(Washington) L’Église catholique américaine, secouée par des scandales de pédophilie, a renforcé jeudi le système de signalement des abus sexuels qui concernera aussi la hiérarchie religieuse, en ligne avec les récentes décisions du pape François.

Réunis à Baltimore, les 224 membres de la Conférence des évêques américains (USCCB) ont entériné à une très large majorité le changement de la loi canonique annoncé en mai par le pape, qui oblige le clergé à signaler les abus au Vatican.

Jusqu’à présent, les enquêtes internes étaient supervisées par les évêques qui dénonçaient les affaires selon leur conscience.

Ils ont également voté la création, avant le 31 mai 2020, d’un mécanisme permettant de signaler confidentiellement, par téléphone ou en ligne, des violations présumées – abus ou mauvaise gestion des enquêtes – commises par les évêques. Cette structure sera gérée en coopération avec du personnel laïc.

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L’évêque Michael Burbidge.

Ces votes «nous aident à avancer, notamment sur la question de la responsabilité des évêques» et «réaffirment le besoin de l’expertise des laïcs pour nous aider dans notre travail», a expliqué l’évêque Michael Burbidge, responsable de la communication de la Conférence.

Avant le scrutin, il avait expliqué que ce mécanisme «permettant de signaler des inquiétudes ou des allégations contre un évêque» venait s’ajouter aux moyens d’alerte déjà existants.

Dans sa lettre apostolique intitulée Vous êtes la lumière du monde, le souverain pontife oblige à signaler tout harcèlement ou agression et toute tentative par la hiérarchie de couvrir des abus sexuels.

Les enquêtes devront être menées localement puis être transmises au Vatican pour un éventuel procès. Si les allégations concernent des cardinaux, le signalement pourra être adressé directement au Saint-Siège, à un ambassadeur du Vatican ou à un archevêque métropolitain chapeautant les évêques d’une province.

Le texte n’oblige pas le signalement des cas d’abus aux autorités judiciaires du pays, sauf là où la loi locale l’impose. Aux États-Unis, une charte de protection de l’enfance adoptée par l’Église en 2002 prévoit de transmettre à la police toute accusation de pédophilie et de suspendre les prêtres incriminés.

AP

Becky Ianni

Les associations de victimes de prêtres pédophiles ont dénoncé une «auto-régulation» de l’Église.

«Les évêques américains ne dirigent pas un pays indépendant quand il s’agit d’actes criminels contre des enfants», a affirmé Becky Ianni, directrice de l’association SNAP pour la région de Washington.

L’Église catholique américaine a été secouée par des révélations d’agressions pédophiles longtemps couvertes par la hiérarchie.

En août 2018, une enquête judiciaire a révélé que plus de 300 «prêtres prédateurs» avaient commis des abus sur au moins mille enfants pendant des décennies en Pennsylvanie.

Le scandale a forcé à la démission l’ancien archevêque de Pittsburgh, Donald Wuerl, qui aurait tenté d’étouffer ces affaires.

AP

Theodore McCarrick

L’influent cardinal Theodore McCarrick a été défroqué en février pour avoir agressé sexuellement un adolescent dans les années 1970 et l’évêque Michael Bransfield, accusé de harcèlement sexuel sur des adultes, a démissionné en 2018.

Également secouée par un énorme scandale sexuel cette année, la principale église protestante américaine s’est aussi attaquée cette semaine à sa culture de l’impunité.  

Réunis à Birmingham, dans l’Alabama, les délégués de la Southern Baptist Convention (SBC), qui compte 15 millions de membres, ont approuvé mardi à une large majorité l’exclusion des congrégations qui auraient cherché à couvrir les auteurs d’abus sexuels. 

Cette décision illustre un changement marquant au sein de la SBC, où les différentes églises bénéficient d’une large autonomie.