(New York) Lors d’un dernier présidentiel plus courtois et substantiel que le premier, Donald Trump et Joe Biden ont présenté aux Américains des visions très contrastées sur les enjeux les plus importants de l’élection présidentielle de 2020, y compris la pandémie de coronavirus, la santé, l’immigration, l’économie et la question raciale.

Malgré une performance plus conventionnelle et disciplinée, le président n’a pas hésité à entraîner son rival dans un débat acerbe sur les affaires de sa famille, l’accusant d’avoir lui-même empoché des millions de dollars en Russie et en Chine.

À 12 jours du scrutin présidentiel, les deux candidats n’ont probablement pas commis de gaffes majeures ou réussi à déstabiliser leur rival au point de changer de façon marquée une campagne qui a déjà vu plus de 47 millions d’Américains exercer leur droit de vote.

D’entrée de jeu, Donald Trump et Joe Biden ont vite signalé leurs différends sur la question du coronavirus, le premier répétant que l’épidémie « s’en va » et le second prédisant un « sombre hiver » si le gouvernement fédéral ne s’y attaque pas de front.

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L'ex-vice-président américain, Joe Biden

« Les gens ne peuvent pas se permettre de se cacher dans leur sous-sol comme le fait Joe Biden », a déclaré le président en soutenant que les Américains devaient « apprendre à vivre avec » l’épidémie.

« Apprendre à vivre avec ce virus ? », a interjeté le candidat démocrate. « On meurt de ce virus. »

« Quiconque est responsable d’autant de morts ne devrait pas demeurer président », a-t-il dit.

Donald Trump a semblé prendre son rival par surprise en déclarant qu’il assumait « la pleine responsabilité » de la réponse américaine à la pandémie. Mais il a aussitôt ajouté : « C’est la faute de la Chine. »

Le président a accusé Joe Biden et les membres de sa famille, dont son fils Hunter, de corruption dans un segment du débat qui devait porter sur la sécurité nationale. Il a repris des allégations non vérifiées que font circuler certains de ses alliés, dont Rudolph Giuliani, et des médias conservateurs.

« Joe a reçu 3,5 millions de la Russie, et cela vient de Poutine, car il a été en très bons termes avec l’ancien maire de Moscou », a-t-il déclaré de façon confuse avant d’accuser son rival d’avoir également récolté des sommes importantes en Chine.

L’ancien vice-président a nié avoir reçu « un seul sou » d’un pays étranger et fait état des révélations récentes du New York Times selon lesquelles le président a un compte bancaire en Chine où il a versé plus d’argent en impôts qu’il n’en a payé au fisc américain.

« J’ai rendu publiques mes déclarations d’impôts des 22 dernières années », a déclaré Joe Biden. « Vous n’avez pas rendu publique une seule année de vos déclarations d’impôts. Que cachez-vous ? »

Donald Trump a répondu que ses déclarations d’impôts faisaient l’objet d’un audit, ce qui ne devrait pourtant pas l’empêcher de les rendre publiques.

Dans la partie du débat réservée à la santé, Joe Biden a introduit une nouvelle expression pour parler de son programme : « Bidencare ». Il s’agit d’un programme qui grefferait à l’Obamacare une « option publique » permettant aux Américains de souscrire au programme d’assurance maladie publique Medicare.

Donald Trump a qualifié ce plan de « socialiste » et accusé son rival de vouloir éliminer l’assurance privée dans le domaine de la santé.

« J’aimerais mettre fin à l’Obamacare et présenter un plan tout nouveau et merveilleux », a déclaré le président sans donner de détails.

Joe Biden, tout en reprochant au président de n’avoir aucun plan véritable, a nié vouloir mettre fin à l’assurance maladie privée.

« C’est un gars confus. Il ne sait pas contre qui il se présente. Il se présente contre Joe Biden », a dit le candidat démocrate en rappelant qu’il avait battu des adversaires comme Bernie Sanders en s’opposant à l’instauration d’un système de santé à payeur unique.

La journaliste de NBC Kristen Welker, modératrice du débat, a réussi à s’imposer devant les deux candidats, contrairement à Chris Wallace, modérateur du premier affrontement. Elle a notamment profité d’une nouvelle règle instaurée par la commission chargée d’organiser les débats. Les candidats avaient deux minutes pour répondre aux questions de Welker au début de chaque segment, et pendant ce temps de parole, le micro de celui censé écouter était coupé.

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La journaliste de NBC Kristen Welker, modératrice du débat

La question de l’immigration a suscité quelques-unes des réponses les plus frappantes. Donald Trump a notamment défendu la politique de séparation des familles migrantes à la frontière sud mise en vigueur en 2018 et abandonnée après un tollé international.

« Ils sont si bien soignés. Ils sont dans des installations si propres », a déclaré le président en faisant allusion aux enfants séparés par leurs parents.

Il a également fait porter sur les « coyotes » (passeurs) la responsabilité de leur situation.

« C’est criminel », a déclaré Joe Biden en parlant de 545 enfants qui avaient été séparés de leurs parents en 2017 et qui n’ont toujours pas été réunis avec eux.

Si Donald Trump a été mis sur la défensive sur l’immigration, il a renversé les rôles sur la question raciale, rappelant le rôle de Joe Biden dans l’adoption de la loi de 1994 sur la criminalité qui a contribué à l’incarcération massive des Noirs.

« Regardez la loi sur la criminalité, en 1994 », a déclaré le président en accusant faussement son rival d’avoir traité les jeunes Afro-Américains de « superprédateurs ». « Et ils n’ont jamais oublié ça. »

Le président a répété qu’aucun autre président depuis Abraham Lincoln n’en avait plus fait pour la communauté noire que lui. « Je suis la personne la moins raciste dans cette salle », a-t-il précisé.

Joe Biden a répliqué en rappelant notamment la campagne de son rival pour restaurer la peine de mort dans l’État de New York après l’inculpation en 1989 de cinq adolescents de couleur pour l’attaque brutale contre une joggeuse blanche dans Central Park. Les Cinq de Central Park ont plus tard été disculpés.

Sur le climat, le président a par ailleurs arraché à Joe Biden une déclaration qui pourrait revenir le hanter au Texas, où il fonde des espoirs.

« Voulez-vous fermer l’industrie pétrolière ? », a demandé Donald Trump à son rival.

« Je commencerais la transition de l’industrie pétrolière, oui », a répondu Joe Biden.

« C’est une déclaration importante », a dit le président en évoquant le Texas.

« C’est une déclaration importante », a dit le candidat démocrate.