Le président américain, Donald Trump, a pressé lundi les gouverneurs des États confrontés à des manifestations liées à la mort de George Floyd de mobiliser la Garde nationale pour « dominer la rue ». Il a menacé, dans le cas contraire, d’ordonner le déploiement des forces armées pour ramener l’ordre, soulevant de nombreuses interrogations, notamment sur le plan légal.

Qu’est-ce que la Garde nationale américaine ?

La Garde nationale est une force de réserve particulière de l’armée qui se dit à la fois « au service de la communauté et du pays ». Elle trouve ses origines dans les milices formées au XVIIe siècle pour lutter contre les Britanniques et regroupe des soldats qui occupent des emplois civils ou étudient tout en poursuivant leur entraînement militaire à temps partiel. Bien que leur premier théâtre d’opérations soit l’État américain auquel ils sont rattachés et qu’ils répondent d’abord à son gouverneur, ils peuvent également être mobilisés par le président, notamment pour être déployés à l’étranger.

PHOTO VICTOR J. BLUE, THE NEW YORK TIMES

Des membres de la Garde nationale déployés à Minneapolis

Peuvent-ils intervenir dans le cadre de manifestations ?

Les soldats de la Garde nationale sont régulièrement appelés à intervenir aux États-Unis dans le cas de catastrophes naturelles, par exemple pour aider à évacuer des personnes menacées ou aménager des infrastructures de protection. Ils peuvent aussi être appelés en appui aux forces policières lorsqu’il y a des troubles, mais ils ne disposent pas d’une formation appropriée pour cette tâche, selon plusieurs spécialistes. À Minneapolis, où ils ont été mobilisés depuis quelques jours à la demande du gouverneur, ils ont surtout été utilisés pour protéger des bâtiments ou encore assurer la protection de pompiers cherchant à maîtriser des incendies. Le responsable local de la force de réserve a précisé que ses membres étaient armés afin de pouvoir se défendre au besoin, mais qu’ils ne pouvaient procéder à des arrestations.

PHOTO BRYAN DENTON, THE NEW YORK TIMES

Un manifestant sert la main d’un membre de la Garde nationale lors d’une manifestation à Los Angeles, le 31 mai. 

Donald Trump peut-il intervenir si les gouverneurs ne réussissent pas à rétablir le calme et rechignent à utiliser la Garde nationale ?

Rafael Jacob, spécialiste de la politique américaine rattaché à la chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal, relève que le président pourrait en théorie invoquer une loi sur l’insurrection datant du début du XIXe siècle pour déployer des militaires sur un territoire donné. Il s’agit cependant d’une mesure exceptionnelle, et il est rare qu’elle ait été utilisée par le passé sans le consentement du gouverneur de l’État ciblé, relève le chercheur. Un tel consensus existait notamment à Los Angeles en 1992 lorsque des militaires avaient été déployés pour aider à contrôler les émeutes découlant de l’acquittement de policiers mis en cause dans le passage à tabac de Rodney King.

Le président peut-il procéder même en l’absence de consentement local ?

Plusieurs juristes ont relevé mardi dans des médias américains que la loi sur l’insurrection est vaguement formulée et confère une certaine latitude au chef d’État s’il veut aller de l’avant. La Maison-Blanche a d’ailleurs laissé entendre que l’option de l’invoquer était sérieusement considérée malgré les mises en garde de gouverneurs opposés à un déploiement militaire. M. Jabob note que la question pourrait ultimement être tranchée par les tribunaux. La décision surviendrait cependant bien après la fin des manifestations et le rappel des soldats, souligne le chercheur, qui dit ne pas savoir à quoi s’attendre sur le terrain si le président tente de procéder envers et contre tous. « On serait en terrain inédit », dit-il, en rappelant que ce ne serait pas la première fois que Donald Trump teste les limites de la Constitution américaine.