(WASHINGTON) François Legault n’est pas sur la même longueur d’onde que Donald Trump sur plusieurs sujets. Mais il aimerait bien recevoir la « bénédiction » de l’administration du président américain dans un dossier qui lui tient à cœur : l’exportation de l’hydroélectricité québécoise vers les États-Unis.

« Ce que je voudrais, c’est un peu la bénédiction du gouvernement de M. Trump, de dire que ça serait une bonne idée que le Québec fournisse de l’hydroélectricité aux États du Nord-Est américain », a déclaré le premier ministre du Québec lors d’une entrevue avec La Presse entre deux réunions à Washington, dernière étape de sa mission économique de trois jours commencée lundi à New York.

François Legault a émis ce souhait après avoir rencontré le sous-secrétaire à l’Énergie américain, Mark Menezes. En fin de journée, il a ajouté à son programme un entretien avec le principal conseiller de Donald Trump en matière d’énergie, Wells Griffith.

Ce conseiller originaire de l’Alabama ne sera jamais confondu avec un grand partisan des énergies vertes — il était favorable au retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat —, mais il est réputé pour avoir l’oreille du président.

Comme Mark Menezes, Wells Griffith était un interlocuteur important à qui François Legault a tenté de faire comprendre que l’hydroélectricité québécoise représente « des avantages économiques, mais aussi, bah oui, […] des avantages environnementaux ».

« Au moins, il faut qu’il n’y ait pas de réticences à ce que tous les permis nécessaires soient donnés rapidement pour qu’on puisse exporter davantage d’hydroélectricité dans le Nord-Est américain. » — François Legault

Le premier ministre s’est par ailleurs défendu d’avoir commis une erreur en ne se faisant pas accompagner du PDG d’Hydro-Québec lors du volet new-yorkais de sa mission américaine – volet qui s’est notamment soldé par l’annonce de l’envoi à New York dans les prochains jours du patron de la société d’État, Éric Martel. Ce dernier doit y rencontrer les dirigeants de la Ville et ceux du fonds d’investissement Blackstone, développeur de la ligne de transmission Champlain Hudson Power Express qui acheminerait l’hydroélectricité québécoise vers la métropole américaine.

« Je ne pense pas que c’était approprié », a déclaré M. Legault en parlant de la présence d’Éric Martel à ses côtés. « Je n’avais pas l’intention de commencer à discuter de prix par kilowattheure, de volume et de détails. Ça, ça sera fait par le président d’Hydro-Québec. Ce qui était important pour moi, c’était de bien comprendre ce qui se passe avec les deux joueurs qui sont concernés par ce projet-là. D’abord la Ville de New York, et le client, Blackstone. »

Le premier ministre ne regrette pas non plus d’avoir donné l’impression d’être prêt à brader l’hydroélectricité québécoise en affirmant, comme il l’a fait mardi, que tout prix du kilowattheure « au-dessus de zéro est avantageux ».

« Il faut dire la vérité, on est en surplus », a-t-il dit en entrevue. « Donc, à court terme, tout prix au-dessus de zéro est mieux que rien. Quand on regarde, il n’y a quand même pas 50 possibilités. […] Il est important qu’on s’entende et que le projet aille de l’avant. Actuellement, le Québec perd des centaines de millions de dollars par année parce qu’on n’utilise pas ces surplus-là. »

Tirer profit du conflit commercial

À sa toute première visite à Washington, François Legault a également renoué hier avec un thème qu’il avait abordé devant la Foreign Policy Association lundi à New York : le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine.

Conflit qui, selon lui, pourrait permettre au Québec de rappeler aux États-Unis qu’il possède plusieurs des minéraux stratégiques, du lithium aux terres rares en passant par le graphite, que la Chine leur vend.

« Il y a plusieurs gisements au Québec qui n’attendent que des investisseurs américains pour être développés », a déclaré François Legault lors d’une allocution matinale prononcée devant le Conseil des affaires canado-américaines, dans un hôtel situé à un jet de pierre de la Maison-Blanche.

« Et si la Maison-Blanche choisit de jouer dur avec la Chine, ça me va », a-t-il ajouté.

Aluminerie de Bécancour

Après cette allocution, François Legault a rencontré le PDG d’Alcoa Corporation, Roy Harvey. Les deux hommes ont notamment parlé du conflit à l’Aluminerie de Bécancour (ABI) qui s’éternise depuis 16 mois. En entrevue avec La Presse, François Legault s’est de nouveau rangé dans le camp d’Alcoa, propriétaire de l’ABI.

« Je pense que la proposition de l’employeur est une bonne proposition, a-t-il dit. Je pense aussi que les négociations avec Alcoa à Baie-Comeau vont très bien. Donc, vraiment, il y a un problème avec le syndicat à Bécancour. »

Échanges commerciaux

Plus tard dans la journée, François Legault a rencontré deux sénateurs républicains influents, Chuck Grassley, de l’Iowa, et Susan Collins, du Maine. Comme le premier ministre du Québec, le sénateur de l’Iowa, qui est aussi président de la commission des Finances du Sénat, souhaite la ratification rapide par le Congrès de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Et il croit que la ratification du nouvel accord par le Parlement canadien pourrait contribuer à faire bouger les choses aux États-Unis.

« Je m’attends à ce que cela se produise [au Canada] d’ici au 25 juin », a-t-il dit aux journalistes avant le début de sa rencontre avec son invité québécois.

Durant son tête-à-tête avec M. Grassley, le premier ministre Legault l’a remercié de son rôle dans la levée des tarifs douaniers imposés par Donald Trump sur l’acier et l’aluminium canadiens.

Dans un tout autre ordre d’idées, le chef du gouvernement caquiste a réagi de façon négative à la possibilité évoquée par Maxime Bernier la veille de rouvrir au Canada le débat sur l’avortement.

« Pour moi, c’est une question qui est réglée depuis longtemps au Québec. Je pense que les Québécois sont ailleurs », a-t-il dit lors d’une mêlée de presse.