(New York) Ce n’était peut-être qu’une question de temps, au fond. Plus l’échéance électorale du 3 novembre approchait, plus l’avance de Joe Biden se consolidait, plus le comportement de Donald Trump devenait téméraire face à l’épidémie de coronavirus faisant rage aux États-Unis.

Résultat : moins de 24 heures après avoir été déclaré positif à la COVID-19, le président américain a été hospitalisé en banlieue de Washington pour une période indéterminée. Portant un masque et levant le pouce en passant devant les photographes, il a quitté la Maison-Blanche à bord de l’hélicoptère Marine One en début de soirée.

Ses symptômes incluent la fièvre et la toux.

Par mesure d’extrême prudence, et sur recommandation de son médecin et d’experts médicaux, le président travaillera depuis les bureaux présidentiels à [l’hôpital] Walter Reed pour quelques jours.

Kayleigh McEnany, porte-parole de la Maison-Blanche

Après son départ de la Maison-Blanche, Donald Trump a diffusé sur son fil Twitter une vidéo où il a tenté de rassurer ses compatriotes.

« Je m’en vais à Walter Reed. Je me porte très bien, mais nous allons nous assurer que les choses se passent bien », a-t-il dit, le visage pâle, du bureau Ovale.

Le médecin de la Maison-Blanche, Sean Conley, ne s’est pas adressé aux médias en personne. Par voie de communiqué, il a indiqué qu’il avait injecté au président une dose d’un cocktail expérimental conçu par la société de biotechnologie Regeneron. Il s’agit d’anticorps de synthèse.

Tard vendredi soir, le Dr Conley a par ailleurs rapporté que le président américain se portait « très bien ». « Il n’a pas besoin d’oxygène supplémentaire, mais en consultation avec des spécialistes, nous avons choisi de commencer un traitement par remdésivir. Il a terminé sa première dose et se repose confortablement », a relaté le docteur dans un document officiel.

En théorie, le remdésivir est un médicament d’abord destiné à traiter des patients gravement atteints de la COVID-19. Il a notamment été autorisé par Santé Canada, en juillet dernier. Dans sa note, le Dr Conley ajoute aussi qu’il recommande « le déplacement du président jusqu’au centre militaire national Walter Reed pour une surveillance plus approfondie ».

Un peu avant minuit, le président Trump a de nouveau insisté sur le fait qu’il pensait « bien se porter » à l’heure actuelle. « Merci à vous tous. AMOUR », a-t-il écrit sur Twitter. Plus tôt en journée, le Dr Conley avait affirmé que le président « souffrait de fatigue, mais avait le moral », tout en précisant que Melania Trump, également déclarée positive, souffrait d’une « toux légère et de maux de tête ».

Trump « aux commandes »

Donald Trump conservera tous ses pouvoirs au cours de son séjour à l’hôpital, a assuré Alyssa Farah, directrice des communications de la Maison-Blanche.

PHOTO JOSHUA ROBERTS, REUTERS

L’hôpital militaire Walter Reed

« Le président est aux commandes », a-t-elle dit à NBC News.

Le vice-président Mike Pence se trouvait dans sa résidence officielle au moment du transfert du président à l’hôpital. Il avait été déclaré négatif à la COVID-19 plus tôt dans la journée.

« Il a mis des personnes en danger »

Le diagnostic de Donald Trump est intervenu à la fin d’une autre semaine où il avait ignoré à plusieurs reprises les directives des experts de son propre gouvernement concernant la COVID-19. Mercredi soir, par exemple, il a tenu un rassemblement au Minnesota où les membres de son entourage et ses partisans ne pratiquaient pas la distanciation physique et ne portaient pas de masque, sauf exception.

Le lendemain, après avoir été informé de l’infection de l’une de ses proches collaboratrices, Hope Hicks, il a quand même participé à une activité de collecte de fonds au New Jersey où une centaine de donateurs se sont retrouvés en sa présence sans savoir à quel risque ils s’exposaient.

Son diagnostic a suscité chez ses compatriotes des sentiments allant de la compassion à la consternation en passant par l’exaspération.

« C’est triste pour lui, c’est triste pour la Maison-Blanche et c’est triste pour le pays », a déclaré à La Presse Brian Strom, épidémiologiste et recteur de la faculté des sciences biomédicales et de la santé à l’Université Rutgers, au New Jersey.

« Mais c’était irresponsable de sa part de nier la science et de tenir des rassemblements. C’était aussi irresponsable de participer à cette activité au New Jersey après avoir été informé que Hope Hicks avait été déclarée positive. Il a mis des personnes en danger. Et il paie aujourd’hui le prix de son irresponsabilité. »

PHOTO ALEX BRANDON, AP

Hope Hicks

En début de journée, des collaborateurs du président ont tenté de minimiser la gravité de son état. Le chef de cabinet de la Maison-Blanche Mark Meadows a d’abord parlé de « légers symptômes », alors que le conseiller économique Lawrence Kudlow a plus tard évoqué un « cas très modéré » de COVID-19.

Au-delà de sa méfiance envers tout ce qui émane de la Maison-Blanche, le Dr Strom n’a rien trouvé de rassurant à ces propos.

PHOTO SAUL LOEB, AFP

Le président américain Donald Trump, atteint de la COVID-19, a assuré vendredi qu’il pensait aller « très bien », dans un court message vidéo.

« C’est seulement le début, a-t-il dit. Cette maladie tend à avoir deux phases. Les gens tombent malades, comme s’ils avaient un mauvais rhume, puis ils prennent du mieux. La deuxième phase frappe ensuite. Et il y a un sous-groupe de personnes qui se retrouvent à l’hôpital ou aux soins intensifs. »

Biden suspend ses pubs négatives

L’annonce du diagnostic de Donald Trump est le plus récent rebondissement à bouleverser la campagne présidentielle américaine. Il y a deux semaines, c’était la mort de la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg.

PHOTO BRENDAN MCDERMID, REUTERS

Le candidat démocrate à la Maison-Blanche, Joe Biden

Joe Biden a réagi à l’hospitalisation de son rival de 74 ans en retirant ses publicités négatives. Lui et sa femme avaient annoncé plus tôt dans la journée avoir été déclarés négatifs à la COVID-19.

« Je veux dire que Dieu vous bénisse, que Dieu protège la première famille et toutes les familles qui font face à ce virus. Et que Dieu protège nos troupes », a déclaré le candidat démocrate à la fin d’une intervention à Grand Rapids, au Michigan, où il a fait campagne.

Barack Obama a également transmis un message à son successeur.

« Bien que nous soyons au milieu d’un grand combat politique, et nous prenons cela très au sérieux, nous voulons aussi adresser nos meilleurs vœux au président des États-Unis [et à] la première dame », a déclaré le 44e président en s’exprimant aussi au nom de sa femme, Michelle.

Avant l’hospitalisation de Donald Trump, Justin Whiteley Holmes, politologue à l’Université du Nord d’Iowa, était enclin à croire que le diagnostic du président n’aurait pas un effet majeur sur l’issue de la course à la Maison-Blanche.

« C’est le scénario le plus probable », a-t-il indiqué à La Presse, tout en reconnaissant que la maladie du président susciterait un degré de sympathie au sein de la population. « Si vous suivez les sondages depuis le début de la course, ils ont été incroyablement stables, peu importent les évènements qui ont secoué la campagne. »

Mais l’hospitalisation d’un président sortant à 32 jours d’un scrutin se situe peut-être dans une catégorie à part.

— Avec la collaboration d’Henri Ouellette-Vézina