(New York) Le mouvement autour de Donald Trump s’est révélé, lors du scrutin présidentiel américain, plus large, mais aussi plus solide que prévu, et devrait survivre à l’élection, quel qu’en soit le résultat.

« Le mouvement Trump est bien réel. Et il va durer », a résumé Sophia Nelson, éditorialiste sur la chaîne CNN.

Alors que son électorat a régulièrement été réduit à une frange, celle d’une Amérique blanche plutôt âgée et rurale, Donald Trump va, au minimum, réunir le troisième total de voix de l’histoire du scrutin présidentiel américain, derrière Joe Biden et Barack Obama (2008).

S’il reste largement minoritaire chez les Hispaniques, par exemple, il les a suffisamment mobilisés en Floride pour emporter, assez nettement, cet État-clé, mardi.

« Avant l’élection, beaucoup de spécialistes nous expliquaient que Trump ne ramenait pas assez d’électeurs supplémentaires dans son camp », a relevé mercredi Abraham Gutman, éditorialiste du Philadelphia Inquirer.

Or, il en aura, a minima, gagné 4 millions en net par rapport à 2016.

« Quel que soit le résultat », a-t-il ajouté, « les médias vont devoir se demander sérieusement comment, malgré toute l’encre versée sur les électeurs de Trump, l’histoire de la croissance du mouvement leur a complètement échappé. »

Les dizaines de réunions publiques de Donald Trump ces derniers mois, accueilli systématiquement par des foules conséquentes, les processions de camions, de bateaux ou de motos en soutien au candidat républicain, étaient déjà un indice fort.

« Ses supporteurs l’adorent, parce qu’il met l’Amérique et les Américains avant tout le reste », s’enthousiasme Jim Worthington, fondateur de l’association People4Trump, à Newtown en Pennsylvanie.

« Ils ont conscience qu’il se bat pour eux », dit ce propriétaire de deux salles de sport, qui voit là la raison de l’élargissement de son électorat.

Candidat en 2024 ?

Sa gestion controversée de la pandémie, sa politique migratoire dure et ses déclarations outrancières n’y ont rien fait, l’ancien promoteur immobilier continue à mobiliser à droite comme aucun républicain depuis Ronald Reagan.

Ses partisans « ont une vraie affection pour lui, malgré tous ses défauts, ou peut-être à cause d’eux », avance John Feehery, associé du cabinet EFB Advocacy qui a collaboré avec plusieurs élus républicains.

« C’est étrange », dit-il. « Je pense que c’est parce qu’il est vraiment authentique. Il dit ce qu’il pense et les gens aiment ça. »

À cela s’ajoute « un désir de nationalisme », qui dépasse le milliardaire républicain et traverse de nombreux pays, analyse M. Feehery. Au point que « si Trump n’avait pas existé, on l’aurait inventé », ajoute-t-il.  

Si Donald Trump emporte l’élection, la question de son avenir et de son héritage politique ne se posera pas avant plusieurs années.

Mais s’il perd, « je ne pense pas que le mouvement disparaîtra », anticipe Jim Worthingon. « Nous allons nous rassembler et il décidera de la marche que nous devons suivre. »

Quant à son influence sur le parti républicain, qui s’est massivement rangé derrière lui depuis quatre ans, une défaite électorale ne l’amoindrirait pas significativement, pour beaucoup.

Même avec une possible courte défaite à la présidentielle, le Sénat potentiellement sauvé, pas de débâcle spectaculaire à la Chambre, « les choses se sont bien passées » pour le parti républicain, estime Daniel Schlozman, professeur de sciences politiques à l’université Johns Hopkins.

« C’est le genre de circonstances qui fait qu’un parti sera plus enclin à rester sur la même trajectoire que de faire quelque chose de complètement différent », dit-il.

« Il va probablement continuer à jouer un rôle majeur dans la vie politique américaine durant les quatre prochaines années au moins », abonde David Hopkins, professeur de sciences politiques au Boston College.

« Je ne serais pas surpris s’il se présentait de nouveau », lance John Feehery.

« Je pense qu’il aurait énormément de soutien », prévoit déjà Jim Worthington qui relève que Donald Trump aurait alors « le même âge que Joe Biden ».

Quant à une possible relève, Jim Worthington, et d’autres, voient en sa fille Ivanka, et non son fils Don Jr, « l’héritière ». « C’est quelqu’un de très impressionnant », affirme celui qui a côtoyé la fille de Donald Trump au sein du Conseil du Sport, de l’activité physique et de la nutrition, qui dépend directement du président.  

Mais, prévient David Hopkins, « une bonne partie du pouvoir d’attraction de Trump, c’est sa personnalité, donc cela ne se transmettra peut-être pas à quelqu’un d’autre que lui après son départ ».