(Washington) C’est l’histoire d’un homme à Chicago, fin février, quand les États-Unis se croyaient encore protégés de la COVID-19, qui n’avait pas encore été déclarée une pandémie. Il avait quelques symptômes respiratoires légers, mais pas au point de l’inquiéter, encore moins de se confiner.

Cet individu, anonymisé dans une enquête publiée mercredi par les Centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC), est invité à un enterrement d’un ami de famille et décide de participer. La veille des obsèques, il se rend à dîner chez des amis ; pendant trois heures ce soir-là, les trois partagent un repas emporté d’un restaurant ; ils se servent dans les mêmes plats.

Le lendemain, jour de l’enterrement, c’est à un buffet que ce « patient index » se sert à manger, probablement en se servant des mêmes ustensiles. Il présente ses condoléances à la famille endeuillée, prend dans ses bras au moins trois proches du mort.

Trois jours après les obsèques, il a toujours des symptômes légers (ils ne sont pas détaillés, mais la toux est un symptôme fréquent de la COVID-19, la maladie provoquée par le nouveau coronavirus). Il se rend tout de même à une fête d’anniversaire, cette fois dans sa propre famille.

Le virus, qu’il porte en lui à son insu, va y faire des ravages.

Extrême contagiosité

Il y a neuf personnes à la fête. Tous entrent en « contact proche » les uns avec les autres. Pendant trois heures, ils s’embrassent et partagent la même nourriture.

Sur les neuf présents, sept attraperont ce jour-là le coronavirus. Deux tomberont si gravement malades qu’ils seront hospitalisés. Trois semaines après l’anniversaire, ces deux-là seront morts.

Ce ne sont pas les seuls à tomber dans cette catastrophique chaîne de transmission : les deux hôtes du premier dîner à emporter ont aussi été infectés ce soir-là ; l’un d’eux finira par décéder, 27 jours après le repas.

Pire, le premier cercle des malades en a provoqué un second. Les gens qui se sont occupés de plusieurs premiers malades ne se sont pas protégés avec masques ou gants, et ont eux-mêmes été infectés.

Et trois convives de la fête d’anniversaire, bien que malades, se sont rendus à l’église plus tard, après six jours de symptômes.

À l’église, ils ont touché et passé la corbeille de la quête à leurs voisins de bancs. Un fidèle, assis pendant 90 minutes à une rangée d’écart, est la dernière personne recensée de ce « cluster » par les enquêteurs épidémiologistes des CDC et de l’Illinois.

Au total, le patient index, qui n’a jamais eu besoin de voir un médecin, a contaminé, directement et indirectement, au moins 15 personnes en trois semaines, dont trois sont mortes. L’ordre de confinement dans l’Illinois n’arrivera que le 21 mars, plusieurs jours après la dernière de ces contaminations.

L’histoire illustre l’importance de la distanciation sociale, et la contagiosité élevée et invisible du nouveau coronavirus, que les scientifiques tentent encore de quantifier exactement, entre la très contagieuse rougeole ou la moins contagieuse grippe.  

Au début de l’épidémie, le consensus était qu’il se transmettait surtout par des postillons et des éternuements, et en touchant une surface souillée, où le virus peut rester quelques jours, selon les matériaux.

Puis il est apparu que les personnes sans symptômes étaient aussi responsables d’une bonne partie des contaminations, probablement par l’air qu’elles expirent, et récemment les États-Unis et d’autres pays ont recommandé à leurs populations de se couvrir le visage hors de chez eux, afin d’empêcher les personnes sans ou avec peu de symptômes de donner, à leur insu, la mort aux gens qu’ils croisent.