(Washington) Le président américain Donald Trump a ouvertement évoqué jeudi un possible report de l’élection de novembre, mettant en avant, sans la moindre preuve, des risques de fraude liés à l’épidémie de COVID-19.

Le tweet évoquant cette hypothèse, promptement rejetée par les ténors de sa famille politique, a été envoyé quelques minutes après l’annonce d’une chute historique du PIB américain au deuxième trimestre (-32,9 %) en raison de la pandémie.

« 2020 sera l’élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l’histoire », a lancé le locataire de la Maison-Blanche, évoquant le recours élargi au vote par correspondance pour le scrutin du 3 novembre.

« Ce sera une véritable honte pour les États-Unis », a ajouté le milliardaire républicain, en grande difficulté dans les sondages à un peu moins de 100 jours de l’échéance.

« Reporter l’élection jusqu’à ce que les gens puissent voter normalement, en toute sécurité ? ? ? », a-t-il poursuivi, dans le registre volontiers provocateur dont il est coutumier.

La Constitution américaine est claire : le président n’a pas le pouvoir de décider du report d’une élection. La date des élections étant fixée par une loi fédérale, seul le Congrès peut prendre une initiative en ce sens.

Le fait que le président lui-même évoque cette hypothèse pourrait cependant contribuer à alimenter, au sein de sa base électorale, les doutes sur la légitimité du scrutin.

Le tweet est aussi un aveu de fébrilité de la part de Donald Trump, qui redoute une humiliante défaite qui ferait de lui le premier président d’un seul mandat depuis plus d’un quart de siècle.

« Nous sommes en Amérique. Nous sommes une démocratie, pas une dictature. La Constitution fixe la date des élections en novembre. Rien de ce que le président dit, fait ou tweete ne peut changer cela », a réagi Dale Ho,  de l’organisation de défense des droits civiques ACLU.

Plusieurs États américains veulent rendre le vote par courrier plus accessible afin de limiter autant que possible la propagation du nouveau coronavirus.

Nombre d’entre eux autorisent ce système de vote depuis des années et aucune étude sérieuse n’a à ce jour fait état de problèmes majeurs, au-delà de quelques incidents isolés.

« Jamais dans l’histoire »

Depuis plusieurs semaines, Donald Trump brandit pourtant le spectre de fraudes massives.  

Ses propos sur ce thème ont poussé fin mai Twitter à signaler pour la première fois l’un de ses tweets comme étant trompeur.

Fin avril, son adversaire démocrate Joe Biden avait prédit que l’ancien homme d’affaires de New York ferait tout son possible pour reporter l’élection.

« Souvenez-vous de ce que je vous dis, je pense qu’il va essayer de faire reporter les élections d’une manière ou d’une autre, trouver des raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas avoir lieu », avait-il lancé.

Quelques jours plus tard, M. Trump, interrogé lors d’un point de presse à la Maison-Blanche, avait catégoriquement écarté cette hypothèse : « Pourquoi est-ce que je ferais cela ? », avait-il répondu, évoquant « la propagande » du camp démocrate.

Fait notable, plusieurs ténors républicains ont rapidement et clairement marqué leur désaccord avec le président, écartant un éventuel report du scrutin.

Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a rappelé que « jamais dans l’histoire » des États-Unis une élection n’avait été repoussée, que ce soit pendant la guerre civile ou au cœur de graves crises économiques. « Nous nous assurerons que cela soit de nouveau le cas le 3 novembre », a-t-il ajouté.

Steven Calabresi, cofondateur de l’organisation conservatrice « Federalist Society », qui précise avoir voté pour Trump en 2016 et pour tous les candidats républicains à la Maison-Blanche depuis 1980 s’est dit « atterré », évoquant, dans une tribune dans le New York Times, un tweet « fasciste ».

L’ancien président démocrate Barack Obama a lui aussi donné de la voix.

« Peu d’élections ont été aussi importantes que celle-ci à de nombreux niveaux », a lancé l’ancien président lors des funérailles de John Lewis, icône de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis.

« Les votes par courrier seront cruciaux dans ce scrutin », a-t-il ajouté, dénonçant, sans jamais le nommer, l’attitude de Donald Trump.

Selon la moyenne des sondages nationaux établie par le site RealClearPolitics, Joe Biden a, depuis plus de six semaines, une avance sur Donald Trump de 8 à 10 points de pourcentage.

Interrogé lors d’un point de presse en fin de journée à la Maison-Blanche, le président américain a entretenu l’ambiguïté sur le scrutin.

« Est-ce que je veux une autre date ? Non. Mais je ne veux pas voir une élection truquée », a-t-il répondu, assurant redouter, en raison du vote par courrier, de devoir attendre les résultats pendant « des semaines », « des mois » voire « des années ».