(Washington) Le président américain Donald Trump se recueille jeudi devant la dépouille de la juge progressiste de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, deux jours avant d’annoncer sa candidate pour la remplacer, en pleine bataille politique avec les démocrates.

La dépouille est exposée jeudi, pour la deuxième journée consécutive, à l’entrée du bâtiment néoclassique de la haute cour, sur le catafalque de l’ancien président Abraham Lincoln.

Un hommage national sera rendu vendredi au Capitole voisin, une semaine tout juste après le décès à 87 ans de cette icône féministe et progressiste, qui sera inhumée dans l’intimité la semaine prochaine.

Deux jours après s’être recueilli, le président républicain enclenchera la succession : il doit annoncer samedi à 17 h qui il souhaite nommer à ce poste influent. Cinq femmes, dont la magistrate Amy Coney Barrett, coqueluche des milieux religieux, et une juge conservatrice d’origine cubaine, Barbara Lagoa, ont été présélectionnées.

Le milliardaire républicain a engagé au pas de course le processus pour la remplacer et ancrer durablement la Cour suprême dans le conservatisme, ce qui pourrait profondément modifier la société américaine.  

À 40 jours de l’élection, les sénateurs républicains entendent se dépêcher pour confirmer le choix du président. Ils détiennent la majorité au Sénat, malgré la défection de deux élues qui refusent de se prononcer avant l’élection de novembre.

« Il faut que l’on aille vite »

Selon la petite-fille de « RBG », sa dernière volonté était de « ne pas être remplacée tant qu’un nouveau président n’aura pas prêté serment », en janvier 2021. Des déclarations mises en doute par Donald Trump cette semaine : « Je ne sais pas si elle (Ruth Bader Ginsburg) l’a dit », a-t-il avancé, ironisant sur le fait que cela ressemblait à un communiqué rédigé par la présidente démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi.

« Il faut que l’on aille vite », a encore plaidé M. Trump mercredi. « C’est très important que l’on ait neuf juges » le 3 novembre, a justifié le président qui anticipe des recours en justice contre les résultats du scrutin. Si les résultats étaient contestés, la Cour suprême pourrait être amenée à trancher comme elle l’avait fait lors de l’imbroglio de 2000, entérinant de fait la victoire du républicain George W. Bush.

En attendant le choix de la candidate et la bataille politique qui s’en suivra au Sénat, l’heure était au recueillement mercredi. Des milliers d’Américains ont défilé avec gravité devant la dépouille.

Le décès de la magistrate vendredi, à moins de deux mois de la présidentielle, est vécu comme une « tragédie » par Heather Vandergriff, venue exprès du Tennessee pour saluer une dernière fois cette « championne des droits des femmes ».

Mais cette quinquagénaire progressiste ne veut pas y penser. « Franchement, il faut déjà que j’affronte cette journée », dit-elle à l’AFP, alors que le cercueil de la juge, drapé dans une bannière américaine, fait son arrivée dans l’imposant bâtiment de marbre blanc.

Ruth Bader Ginsburg est morte des suites d’un cancer, après avoir siégé pendant 27 ans à la Cour suprême, où elle a défendu les droits des femmes, des homosexuels, des migrants, ou encore l’environnement.

Émotion et politique

Lors d’une cérémonie à l’intérieur de la haute Cour, son chef John Roberts a rendu un hommage appuyé à la défunte. « Parmi les mots qui décrivent le mieux Ruth : forte, courageuse, une battante, une gagnante », a-t-il dit, les yeux rouges.

À l’arrivée du cercueil, le murmure de la foule s’est éteint. Pas de bannières ni de mots d’ordre politique, le public a opté pour des vêtements sombres, ou des t-shirts à l’effigie de la juge, voire une couronne pour cette « reine ».

Virginia Blake-West, une sexagénaire new-yorkaise, a noué un drapeau américain sur sa tête, parce que la magistrate était selon elle « une patriote ».

Mais la politique affleurait vite dans cette foule, majoritairement féminine, acquise aux idées progressistes.  

« Je suis anxieuse pour la suite », confiait Samantha Jacobs, une enseignante de 26 ans. « J’espère que Joe Biden va gagner » le 3 novembre et que les démocrates pourront « atténuer » l’influence des conservateurs à la Cour suprême.  

« Les républicains tirent avantage de la situation »,  regrettait également Michelle Mouton, cadre dans la distribution. Ils avaient refusé de confirmer un juge choisi par Barack Obama en 2016, au motif que c’était une année électorale et « maintenant ils se précipitent. »