(Washington) Démocrates et républicains américains se sont écharpés lundi en offrant leurs conclusions diamétralement opposées de l’enquête en destitution contre Donald Trump, illustrant les profondes divisions partisanes qui traversent les États-Unis.

L’opposition démocrate a présenté son dossier contre le président républicain, en amont d’un vote crucial à la Chambre des représentants sur sa mise en accusation (« impeachment »), qui pourrait intervenir avant Noël.

Et les parlementaires s’apprêtent à dévoiler dès mardi les chefs d’accusation retenus contre le milliardaire new-yorkais, qui sont selon plusieurs médias l’abus de pouvoir et l’entrave à la bonne marche du Congrès.

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Jerry Nadler

La cheffe des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, a en effet annoncé qu’une conférence de presse avec notamment le chef de la commission judiciaire, Jerry Nadler, et le président de la commission du renseignement, Adam Schiff, se déroulerait mardi pour annoncer « les prochaines étapes » du processus de destitution.

Au terme d’une audition acrimonieuse longue de près de dix heures, marquée par de vives passes d’armes, Jerry Nadler n’a en tout cas laissé aucun doute sur sa position : la conduite de Donald Trump « est à l’évidence passible d’une mise en accusation. Cette commission agira en conséquence », a-t-il déclaré.

Le milliardaire « a violé son serment envers les Américains, il a fait passer son propre intérêt avant notre sécurité nationale »,  a-t-il martelé. M. Trump « représente encore aujourd’hui une menace pour l’intégrité de nos élections et notre système démocratique ».

Les républicains ont tenu la ligne de défense de la Maison-Blanche, dénonçant « un spectacle politique ».

Les démocrates « n’arrivent pas à se remettre du fait que Donald Trump est président » depuis sa victoire surprise en 2016, a lancé le numéro deux républicain de la commission, Doug Collins.

« Un coup monté »

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Volodymyr Zelensky se trouvait à Paris, lundi, aux côtés d’Emmanuel Macron.

Proclamant depuis le début de l’affaire qu’il n’a rien fait de mal, Donald Trump a confié lundi avoir regardé « un petit peu » cette audition-fleuve. « C’est une honte, c’est un coup monté », a-t-il encore dit.

Forts de leur majorité à la Chambre, les démocrates ont lancé fin septembre l’enquête en destitution, après avoir appris que Donald Trump avait demandé à l’Ukraine d’enquêter sur le démocrate Joe Biden, bien placé pour l’affronter lors de la présidentielle de 2020.

L’accusant d’abus de pouvoir, ils estiment que le président a fait pression sur l’Ukraine, notamment en suspendant une importante aide militaire destinée à ce pays en guerre avec la Russie.

Les parlementaires pourraient aussi inclure le refus de la Maison-Blanche de collaborer dans l’enquête en destitution, qu’elle juge « anticonstitutionnelle », dans un second chef d’accusation : l’entrave à la bonne marche du Congrès.

Compte tenu de la majorité démocrate à la Chambre, Donald Trump deviendra certainement le troisième président de l’histoire, après Andrew Johnson et Bill Clinton, mis en accusation au Congrès américain.

Lâché par ses troupes, Richard Nixon avait démissionné avant le vote en séance plénière.

Cependant, le milliardaire devrait ensuite être acquitté lors du procès au Sénat, où les républicains sont majoritaires et le soutiennent largement.

Contre-feux

Des semaines d’auditions et d’enquête n’y ont rien fait, au contraire : républicains et démocrates sont encore apparus fermement retranchés dans leurs positions lundi.

« Le président Trump a mené pendant des mois un complot pour solliciter une aide étrangère dans sa campagne de réélection en 2020 », a affirmé un juriste qui représentait les démocrates, Daniel Goldman.

Le juriste Steve Castor, au service des républicains, a lui jugé que les démocrates n’étaient pas parvenus à démontrer un abus de pouvoir au cours de cette enquête « précipitée ».

Il a aussi évoqué à plusieurs reprises Joe Biden et son fils.

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Les juristes représentant les partis républicain et démocrate dans le cadre des auditions en destitution, Steve Castor et Daniel Goldman, prêtent serment lundi au Congrès.

Hunter Biden avait été nommé au conseil d’administration d’un grand groupe gazier ukrainien, Burisma, lorsque son père était vice-président de Barack Obama. Ce qui mène le président à les accuser, sans preuve, d’être corrompus.

Ces accusations font partie des nombreux contre-feux allumés par le président républicain pour délégitimer la batterie d’enquêtes qui le visent depuis son arrivée à la Maison-Blanche, en janvier 2017.

Avant l’affaire ukrainienne, les plus de deux ans d’enquête sur le dossier russe n’étaient, aussi, qu’une « chasse aux sorcières » selon lui, voire une « tentative de coup d’État ».

Mais un rapport officiel publié lundi a largement contredit ses allégations, en établissant que le FBI n’avait pas d’arrière-pensée politique quand il a ouvert en 2016 une enquête sur de possibles liens entre l’équipe de campagne de Donald Trump et Moscou.

L’inspecteur général du ministère de la Justice Michael Horowitz souligne toutefois que certains agents ont par la suite commis des « erreurs et des omissions ».

De quoi conforter le président américain. « Ce qui s’est passé est une honte », a-t-il réagi.