(New York) Ne pas considérer une défaite de Donald Trump comme acquise et voter massivement pour assurer une « large victoire » à Joe Biden : les New-Yorkais, très majoritairement démocrates, se pressaient samedi à leur tour pour voter par anticipation à la présidentielle.

Une queue s’étirait sur plusieurs pâtés de maison samedi matin — premier jour d’ouverture du vote anticipé dans l’État de New York — devant le bureau de vote exceptionnellement aménagé cette année dans le hall de Madison Square Garden à Manhattan : depuis mars, cette mythique salle de concerts et d’évènements sportifs est réduite au silence pour cause de pandémie, mais les joueurs de NBA ont obtenu en août, suite aux manifestations contre les inégalités raciales, de transformer plusieurs grandes salles de basket en bureaux de vote.

Dans cette métropole durement frappée par la pandémie au printemps, mais qui résiste pour l’instant à un retour en force du virus, les électeurs, dûment masqués, parfois gantés, semblaient prêts à attendre dans le calme, plusieurs heures durant, avant de pouvoir franchir les portiques détecteurs de métaux menant au bureau de vote.

« Il s’est passé tellement de choses, c’est un privilège de faire une queue comme ça », dit Jerad Ashby qui, comme toutes les personnes interrogées par l’AFP, soutient l’ex-vice-président Joe Biden. « Il faut (élire) quelqu’un de convenable, qui représentera tout le monde et pas seulement ceux qui sont d’accord avec lui ».  

Pour ce père de famille de 38 ans, même si l’État de New York vote systématiquement démocrate et ne fait pas partie des États-clé qui peuvent faire basculer l’élection le 3 novembre, voter massivement est important, car « il faut non seulement gagner, mais gagner vraiment largement ».

Kenneth Scarlett, qui travaille dans le marketing, estime lui aussi qu’État-clé ou pas, « le pays doit savoir comment tous ses citoyens se positionnent. Je veux que Trump soit répudié le plus nettement possible ».

Les médias new-yorkais faisaient état de longues queues devant les plus de 80 bureaux de vote ouverts pour ce vote anticipé, qui durera jusqu’au 1er novembre. Pour beaucoup d’habitants de cette ville symbole d’immigration et de diversité, il en allait de l’avenir même de la démocratie américaine.

« On est dans une crise démocratique aux États-Unis, il faut voter », a notamment déclaré, en français, l’acteur franco-américain Timothée Chalamet, 24 ans, après avoir voté. « Il y a un seul candidat qui soutient la démocratie, pas deux », a-t-il ajouté en référence à Joe Biden.  

« Chassez Trump ! »

« En 2016, trop de gens ont été complaisants et ne sont pas allés voter. On ne peut pas laisser ça se reproduire. Il faut que tout le monde sorte, » soulignait aussi Lisa, cinquantenaire travaillant dans la finance, en attendant patiemment sur le trottoir.  

Elle qui s’était toujours considérée comme une électrice indépendante, une « centriste » votant tantôt républicain, tantôt démocrate, estime qu’être républicain, c’est désormais soutenir un parti devenu l’incarnation du « mal ».

Pour elle qui paie déjà « beaucoup d’impôts », une victoire démocrate pourrait se traduire par des impôts encore plus élevés.  

Mais « je préfère le coûteux au maléfique », dit-elle.

Comme d’autres, elle craint des violences après l’élection, quel que soit le résultat.  

La police new-yorkaise se prépare depuis plusieurs semaines à des manifestations qui pourraient dégénérer.  Même pour le vote anticipé, elle a déployé des agents dans tous les bureaux.

La mairie démocrate a aussi annoncé le recrutement d’« observateurs bénévoles » pour éviter toute « intimidation » des électeurs.  

À défaut de pro-Trump, c’est à un petit groupe de militants de gauche venus « encourager » les électeurs que des policiers ont demandé samedi de se tenir à distance de la file. Et d’éviter notamment, comme l’a fait à un moment l’un d’eux, de crier « Chassez Trump ! »

Et si le milliardaire new-yorkais, malgré le rejet de sa ville natale, était réélu malgré tout ?

Pour Laura Gillis, 65 ans, ce serait la preuve que le système électoral américain de désignation du président par des grands électeurs « doit changer », au profit d’un vote populaire direct.  

Mais pour Kenneth Scarlett, « il ne faudrait pas désespérer : il faudrait chercher pourquoi, et travailler plus dur encore pour que les citoyens soient plus nombreux à voir les choses comme nous les voyons ».