(Washington) La pandémie de COVID-19 a de nouveau progressé vendredi aux États-Unis, avec un nouveau bilan très lourd en Floride, mais la mise en place de gestes barrières comme le port du masque génère des disputes idéologiques et politiques, voire judiciaires, entre les multiples échelons du pouvoir.

Avec près de 78 000 nouveaux cas rapportés selon un bilan complet de la journée de jeudi par l’Université Johns Hopkins, le pays reste en pleine ascension épidémique, et il n’y avait jamais eu autant de patients hospitalisés pour le coronavirus depuis le 23 avril, selon le Covid Tracking Project.

La tendance pour le nombre de morts, qui baissait en mai et en juin est désormais clairement repartie à la hausse depuis la semaine dernière, et pour beaucoup d’États du sud comme la Floride, les bilans journaliers sont les pires depuis le début de la pandémie. Cet État du sud-est, épicentre américain, a de nouveau rapporté plus de 10 000 nouveaux cas vendredi (11 466), ainsi que 128 décès liés au coronavirus.  

Seul motif rassurant, le nombre de morts, rapporté à la population, reste dans tous ces États encore bien inférieur à ce qu’il était au début de la pandémie à New York, ce qui pourrait s’expliquer par la meilleure connaissance acquise par les médecins de la maladie, et l’amélioration des traitements, notamment la validation de deux médicaments.

L’épidémie s’étend cependant géographiquement, notamment dans l’Idaho, au Tennessee et au Mississippi.

Au point que New York, où l’épidémie est maîtrisée, craint une importation de cas. L’État de New York exige une quarantaine pour les visiteurs venant de 22 autres États. Et la ville de New York a décidé vendredi de reporter la réouverture des salles de restaurants, des cinémas et des musées, que les habitants espéraient pour lundi.

La cote de Donald Trump dégringole depuis le début de la pandémie : 38 % des Américains approuvent sa gestion de la pandémie, contre 51 % en mars, selon un sondage du Washington Post publié vendredi.

Sa conseillère Kellyanne Conway explique la chute par le fait que Donald Trump a arrêté fin avril ses longues conférences de presse quotidiennes consacrées à la pandémie.

« Je pense que le président devrait recommencer », a-t-elle suggéré vendredi.

Conflits sur le masque

Nombre d’États ont brûlé les étapes de la réouverture, dit Anthony Fauci, directeur de l’Institut des maladies infectieuses, qui sonne l’alarme publiquement mais est apparemment en froid avec Donald Trump.  

Il a de nouveau déploré vendredi les images du mois de juin « de gens rassemblés en foule dans des bars, sans masques ». « Cela a presque certainement conduit, au moins en partie, aux résurgences actuelles », a-t-il dit lors d’une conférence de l’US Chamber of Commerce Foundation.

« Nous devons vraiment nous réorganiser, faire une pause », avait-il dit la veille dans une conversation vidéo avec le patron de Facebook. « Pas forcément un reconfinement, mais nous devons nous dire qu’il faut faire les choses de façon plus mesurée ».

Plusieurs États ont fait marche arrière dans la réouverture des bars, commerces et services. Nombre de chaînes de magasins, comme Walmart, obligent les consommateurs à se masquer, mais des clients refusent.

Des maires ont pris des arrêtés locaux de port du masque obligatoire. Mais en Géorgie, dans le sud, le gouverneur républicain, Brian Kemp, a assigné jeudi la mairesse de la capitale Atlanta devant les tribunaux pour annuler un tel arrêté.

PHOTO JOHN BAZEMORE, ASSOCIATED PRESS

Le gouverneur de la Géorgie, Brian Kemp

« Nous sommes tous d’accord que le port du masque est efficace, mais je suis certain que les Géorgiens n’ont pas besoin d’une obligation pour bien agir », a déclaré vendredi le gouverneur.

La mairesse, Keisha Lance Bottoms, une démocrate officieusement en lice pour devenir la colistière de Joe Biden à la présidentielle, est persuadée qu’il s’agit de « représailles » politiques.

PHOTO PARAS GRIFFIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La mairesse d'Atlanta, Keisha Lance Bottoms

« Ce n’est probablement pas une coïncidence que la plainte ait été déposée le lendemain de la visite de Donald Trump à Atlanta », a dit la maire, elle-même infectée par le coronavirus, sur CNN.

PHOTO JONATHAN ERNST, REUTERS

Donald Trump a été accueilli par le gouverneur Kemp lors de son arrivée à Atlanta.

Les exemples de conflits autour du masque abondent.  

Au Texas, terrain ultraconservateur, le gouverneur Greg Abbott a fini par ordonner le port du masque dans les lieux publics, mais des comités républicains locaux ont adopté des motions de censure (symboliques) à son égard. À l’inverse, Houston veut reconfiner mais le gouverneur refuse.

Des shérifs (des postes souvent électifs), en Californie, en Caroline du Nord et ailleurs, ont également dit qu’ils ne contrôleraient pas les obligations de port de masque dans leurs comtés.

La force des États-Unis, son fédéralisme et sa décentralisation, se révèle être une faiblesse lorsqu’il s’agit de répondre à une épidémie qui ne connaît pas les frontières.