que le démocrate allait « gagner la Maison-Blanche », le qualifiant carrément de président désigné.

Une course à finir au Sénat

Vendredi après-midi, le Parti démocrate et le Parti républicain avaient tous deux obtenu 48 sièges au Sénat, la majorité étant à 51. Si chacun des partis décroche 50 sièges, le vote prépondérant appartiendra au vice-président du parti qui contrôle la Maison-Blanche.

La composition définitive du Sénat sera décidée en Géorgie, les deux sièges qui étaient en jeu dans l’État n’ayant pour le moment pas fait de vainqueur. Pourquoi ? Parce que dans cet État, il faut obtenir 50 % plus 1 voix pour l’emporter. Si aucun candidat ne décroche une majorité simple, un deuxième tour a lieu à l’hiver.

Dans l’un des deux cas, il est acquis qu’il faudra patienter jusqu’au 5 janvier pour savoir qui, du démocrate Raphael Warnock ou de la républicaine Kelly Loeffler, prendra le chemin de Washington. Dans l’autre lutte, avec 49,8 % des voix, le sénateur républicain sortant David Perdue devançait son rival démocrate Jon Ossoff (47,8 %) mais il n’atteint pas le seuil requis.

PHOTO DUSTIN CHAMBERS, REUTERS

Jon Ossoff

Notons que l’ex-astronaute Mark Kelly a remporté sa course vendredi contre Martha McSally en Arizona, ce qui fait de lui le 48e démocrate contre 47 sénateurs républicains pour l’instant. Mark Kelly est le mari de la républicaine Gabby Giffords, qui milite en faveur du contrôle des armes depuis qu’elle a été atteinte à la tête en 2011 lors d’une fusillade.

Les grandes villes, clés de la victoire

Ce sont les grandes villes de Pittsburgh et de Philadelphie, où les démocrates ont largement voté pour lui et par la poste, qui ont permis à Joe Biden de combler l’écart qui le séparait de Donald Trump et de prendre la tête en Pennsylvanie vers 9 h vendredi matin.

En Géorgie, c’est aussi la grande ville, Atlanta, qui a donné des ailes au candidat démocrate. Le secrétaire d’État de la Géorgie, Brad Raffensperger, a annoncé qu’il y aura un recomptage étant donné que l’écart entre les deux candidats à la présidence est de moins de 0,5 %.

À l’inverse de la Pennsylvanie et de la Géorgie, Donald Trump a bénéficié de la prolongation du dépouillement en Arizona. Dans cet État, il était en train de rattraper Joe Biden, risquant de faire perdre au démocrate les 11 grands électeurs que l’agence Associated Press et Fox News lui avaient attribués dès la nuit électorale, sur la base de résultats partiels et de modèles statistiques, une méthode habituellement sûre.

– Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press