(Burlington) « C’est Bernie contre l’“establishment démocrate”, ça va être difficile » : le sénateur Bernie Sanders a beaucoup de partisans dans son fief du Vermont, mais même ici, certains ont peur que ce « socialiste » revendiqué ne parvienne pas à remporter la Maisons Blanche et hésitent à voter pour lui en ce « Super Mardi ».  

S’il y a bien une ville américaine dans laquelle le sénateur Bernie Sanders est aimé et respecté, c’est à Burlington, « grande ville » de ce petit État frontalier du Canada, où cet enfant de Brooklyn est parti s’installer à la fin des années 60.

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Le candidat à l'investiture démocrate, Bernie Sanders, lors d'une assemblée électorale à Salt Lake City lundi.

Quand il est revenu voter au centre culturel de son quartier mardi matin, avec sa femme Jane O’Meara, le sénateur de 78 ans, qui sillonne le pays avec une énergie redoublée ces derniers jours, était en terrain conquis : lui qui fut maire de Burlington dans les années 80 avant de représenter le Vermont à la Chambre des représentants puis au Sénat était souriant, serrant volontiers les nombreuses mains tendues vers lui.

« Nous avons frappé à plus de 2 millions de portes, du Maine à la Californie, nous avons un mouvement venu de la base dans tout le pays […] Pour battre Trump (..), il nous faut énergie et passion, et je crois que notre campagne a tout cela », a-t-il déclaré aux nombreux journalistes qui l’attendaient.

« Inquiète pour le pays »

Pourtant, si personne ne doute qu’il sortira vainqueur mardi soir de la primaire du Vermont-le moins peuplé des 14 États à voter ce mardi-beaucoup ici s’interrogent sur sa capacité à rassembler largement autour de son nom pour chasser Trump de la Maison-Blanche.

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Une étudiante écoute un discours de Bernie Sanders à St. Paul, au Minnesota, lundi.

« Je l’aime bien, je trouve qu’il est vrai, qu’il est honnête, et je pense qu’il se soucie vraiment des gens et du pays », confie à l’AFP Miriam Burns, 77 ans, qui a fait campagne pour Bernie Sanders en 2016 lorsqu’il avait perdu contre Hillary Clinton.

« Mais je ne suis pas sûre de voter pour lui. Je ne suis pas sûre qu’il puisse battre Trump, et ça me fait peur […] On est tellement divisés. Avec Trump et tout ce qui s’est passé, et les républicains qui sont si forts, c’est juste que je suis vraiment inquiète pour le pays », a-t-elle ajouté.

Cette retraitée envisage de voter ce mardi pour l’ex-maire de New York Michael Bloomberg, incarnation des milliardaires et des élites dénoncés par M. Sanders.

Nat Caldwell, 52 ans, qui collecte de fonds pour une des trois universités locales, a lui clairement décidé de voter pour Michael Bloomberg, qui figurera pour la première fois mardi sur les bulletins de vote, convaincu que Bernie ne peut pas gagner nationalement.

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Une électrice lors d'une allocution prononcée par Bernie Sanders à Spartanburg, en Caroline du Sud, le 27 février dernier.

« Il est temps d’opter pour le pragmatisme plutôt que l’idéologie », dit-il. « On est dans une bulle ici, une bulle de gauche, ça en fait un endroit charmant à vivre à de nombreux égards, mais je ne crois pas que cela puisse s’appliquer au reste du pays actuellement ».

Bien qu’il trouve Bernie « sympathique », Sean Ploof, pompier, a lui décidé de suivre la consigne de son syndicat et de voter pour Joe Biden-même s’il est convaincu qu’il ne peut pas battre Trump.

Avertissement

Les fans de Bernie, qui devraient être plusieurs milliers mardi soir pour un grand meeting avec leur héros à Burlington, s’inquiètent plus encore maintenant que trois ex-candidats démocrates, les modérés Pete Buttigieg, Amy Klobuchar et Beto O’Rourke, se sont ralliés à la candidature de l’ex-vice président Joe Biden.  

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Des étudiantes lors d'un discours de Bernie Sanders à St. Paul, au Minnesota, lundi.

Jane Stromberg, 24 ans, chercheuse en environnement à l’Université du Vermont et elle-même candidate à un poste local ce mardi, considère Bernie Sanders comme « le candidat politique le plus cohérent de l’histoire des États-Unis ».  

Mais « c’est Bernie contre “l’establishment” démocrate […], ça va être difficile », dit-elle.

Trish Siplon,  professeure de sciences politiques d’une université locale, redoute particulièrement un scénario, « désastreux », selon elle, où Bernie « arriverait à la convention démocrate avec le plus de délégués », mais sans majorité, et que les modérés du parti s’entendent pour « le priver de l’investiture ».

« Ce serait terrible pour le parti démocrate », dit-elle. « Le parti devrait bien réfléchir avant d’aliéner ces électeurs qui sont l’avenir du parti ».