(Washington) T-shirts, cocktails et beigne à l’effigie du Dr Anthony Fauci se multiplient aux États-Unis. Qui aurait pu imaginer qu’un respectable épidémiologiste de 79 ans, caution scientifique de la cellule de crise anti-coronavirus de la Maison-Blanche, devienne la nouvelle coqueluche du pays ?

Accompagné de sa fiancée, son chien calé sur la banquette arrière, Tony Mastrangelo a conduit trois heures pour se procurer la pâtisserie que tout le monde s’arrache en ce moment : le « Doc donut », un beignet avec une photo d’Anthony Fauci imprimée sur une feuille alimentaire, créé par le magasin Donuts Delite à Rochester, dans l’État de New York.

Avec cette œuvre, Nick Semeraro, propriétaire du Donuts Delite, souhaitait « rendre hommage » au directeur de l’Institut national des maladies infectieuses qui lui apparaît « comme une voix posée et calme au milieu du chaos » lors des conférences de presse télédiffusées auxquelles l’expert participe quotidiennement aux côtés du président.  

PHOTO SHAWN DOWD, ARCHIVES DEMOCRAT & CHRONICLE VIA AP

« Je n’ai jamais vu quelqu’un admiré par autant de personnes », raconte à l’AFP M. Semeraro, qui a dû ouvrir de nouvelles lignes téléphoniques pour gérer la pluie de commandes.

« In Fauci We Trust »

Petites lunettes et tempes grisonnantes, le visage anguleux du spécialiste en immunologie s’affiche désormais sur tout type d’objets : des t-shirts « In Fauci We Trust » (« En Fauci Nous Croyons ») aux tasses « Keep calm and wash your hands » (« Restez calme et lavez-vous les mains ») en passant par des chaussettes et des bougies où il est affublé d’une auréole.  

La plateforme américaine de vente en ligne d’articles artisanaux Etsy compte plus de 3000 objets dédiés à l’expert, tandis que le groupe Facebook « Dr Anthony Fauci Fan Club » a plus de 79 000 membres et le compte Twitter du même acabit, 21 000 abonnés.    

L’éminent médecin a un jeu vidéo rétro à son nom, Fauci’s revenge (La revanche de Fauci) où des lasers sortent de ses yeux pour détruire des coronavirus violets, et un cocktail, le « Fauci Pouchy », à base de limonade, vodka, fleur de sureau et pamplemousse.  

PHOTO NAT RAUM, @CAPOSPEAKEASY VIA AFP

« C’est la folie ! On en a vendu jusqu’à 300 en une journée samedi dernier », se félicite Rohit Malhotra, inventeur du cocktail et gérant du Capo, un bar speakeasy à Washington.  

Rien ne semblait pourtant destiner ce New-Yorkais, au ton grave et à l’allure réservée, respecté mondialement pour son expertise sur de nombreux virus, du sida à Ebola, à devenir une vedette de la pop culture.

Avec ses apparitions télévisées à la Maison-Blanche, il a été « propulsé au cœur de tous les esprits », souligne Robert Thompson, à la tête du département Télévision et Culture populaire de l’Université de Syracuse.  

Le virologue à la voix éraillée cultive une omniprésence médiatique en faisant des entretiens en direct sur Snapchat, ou en répondant aux questions du célèbre joueur de basketball Stephen Curry sur Instagram, ou de l’animateur Trevor Noah sur YouTube.

« Raison et science »

Son côté direct, factuel et sa capacité à recadrer les propos approximatifs de Donald Trump avec des arguments scientifiques expliquent aussi l’enthousiasme qu’il suscite.

PHOTO MANDEL NGAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

De gauche à droite : le Dr Anthony Fauci, la Dre Deborah Birx, coordinatrice pour le groupe de travail sur le coronavirus de la Maison-Blanche et Robert R. Redfield, directeur du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC)

« Dans un moment de crise comme celui-là, les Américains veulent désespérément des héros », note Julian Zelizer, professeur d’histoire et de relations publiques à l’Université Princeton.

« Fauci a toujours insisté pour dire la vérité, même avec un président en colère se tenant derrière lui », ajoute-t-il.

« Il a une petite stature, il est extrêmement normal. Et il semble parler avec raison et science », renchérit Robert Thompson.

Tony Mastrangelo, qui n’exclut pas d’acheter d’autres produits à l’effigie du médecin, aime en effet que l’expert « n’enjolive pas les choses » contrairement à Donald Trump.  

« Il me rappelle mon grand-père, Dieu le bénisse. C’était un petit homme italien qui était simplement honnête. C’est comme ça que je vois Fauci », détaille-t-il.

Mais la propension du scientifique à corriger le président américain lui vaut aussi son lot de détracteurs dans les milieux conservateurs et certaines franges ouvertement hostiles à la science.

Anthony Fauci a été la cible d’une violente campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux qui a poussé le gouvernement américain à renforcer sa sécurité.

Donald Trump lui-même a retweeté un message contenant la mention #FireFauci (« Virez Fauci ») tout en professant régulièrement son admiration pour l’expert, qu’il a qualifié de « type fantastique ».

Face à ces vagues d’amour et de haine, Anthony Fauci reste stoïque.

Interrogé par le journaliste américain Peter Hamby sur la pétition pour qu’il soit élu « Homme le plus sexy de 2020 » par le magazine People, qui a recueilli plus de 18 000 signatures, le Dr Fauci a juste répondu : « Où étiez-vous quand j’avais 30 ans ? »