(NEW YORK) Pas de nouvelle action militaire contre l’Iran. Mais de nouvelles sanctions économiques. Et un appel à la diplomatie.

Au lendemain de la riposte de Téhéran à l’assassinat du général Qassem Soleimani, Donald Trump a joué l’apaisement, se félicitant du fait que les 22 missiles iraniens tirés sur deux bases américaines en Irak n’avaient fait aucune victime.

Il a également tenu pour acquis que le régime des ayatollahs s’en tiendrait à cette réplique.

« L’Iran semble avoir baissé les armes, ce qui est une bonne chose pour toutes les parties concernées et une très bonne chose pour le monde entier », a déclaré le président américain lors d’une allocution prononcée depuis le hall d’entrée de la Maison-Blanche.

Entouré des plus hauts responsables civils et militaires de son administration, Donald Trump a de nouveau promis de ne jamais permettre à l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, annoncé de nouvelles sanctions économiques à l’encontre du régime et appelé les pays de l’OTAN à s’engager davantage au Moyen-Orient.

« Les États-Unis sont prêts à embrasser la paix avec tous ceux qui la recherchent », a-t-il déclaré pendant son allocution, qui a duré près de 10 minutes, et au cours de laquelle il a eu du mal à articuler certains mots.

Les républicains du Congrès ont unanimement salué le discours du président, vantant notamment sa patience et sa prudence. Les démocrates ont exprimé de leur côté un scepticisme renouvelé concernant les motifs allégués par l’administration Trump pour justifier une opération – l’assassinat ciblé d’un haut responsable iranien – qui a rapproché les États-Unis d’une autre guerre au Moyen-Orient.

Et certains experts de la région ont dénoncé le triomphalisme du chef de la Maison-Blanche.

Un discours « présomptueux »

« Je pense qu’il a prononcé un discours autosatisfait et présomptueux », a déclaré Aaron David Miller, ancien négociateur américain au Moyen-Orient. « Je collabore à l’occasion avec CNN et je ne parviens pas à comprendre comment tant de commentateurs ont choisi de voir ce discours comme une sorte d’approche modérée vis-à-vis de l’Iran. Je ne vois rien de la sorte. Le dossier de l’assassinat de Soleimani n’est pas clos. »

M. Miller craint que Téhéran ne fasse payer aux États-Unis la mort du numéro deux de son régime en faisant appel à ses alliés et clients de la région, et notamment aux milices chiites pro-iraniennes de l’Irak. Il souligne par ailleurs que la décision de l’Iran de s’affranchir de toute limite sur ses centrifugeuses représente un recul pour la région et les États-Unis. Et il doute que la menace du président américain d’imposer de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran ait des conséquences réelles.

J’ai consulté des gens bien informés de ce dossier et ils disent que le puits est à sec. Il n’y a plus de sanctions significatives qui puissent être imposées.

Aaron David Miller, rattaché au Carnegie Endowment for International Peace

Il reste que la réaction de Donald Trump à la riposte iranienne tranche avec les menaces qu’il a formulées dans un gazouillis, le 5 janvier. Il avait alors promis une réplique militaire dévastatrice « si l’Iran attaque une base militaire ou tout Américain ».

Cette réaction lui a valu des éloges au sein de son propre camp.

« Je suis reconnaissant de sa patience et de sa prudence », a déclaré Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat. « En tant que superpuissance, nous avons la capacité d’exercer de la retenue et de répondre en temps et lieu, si c’est nécessaire. »

Un breffage « insultant »

Le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham a pour sa part salué un discours « mesuré et ferme ». « Le président a présenté une voie à suivre pour la paix et la prospérité. J’espère que vous l’emprunterez », a-t-il tweeté en s’adressant au peuple iranien.

Le président a eu moins de succès auprès des démocrates du Congrès. Ceux-ci sont sortis frustrés d’un breffage de 75 minutes au cours duquel des responsables de l’administration républicaine ont tenté de démontrer que le général Soleimani préparait des attaques « imminentes » contre des Américains avant d’être assassiné.

« Nous n’avons reçu aucune preuve d’une menace imminente », a tweeté le sénateur démocrate du New Jersey Cory Booker. 

Je demeure profondément sceptique par rapport au fait que [le président Trump] avait une justification pour cette attaque.

Cory Booker

Au moins un républicain – le sénateur de l’Utah Mike Lee – a exprimé la même frustration que les démocrates.

« C’est probablement le pire breffage auquel j’ai assisté, du moins sur une question militaire », a-t-il dit, tout en qualifiant d’« insultant » l’argument des responsables de l’administration Trump selon lequel les élus ne devraient pas remettre en question le bien-fondé d’une opération militaire.

Quelques heures plus tard, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a annoncé la tenue d’un vote jeudi sur une résolution limitant les pouvoirs de Donald Trump de lancer une guerre contre l’Iran. Selon un des textes proposés, le président ne pourrait pas engager les hostilités sans le consentement explicite du Congrès.

« L’Amérique et le monde ne peuvent pas se permettre une guerre », a déclaré la représentante de Californie, qui a critiqué l’administration Trump pour son « manque de stratégie » à l’égard de l’Iran.