(Pittsburgh) Donald Trump va se rendre mardi dans l’État du Wisconsin, où il est accusé par son adversaire, le démocrate Joe Biden, d’avoir « attisé » les braises des tensions raciales et sociétales qui ont suivi les graves blessures d’un Afro-Américain, Jacob Blake, par les tirs d’un policier blanc.

Dans la ville de Kenosha, où un policier a tiré sept fois à bout pourtant dans le dos de Jacob Blake, déclenchant une nouvelle vague de protestations, le président républicain devrait rendre hommage aux forces de l’ordre et répéter son discours sécuritaire inflexible.  

« Nous devons redonner à nos policiers leur dignité, du respect », a-t-il plaidé lundi lors d’une conférence de presse. « Parfois il y a de mauvais policiers », « mais d’autres fois ils prennent seulement de mauvaises décisions », « ils craquent », a-t-il ajouté, en semblant relativiser, sinon excuser, les bavures.  

Donald Trump a également confirmé qu’il ne rencontrerait pas la famille de Jacob Blake, expliquant qu’il avait refusé d’avoir à faire à leurs avocats. « J’ai parlé avec le pasteur de la famille », « un homme magnifique », s’est-il borné à dire.

PHOTO KAMIL KRZACZYNSKI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des voitures incendiées à Kenosha, au Wisconsin.

Et à ceux qui redoutent que sa visite mette de l’huile sur le feu, il a répondu : « Cela peut aussi apporter de l’enthousiasme », « de l’amour et du respect pour notre pays ».

Jacob Blake Sr, le père de l’homme grièvement blessé, a démenti les propos du président : « Nous n’avons pas de pasteur de famille », a-t-il dit sur CNN. « Je ne sais pas à qui il a parlé, ça m’est égal ».

Le père a également assuré que sa famille avait reçu des menaces et qu’elle avait dû changer d’hôtel.

« Nous ne voulons pas que leur logement soit connu parce que nous voyons des choses tordues se passer à Kenosha, et le pire peut être que cette famille souffre davantage de violence physique avec ce qu’elle endure déjà », a dit l’avocat de la famille, Ben Crump.

« Ils reçoivent des appels avec des menaces dans leurs chambres d’hôtel. Nous devons nous protéger contre cela, car ce n’est pas acceptable », a ajouté l’avocat sur CNN.

Deux manifestants antiracistes ont été tués par un militant pro-Trump la semaine dernière lors d’affrontements dans cette ville du Wisconsin.

Cocktail explosif

Entre Joe Biden et Donald Trump, à neuf semaines de l’élection présidentielle du 3 novembre, c’est à qui parviendra à rejeter la responsabilité de l’embrasement sur l’autre.

Aux États-Unis, les images spectaculaires du mouvement historique de colère contre le racisme, qui dégénère parfois en émeutes, tournent en boucle. Tout comme celles de l’adolescent armé, partisan du président, accusé d’avoir tué deux personnes dans le Wisconsin, ou celles d’un convoi de militants pro-Trump défilant samedi dans le bastion progressiste de Portland, où l’un d’eux a été tué par balle.  

Un cocktail explosif dans un pays profondément divisé politiquement, où le droit de porter des armes est inscrit dans la Constitution.  

Donald Trump « pense peut-être que déblatérer les mots “loi” et “ordre” le rend fort, mais son échec à appeler ses propres partisans à arrêter d’agir comme une milice armée dans ce pays montre à quel point il est faible », a déclaré lundi le candidat démocrate Joe Biden lors d’un rassemblement à Pittsburgh, dans l’État-clé de la Pennsylvanie.

Le président républicain « attise les braises », a poursuivi l’ancien vice-président de Barack Obama, l’accusant d’être une « présence toxique » à la Maison-Blanche et d’avoir « empoisonné les valeurs » de l’Amérique.

« Il ne peut pas arrêter la violence car pendant des années il l’a fomentée », a-t-il asséné.

« De l’anarchie »

Après le brusque arrêt en mars de sa campagne de terrain à cause du coronavirus, Joe Biden est passé, avec ce premier voyage en avion, à la vitesse supérieure, en reprenant les visites dans les États pivots qui font et défont les élections américaines.

Il a toutefois choisi de s’aventurer sur le terrain de prédilection de Donald Trump, qui se pose en président de « la loi et l’ordre » et accuse depuis des semaines son adversaire, ainsi que les élus locaux démocrates, de laxisme.

Le démocrate a donc pris soin de condamner, une nouvelle fois, les débordements.

« Piller, ce n’est pas manifester. Mettre le feu, ce n’est pas manifester », a-t-il dit. « C’est de l’anarchie, un point c’est tout. »

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Donald Trump à son arrivée pour sa conférence de presse, lundi à la Maison-Blanche

Il a réaffirmé que le président républicain n’était « pas parvenu à protéger l’Amérique », qui fait face à la pandémie de COVID-19 avec plus de 180 000 morts, à la crise économique qui en découle, et à cette profonde vague antiraciste.

« Alors maintenant, il tente d’effrayer l’Amérique », a dit Joe Biden, qui devance Donald Trump dans les sondages.

Vétéran de la politique âgé de 77 ans, le candidat modéré a également répondu au président qui le décrit comme une « marionnette » aux mains de l’extrême gauche.  

« Vous connaissez mon histoire, l’histoire de ma famille. Alors demandez-vous : est-ce que j’ai l’air d’un socialiste radical avec un penchant pour les pilleurs ? Sérieusement ! », s’est-il indigné.

Ce qui n’a pas empêché Donald Trump, 74 ans, de réagir en accusant son adversaire démocrate d’avoir « le même programme » que « les émeutiers violents » et « d’utiliser les arguments de la mafia : la meute vous laissera tranquille si vous lui donnez ce qu’elle veut ».