Les incendies meurtriers sans précédent qui ravagent la côte ouest américaine font un nombre grandissant de victimes, paralysent des grandes villes comme San Francisco et emboucanent le Canada jusqu’au lac Huron. Pendant ce temps, les responsables des États ravagés accusent Donald Trump de nier le rôle des changements climatiques, alors qu’il doit se rendre en Californie ce lundi. Survol d’une catastrophe.

« On ne sait pas ce qui nous attend. La saison des feux a commencé un mois plus tôt cette année. Et ce qui n’est pas rassurant, c’est qu’on n’a pas encore atteint la haute saison des feux et que les pluies n’arrivent généralement pas avant le mois de novembre. Les gens sont surpris, mais surtout inquiets », raconte Jonathan Lavoie-Lévesque, un Québécois expatrié en Californie depuis cinq ans, joint par La Presse dimanche soir.

PHOTO ALEXANDRE CHAMPAGNE

Jonathan Lavoie-Lévesque

« Mercredi, c’était insensé. Je me suis réveillé, c’était sombre et je ne savais plus si on était le jour ou la nuit. Mais j’ai réalisé qu’on était bien le matin et que la fumée avait envahi San Francisco. C’est devenu de plus en plus sombre, et le ciel est devenu rouge. J’avais l’impression d’être sur une autre planète », raconte le Québécois depuis son appartement de Haight-Ashbury, au cœur de San Francisco, d’où il a pris la photo du ciel rouge vif.

PHOTO FOURNIE PAR JONATHAN LAVOIE-LÉVESQUE

Le ciel de San Francisco, mercredi dernier, capté depuis l’appartement de l’expatrié québécois Jonathan Lavoie-Lévesque, à Haight-Ashbury

Ce ciel aux allures apocalyptiques n’a duré qu’une journée, mercredi dernier. Mais, depuis des semaines, San Francisco est couvert d’une fumée aux apparences de smog provoquée par des dizaines d’incendies de forêt qui brûlent à travers la Californie et les États-Unis, la plupart allumés par la foudre. La mauvaise qualité de l’air commence à poser des problèmes de santé publique. Les villes de Portland, Seattle et San Francisco figuraient parmi celles ayant le taux de pollution le plus élevé du monde, dimanche, selon le classement de la société IQAir.

« Pour donner une idée, j’ai laissé ma fenêtre entrouverte, et la plante à côté de mon ordinateur est couverte de cendres », témoigne l’expatrié, qui a cessé le sport extérieur depuis deux semaines. « Disons que la pandémie avait déjà pal mal limité notre capacité à faire des activités. Il y a une espèce de résignation présentement ici. Au moins, c’est juste la fumée… »

Un bilan sans précédent

Les incendies de forêt qui dévastent l’Ouest américain, de la frontière du Canada à celle du Mexique, ont fait 35 morts cet été, dont 27 la semaine dernière seulement. Des dizaines de personnes étaient toujours portées disparues, dimanche.

Plus de 1,2 million d’hectares – l’équivalent de 27 fois la superficie de l’île de Montréal – sont déjà partis en fumée cette année en Californie, un record. Avec l’État de Washington et l’Oregon, le total dépasse 2 millions d’hectares brûlés. Plus de 20 000 pompiers combattent depuis des jours les incendies de forêt d’un bout à l’autre de la côte ouest américaine.

PHOTO PATRICK T. FALLON, REUTERS

Plus de 1,2 million d’hectares – l’équivalent de 27 fois la superficie de l’île de Montréal – sont déjà partis en fumée cette année en Californie, un record.

Vendredi, plus d’un demi-million de personnes ont été soumises à un ordre d’évacuation dans l’Oregon, où 10 morts ont été recensés par les secours. Mais les autorités se préparent à un bilan bien pire quand les secours pourront retourner dans des zones encore inaccessibles. Plus de 400 000 hectares ont été parcourus par les flammes, soit le double de ce qui y brûle normalement chaque année, a souligné la gouverneure de l’Oregon, Kate Brown, sur CBS dimanche.

« Cela doit nous faire prendre conscience, à tous, que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre les changements climatiques », a-t-elle déclaré.

Donald Trump en Californie

Pour les autorités locales comme pour de nombreux experts, l’ampleur de ces incendies est indubitablement liée au réchauffement de la planète, qui aggrave une sécheresse chronique et provoque des conditions météorologiques extrêmes.

Donald Trump, qui est attendu en Californie ce lundi pour rencontrer les responsables des services d’urgence, blâme de son côté la gestion des forêts dans ces États contrôlés par ses adversaires démocrates.

« La question, c’est la gestion forestière », a-t-il lancé lors d’une réunion de campagne dans le Nevada, samedi soir, sans jamais mentionner les changements climatiques. « Rappelez-vous ces mots : gestion forestière. »

Dimanche matin sur CNN, le maire de Los Angeles, Eric Garcetti, a accusé le gouvernement Trump de se mettre « la tête dans le sable » en ce qui concerne la question environnementale : « Il ne s’agit pas de gestion forestière ou de ratissage. Tous ceux qui vivent en Californie se sentent insultés par cette affirmation », a-t-il dit, appuyé plus tard en journée par Jay Inslee, gouverneur de l’État de Washington.

Samedi, Joe Biden, l’adversaire démocrate de Donald Trump pour la présidentielle de novembre, était lui aussi monté au créneau. « Le président Trump peut chercher à nier la réalité, mais les faits sont indéniables », a-t-il déclaré dans un communiqué.

La fumée voile le ciel canadien

Dimanche, la fumée des incendies de forêt couvrait une importante partie du ciel américain et traversait au-delà de la frontière jusqu’au lac Ontario, à l’est. À l’ouest, l’Alberta et la Colombie-Britannique étaient presque entièrement recouvertes d’un nuage de fumée.

« La fumée produite par les feux dans le nord-ouest des États-Unis a envahi la vallée hier et est censée demeurer pour les deux ou trois prochains jours. La visibilité est minimale et l’odeur de la fumée est loin d’être plaisante », a décrit par courriel à La Presse Marc-André Beaucher, qui habite à Wynndel, dans le sud-est de la Colombie-Britannique.

François Sauvé demeure à Squamish, une petite communauté située à mi-chemin entre Vancouver et Whistler.

« Tout comme à Vancouver, la qualité de l’air est déplorable et les conditions risquent d’empirer dans les prochains jours, a écrit M. Sauvé. Je suis présentement dans l’Okanagan pour quelques jours. La fumée vient tout juste d’envahir la région d’une épaisse fumée. En ce moment, les vents provenant du sud dans cette région sont dominants et soufflent tout ce qui provient des incendies de Washington et de l’Oregon. »

Dimanche soir, des avertissements de vents violents s’étendant du sud de l’Oregon jusqu’au nord de la Californie ont été émis pour les 24 prochaines heures, menaçant d’attiser les incendies de forêt et d’amplifier l’urgence des efforts des pompiers.

– Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press