(Los Angeles) Il risquait vingt ans de prison pour avoir aidé deux migrants d’Amérique centrale : faute d’avoir pu le faire condamner une première fois, l’accusation presse désormais ce bénévole d’une association humanitaire d’Arizona (sud-ouest des États-Unis) d’accepter une peine de 24 heures, sous peine de le traduire une nouvelle fois en justice.

Scott Warren, 36 ans, est professeur de géographie et bénévole de longue date au sein de l’association « No More Deaths ». Créée en 2004, cette ONG s’est notamment donné pour mission d’éviter que les nombreux migrants qui franchissent clandestinement la frontière entre le Mexique et les États-Unis ne trouvent la mort dans le désert.

Les autorités fédérales accusaient Scott Warren d’avoir organisé la venue illégale de deux hommes, originaires d’Amérique centrale, qui avaient pénétré sur le sol américain en 2018.  

Le bénévole a été jugé durant deux semaines à Tucson (Arizona) en juin, ses avocats plaidant notamment la « bonté humaine élémentaire » dont il a selon eux fait preuve en aidant les deux hommes, rencontrés par hasard dans un refuge.

À la fin du procès, les jurés ont délibéré durant trois jours sans pouvoir se mettre d’accord sur le verdict et le juge a donc annulé le procès, relaxant de fait Scott Warren.

Les services du procureur ont toutefois décidé mardi de traduire une nouvelle fois en justice le bénévole, a appris l’AFP auprès de son avocat, Greg Kuykendall.

Scott Warren n’est plus accusé de « préméditation » mais est toujours poursuivi pour avoir hébergé des migrants, ce qui constitue deux « crimes » aux yeux de l’accusation. Son nouveau procès est prévu le 12 novembre.

Selon Greg Kuykendall, « de manière très inhabituelle, le gouvernement a aussi annoncé durant l’audience (mardi, NDLR) qu’il proposait au Dr Warren de plaider coupable » d’aide à l’entrée illégale sur le territoire, un simple « délit ».

S’il accepte cet accord, le bénévole se verrait infliger une peine de 24 heures de prison, correspondant au temps qu’il a déjà passé en détention lors de son arrestation, « en échange de l’abandon » des autres poursuites, a expliqué son avocat à l’AFP.

« Je suis déçu mais pas surpris que les autorités persistent à poursuivre dans ce dossier », a-t-il ajouté, accusant le gouvernement fédéral de chercher à prendre une revanche après son échec dans le premier procès.

« Nous sommes en meilleure position que jamais pour défendre Scott Warren », a lancé l’avocat, laissant entendre que son client refusera l’offre de l’accusation.

Ses avocats affirment que M. Warren est pris pour cible par les autorités en raison de la diffusion par « No More Deaths » d’une vidéo montrant des agents de la police aux frontières en train de détruire des bidons d’eau laissés par l’ONG dans le désert pour éviter aux clandestins de mourir de soif.

L’affaire symbolise pour certains les mesures extrêmes que le gouvernement du président Donald Trump est prêt à prendre pour combattre l’immigration clandestine, un de ses thèmes favoris.

Dans un rapport publié mardi, Amnistie internationale fustige l’attitude des ministères de l’Intérieur et de la Justice qui « utilisent de plus en plus souvent le système pénal pour dissuader les militants, les avocats, les journalistes et les bénévoles humanitaires de contester, ou même de signaler les violations systématiques des droits humains commises par les autorités américaines contre les migrants et les demandeurs d’asile. »

Le cas de Scott Warren est nommément cité dans ce rapport, intitulé « Sauver des vies n’est pas un crime ».  

« Si le Dr Warren devait être condamné et emprisonné pour ces accusations absurdes, Amnistie internationale le considérerait comme un prisonnier d’opinion », avertit l’ONG.

À la sortie du tribunal mardi, Scott Warren a simplement déclaré aux journalistes que les poursuites dont il faisait l’objet ne contribuaient qu’à « attirer l’attention du public sur la crise humanitaire à la frontière » et mobilisaient « davantage de bénévoles qui veulent se montrer solidaires des migrants ».