Les tensions déjà vives entre le New York Times et la Maison-Blanche ont encore monté d’un cran la fin de semaine dernière après que le quotidien a accusé des partisans du président américain Donald Trump d’orchestrer une campagne d’intimidation « agressive » contre son personnel.

Dans un article publié dimanche, le journal affirme que des militants conservateurs proches de l’un des fils du président, Donald Trump Jr., ont passé au peigne fin les comptes de nombreux employés sur les réseaux sociaux et ceux des journalistes d’autres médias critiques pour colliger des messages « potentiellement embarrassants ».

Leur intention, indique l’article, est d’utiliser ces messages en temps opportun pour minimiser l’impact de reportages contraires aux intérêts du président et de miner de manière plus générale la crédibilité des médias concernés.

Les allégations du New York Times font suite à la divulgation la semaine dernière par le site conservateur Breitbart d’une série de tweets « insultants » écrits par un des responsables du service politique du quotidien à l’époque où il étudiait à l’université.

L’employé en question, Tom Wright-Piersanti, avait notamment souhaité une bonne année aux Juifs le 1er janvier 2010 en relevant qu’il avait pris la résolution d’être « moins antisémite ».

Breitbart a relevé que la divulgation de ses messages survenait alors que le quotidien new-yorkais venait d’accuser en page éditoriale le président Trump d’attiser l’antisémitisme.

Le journaliste s’est excusé pour ses écrits, disant qu’il avait voulu faire preuve à l’époque d’un « humour osé » pour amuser ses amis.

Son compte Twitter a été placé en mode privé, rendant ses messages inaccessibles.

Arthur Schwartz, un proche collaborateur de Donald Trump fils présenté comme l’un des instigateurs de l’opération d’intimidation, a attaqué M. Wright-Piersanti en ligne à plusieurs reprises, relevant que ses excuses ne changeaient rien à sa faute.

« Si le New York Times pense que ça met fin à l’affaire, nous pouvons dénoncer d’autres racistes dans ses rangs. Il y a beaucoup d’autres informations de cette nature disponibles », a indiqué M. Schwartz, qui n’a pas donné suite hier à la demande d’entrevue de La Presse.

Du « harcèlement »

L’éditeur du quotidien, Arthur Gregg Sulzberger, a indiqué dans une déclaration écrite que des activistes politiques « cherchaient à harceler et embarrasser toute personne liée aux médias de référence qui posent des questions difficiles et mettent en lumière des vérités désagréables ».

PHOTO DAMON WINTER, THE NEW YORK TIMES VIA REUTERS

Arthur Gregg Sulzberger, éditeur du New York Times

« Le but de cette campagne est de toute évidence d’empêcher les journalistes de faire leur travail. […] Le Times ne sera pas intimidé ou réduit au silence », a-t-il prévenu.

Dans une note interne, l’administrateur a prévenu par ailleurs que le quotidien n’hésiterait pas à agir si des « problèmes légitimes sont portés à son attention », incluant par des personnes agissant « de mauvaise foi ».

L’institut de journalisme Poynter a relevé hier en ligne qu’il était préoccupant de penser que des activistes puissent chercher à discréditer des reportages en utilisant des messages publiés par des journalistes plusieurs années auparavant, incluant des individus sans lien direct avec les reportages en question.

« L’opération ne vise pas à rendre notre pays meilleur ou à soutenir une presse indépendante. Elle vise à distraire le public avec des questions secondaires de manière à ce que le président puisse diriger » sans contre-pouvoir, a noté l’organisation.

Déjà de la surveillance

Matthew Pressman, professeur de journalisme rattaché à l’Université Seton Hall, note que divers groupes conservateurs prétendent déjà depuis des années surveiller les médias réputés « de gauche », incluant à travers le comportement en ligne de leurs employés. L’inverse est également vrai.

Dans ces circonstances, les journalistes qui veulent entretenir l’impression qu’ils cherchent à traiter l’actualité de manière « honnête et équitable » ont tout intérêt à faire preuve de retenue dans leurs interventions sur les médias sociaux et d’autres forums en ligne, souligne-t-il.

Plusieurs entreprises de presse ont d’ailleurs élaboré des lignes de conduite au fil des ans pour éviter des situations problématiques, relève l’universitaire.

Il est loin d’être évident, ajoute-t-il, que des révélations comme celles ciblant le journaliste du New York Times sont susceptibles d’avoir un lourd impact sur le plan politique.

« La majeure partie de la base de Donald Trump a intégré l’idée que les journalistes sont des menteurs mal intentionnés qu’il faut haïr. Ils n’ont pas vraiment besoin d’être convaincus encore plus », conclut M. Pressman.