(New York) Ce n’est pas qu’un prix de consolation pour féministes déçues de la défaite d’Hillary Clinton en 2016 ou de l’échec des candidates à l’investiture démocrate en 2020. En s’engageant à choisir une femme comme colistière, Joe Biden a entrouvert la porte de l’histoire.

« S’il tient sa promesse et gagne, l’élection d’une femme à la vice-présidence sera en soi un moment historique », déclare Kelly Dittmar, politologue et chercheuse au Centre d’étude des femmes en politique de l’université Rutgers, au New Jersey. « Et je pense que cela sera quelque chose à célébrer. Cela nous rapprochera de l’élection d’une femme à la présidence. »

Il y a évidemment encore loin de la coupe aux lèvres. Après avoir obtenu l’appui cette semaine de son ancien patron Barack Obama et de ses anciens rivaux Bernie Sanders et Elizabeth Warren, Joe Biden doit compléter l’équipe qui mènera la recherche de la candidate idéale. Il doit d’abord s’assurer que cette personne ne traîne pas de casseroles, ou du moins pas trop. Mais il doit aussi déterminer les avantages politiques qu’il veut en retirer.

Veut-il une colistière qui l’aidera dans une région particulière du pays, auprès des communautés noires ou hispaniques, chez les progressistes, les jeunes ou les indépendants ?

Quel que soit son choix, rien ne dit qu’une colistière l’avantagera à coup sûr, comme l’ont découvert avant lui le démocrate Walter Mondale, qui avait fait campagne aux côtés de Geraldine Ferraro en 1984, ou le républicain John McCain, qui avait fait appel à Sarah Palin en 2008 pour compléter le ticket présidentiel de son parti.

« Je pense vraiment que cela dépendra de la personne que Biden choisira », estime Kelly Dittmar. « En attendant, le seul avantage immédiat qu’il en retire est de prouver qu’il reconnaît l’importance de la parité entre les sexes en politique. »

L’âge de Biden

Le choix de Joe Biden revêtira une importance accrue en raison de son âge. L’ancien vice-président célébrera son 78e anniversaire de naissance quelques jours après l’élection du 3 novembre. Les Américains n’ont jamais élu ou investi un président plus âgé.

Ce fait poussera Joe Biden à choisir une personne qui sera « immédiatement » capable de lui succéder « si, Dieu nous en garde, quelque chose m’arrivait », a-t-il déclaré en janvier dernier lors d’une rencontre avec des électeurs d’Iowa. « Car je suis un vieil homme. »

« Non, je suis sérieux », a-t-il ajouté en entendant des rires dans la salle.

Joe Biden a également déclaré qu’il souhaitait avoir une colistière avec laquelle il s’entendrait bien sur les plans personnel et philosophique. Bernie Sanders lui a cependant conseillé de sortir de sa zone de confort.

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Bernie Sanders

« Plus la candidate à la vice-présidence qu’il nommera sera progressiste, meilleure sera la réponse qu’il obtiendra auprès de nos partisans », a déclaré le sénateur du Vermont lors d’une interview accordée à PBS la semaine dernière.

Et quelles sont les colistières potentielles ? Joe Biden a dit avoir une liste de 11 candidates. Vous trouverez ci-contre les cinq qui sont le plus souvent mentionnées, quintette auquel peuvent être ajoutés les noms de Val Demings, représentante de Floride, Catherine Cortez Masto, sénatrice du Nevada, Michelle Lujan Grisham, gouverneure du Nouveau-Mexique, et Tammy Duckworth, sénatrice d’Illinois.

Cinq candidates potentielles

Amy Klobuchar

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En choisissant la sénatrice du Minnesota, Joe Biden ne manquerait pas de décevoir les progressistes, qui verraient en elle une version féminine de Tim Kaine, candidat à la vice-présidence en 2016 : une centriste assumée qui ne soulève pas les passions. Mais l’ancien vice-président se doterait d’une colistière expérimentée qui a notamment prouvé dans son État sa capacité de gagner des votes autant chez les électeurs indépendants que républicains. Cette politicienne de 59 ans a également démontré lors de la course à l’investiture démocrate des talents de débatteuse qui lui ont permis d’éreinter le président avec un humour redoutable.

Kamala Harris

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« Je lui dirais que nous avons besoin d’une femme sur le ticket, et je préfère une Afro-Américaine. » Après avoir joué un rôle crucial dans la résurrection politique de Joe Biden, le représentant démocrate de Caroline du Sud, James Clyburn, lui a offert ce conseil, à la mi-mars. Si son vieil ami l’écoute, il pourrait bien choisir la sénatrice de Californie, et ce, même si celle-ci se définit comme une « femme noire » plutôt qu’une Afro-Américaine, étant d’origine jamaïcaine et indienne. Un tel choix ne manquerait pas d’ironie : Biden et Harris se sont affrontés sur la question raciale pendant la course à l’investiture démocrate.

Elizabeth Warren

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La question, posée mercredi soir par une animatrice de la chaîne MSNBC, était simple et directe : « Si [Joe Biden] vous demandait d’être sa colistière, diriez-vous oui ? » Elizabeth Warren aurait pu s’y dérober. Elle n’en a rien fait, répondant plus tôt de la façon la plus simple et directe : « Oui. » Âgée de 70 ans, la sénatrice du Massachusetts serait un choix audacieux. Après Bernie Sanders, elle est la figure la plus connue et admirée de l’aile progressiste du Parti démocrate. Mais elle est aussi une des cibles préférées de Donald Trump et de ses alliés républicains.

Gretchen Whitmer

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Peu connue du grand public jusqu’à tout récemment, Gretchen Whitmer doit en partie à Donald Trump sa nouvelle renommée. Lors d’une de ses diatribes contre les gouverneurs démocrates, le président a fait référence à elle en l’appelant « la femme du Michigan ». Élue à son poste en 2018, la gouverneure de 48 ans se trouve en première ligne du combat contre la pandémie de coronavirus, son État étant le plus touché après New York et le New Jersey. Situé au cœur d’une région cruciale – le Midwest –, le Michigan est l’un des États où Hillary Clinton s’est fait surprendre en 2016.

Stacey Abrams

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Ayant perdu sa plus récente campagne électorale, Stacey Abrams ne devrait normalement pas faire partie de cette liste. Mais elle est devenue une star du Parti démocrate en passant à un cheveu de battre le candidat républicain pour le poste de gouverneur de Géorgie, État conservateur du Sud, en 2018. Sa force : sa capacité de mobiliser les laissés-pour-compte, y compris au sein de l’électorat afro-américain. Âgée de 46 ans, cette avocate de formation et romancière à temps perdu a servi à la Chambre des représentants de Géorgie en tant que chef de la minorité de 2011 à 2017.