L’arrivée d’un allié de Donald Trump à la tête du Service postal américain, au cours de l'été, a fait chuter l’efficacité du système, mettant en jeu la valeur du vote par la poste pour l'élection présidentielle du 3 novembre.

Selon une compilation publiée lundi par le quotidien The Guardian, la livraison à temps du courrier prioritaire de l’United States Postal Service (USPS) est passée d’un taux d’efficacité de 91 % à la mi-juin à 81 % au mois d’août.

« Une chute si prononcée, si rapide, c’est sans précédent », explique en entrevue téléphonique Steve Hutkins, professeur à l’Université de New York et auteur du blogue Save the Post Office, qui suit les derniers développements liés à l'USPS.

La chute coïncide avec l’arrivée en poste, pendant l'été, de Louis DeJoy, donateur républicain choisi par Donald Trump pour diriger l’USPS. M. DeJoy avait tout de suite mis en place des politiques de réduction de coûts, ce qui avait provoqué les délais.

La rapidité de la détérioration du service ainsi que l’absence d’expérience de M. DeJoy avec l’USPS avaient fait dire à des critiques démocrates que l’allié de Donald Trump entendait nuire au service postal américain alors que des millions de votes par la poste sont attendus cette année en raison de la pandémie.

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Louis DeJoy

Devant le tollé, M. DeJoy avait promis de mettre fin aux réformes et de les reprendre après l'élection. Or, les plus récentes données, qui datent de la semaine du 5 septembre, montrent que moins de 89 % des lettres sont désormais livrées à temps.

« Le mal est fait »

M. Hutkins note que le dérèglement du service postal à quelques mois de l'élection présidentielle est inquiétant, même si la situation est moins grave qu’au milieu de l’été.

« Même le taux d’efficacité cible du service, soit 92 % du courrier livré à temps, n’est pas suffisant, dit-il. Pour un vote massif par la poste, il faudrait un taux d’efficacité de 99 %. Sinon, beaucoup trop de votes arriveraient en retard. »

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Pandémie oblige, environ 80 millions d’électeurs américains pourraient voter par la poste cet automne à l'élection présidentielle, selon les prédictions du New York Times.

Lundi, un juge fédéral de l’État de New York a ordonné aux dirigeants de l’USPS de s’acquitter de leurs responsabilités en donnant la priorité au traitement du courrier électoral, ajoutant que l’agence devait autoriser les heures supplémentaires à l’approche du vote du 3 novembre.

Le droit de vote est trop fondamental, a dit le juge, pour qu’on puisse laisser planer dans l’esprit des électeurs un doute que leur vote sera compté. Si la situation ne devait pas se redresser, le juge a dit qu’il était disposé à publier un ordre autorisant les travailleurs postaux à faire des livraisons supplémentaires et à travailler plus longtemps en octobre et au début du mois de novembre.

Pour Steve Hutkins, le ralentissement de la livraison du courrier a déjà eu un impact sur les électeurs américains.

L’impact psychologique est déjà là. Les gens ont maintenant peur de voter par la poste.

Steve Hutkins, professeur à l’Université de New York

Lorsqu’on ajoute les nombreux tweets du président prévenant les gens de la fraude électorale par la poste, le résultat est catastrophique, dit-il.

« La réputation du service postal a été endommagée d’une manière impossible à calculer. L’image de fiabilité du système vaut des milliards de dollars, et ce sera difficile de convaincre les gens qu’ils peuvent faire confiance au système postal. Une fois que votre réputation est entachée, le mal est fait. »

— Avec l’Associated Press

80 millions

Nombre d’électeurs américains qui pourraient voter par la poste cet automne, selon les prédictions du New York Times, ce qui serait le double des chiffres enregistrés en 2016.

0,00006 %

C’est le taux de fraude dans le vote par la poste aux États-Unis, selon une vaste étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Depuis 20 ans, plus de 250 millions de votes ont été exprimés par voie postale. Seulement 143 condamnations pour fraude ont découlé de ces suffrages.