(New York) Joe Biden n’est pas l’unique adversaire sérieux de Bernie Sanders dans la course à l’investiture démocrate. Les maths, impitoyables et inéluctables, sont également contre lui.

Six jours après les primaires du « super mardi », la Californie, État clé de ce rendez-vous électoral, continue à compter ses votes. Mais il est déjà clair que l’ancien vice-président n’a pas seulement créé la surprise ce jour-là en remportant 10 des 14 États qui tenaient des scrutins. Il a également déjoué toutes les attentes en prenant l’avance dans le compte des délégués.

Au moment d’écrire ces lignes, Joe Biden revendiquait 664 délégués contre 573 pour Bernie Sanders, selon le compte de l’Associated Press. L’écart de 91 délégués sur le total de 3979 en jeu semble modeste, mais il pourrait s’avérer insurmontable.

« Même une petite avance de 70 délégués à ce stade-ci de la course peut être durable à long terme pour la simple raison que le Parti démocrate utilise une méthode proportionnelle pour allouer ses délégués », explique Josh Putnam, politologue et rédacteur en chef du site FronloadingHQ, qui s’intéresse notamment aux règles entourant la sélection des délégués.

PHOTO ROGELIO V. SOLIS, ASSOCIATED PRESS

Joe Biden était à Jackson, dans le Mississipi, dimanche.

« Le défi de Sanders est de trouver les États qui lui permettront de remporter de fortes majorités afin de combler son retard. S’il n’y parvient pas, les deux candidats vont se partager les délégués de façon plus ou moins égale », continue-t-il. 

Le problème pour Sanders, c’est que la course se déplacera au cours des prochaines semaines dans des États qui ne lui sont pas favorables.

Josh Putnam, politologue et rédacteur en chef du site FronloadingHQ

Josh Putnam mentionne notamment la Floride et la Géorgie, deux États du sud qui tiendront des primaires les 17 et 24 mars et mettront en jeu 219 et 105 délégués respectivement. Compte tenu de ses victoires récentes dans la région, Joe Biden a de bonnes chances d’y empocher une bonne majorité des délégués.

La bataille du Michigan

Mais avant ces rendez-vous électoraux, il y a les primaires démocrates de mardi qui retiennent l’attention, et plus particulièrement celle du Michigan. Cet État du Midwest sera l’un des six à tenir des scrutins ce jour-là avec l’État de Washington, le Missouri, le Mississippi, l’Idaho et le Dakota du Nord.

La primaire du Michigan, où 125 délégués seront en jeu, revêt une importance symbolique pour plus d’une raison. En mars 2016, l’État a fourni à Bernie Sanders une raison de rester dans la course à l’investiture démocrate contre Hillary Clinton en lui procurant une victoire inattendue.

En novembre 2016, le Michigan a par la suite échappé à Hillary Clinton en raison de l’abstention de dizaines de milliers d’électeurs noirs et de la défection de nombreux électeurs blancs de la classe ouvrière vers Donald Trump.

Or, en mars 2020, Bernie Sanders ne peut guère se permettre de perdre cet État, qu’il promet de ramener dans le giron démocrate s’il remporte l’investiture.

« D’un point de vue symbolique, Bernie Sanders compte vraiment sur une bonne performance dans les États du Midwest d’ici la fin de la course. Et le Michigan est le premier pas vers cet objectif », explique Josh Putnam.

« D’un point de vue pratique, une victoire courte comme celle de 2016 au Michigan ne l’aiderait pas pour la peine dans le compte des délégués. Les deux candidats se les partageraient de façon à peu près égale. »

Un sondage publié mercredi dernier créditait Joe Biden d’une avance de 6 points de pourcentage sur Bernie Sanders au Michigan. Le lendemain, la populaire gouverneure démocrate de l’État, Gretchen Whitmer, offrait son soutien à l’ancien bras droit de Barack Obama, le louant notamment pour son rôle dans le plan de sauvetage de l’industrie automobile en 2009.

De l’importance des soutiens

Au bout du compte, ce genre de soutien pourrait avoir une importance déterminante dans la course à l’investiture démocrate. Joe Biden a déjà largement profité de l’appui de ses anciens rivaux Amy Klobuchar, Pete Buttigieg et Beto O’Rourke, qui ont contribué à requinquer sa campagne à la veille du super mardi.

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Dimanche, la sénatrice de Californie Kamala Harris a ajouté son nom aux soutiens de Joe Biden parmi les anciens candidats à l’investiture démocrate.

Et ce n’était que le début d’une sorte de ruée vers sa candidature. Dimanche, la sénatrice de Californie Kamala Harris a ajouté son nom aux soutiens de Joe Biden parmi les anciens candidats à l’investiture démocrate (Bernie Sanders a annoncé de son côté l’appui du pasteur noir Jesse Jackson, célèbre militant pour les droits civiques et ancien candidat à la présidence).

Si Biden continue à recevoir plus d’appuis, la composition de l’électorat démocrate des États pourrait revêtir une moindre importance d’ici la fin de la course.

Barbara Norrander, politologue à l’Université d’Arizona et spécialiste des primaires

« Je vois que la mairesse de Chicago, Lori Lightfoot, le sénateur de l’Illinois, Dick Durbin, et cinq représentants de l’État ont annoncé leur soutien à Biden [vendredi dernier]. Cela devrait l’aider lors de la primaire de l’Illinois, le 17 mars », croit Barbara Norrander.

Pas moins de 155 délégués seront en jeu en Illinois. Le même jour, l’Arizona tiendra également une primaire. Après le Nevada, la Californie et le Colorado, où Bernie Sanders a triomphé, c’est l’un des rares États où le candidat socialiste démocrate peut encore espérer profiter de sa domination auprès des électeurs hispaniques, un des deux seuls groupes démographiques à le préférer à Joe Biden. Les jeunes forment l’autre groupe.

Mais, comme le souligne Barbara Norrander, l’ancien vice-président vient de recevoir l’appui de plusieurs élus influents d’Arizona, dont la sénatrice démocrate Kyrsten Sinema.

« Il sera intéressant de voir quel impact auront ces appuis sur le vote », dit la politologue.

Il faudra à un candidat 1991 délégués pour revendiquer l’investiture démocrate dès le premier tour de la convention du parti à Milwaukee en juillet prochain. Selon les projections du site FiveThirtyEight, Joe Biden a désormais 90 % des chances d’atteindre ce nombre.

Les maths sont donc résolument contre Bernie Sanders. Mais Joe Biden n’a-t-il pas déjà prouvé que les plus grands revirements sont possibles ?